… On demandait naguère, pour sa tombe, du bronze… Qu’à cela ne tienne : son œuvre fournit la matière.
Deplace avait un sens droit, une instruction ecclésiastique et théologique fort étendue ; il savait avec précision l’état des esprits et des opinions en France sur ces matières ardentes ; il pouvait donner de bons renseignements à l’éloquent étranger, et tempérer sa fougue là où elle aurait trop choqué, même les amis : motos componere fluctus. […] L’honorable écrivain dont nous parlons ne s’en est pas assez pénétré ; il y aurait, matière à le narguer là-dessus.
Pourquoi la musculature du rire serait-elle matière plus agréable au physiologiste observateur que celle du pleur ? […] On ferait à la rigueur une honorable conférence sur Scarron, en racontant sa vie et en soulignant les renseignements que sa manière et sa matière nous donnent sur le mouvement littéraire et sur la société de son temps.
L’idée de presque tous les historiens de l’Amérique est de croire que la divination doit s’exercer, en matière d’histoire américaine, bien plus en regardant l’avenir qu’en se retournant vers le passé… Erreur profonde, selon moi ! […] … Il est, je le sais, beaucoup d’hommes politiques de ce faible temps, dont l’âme domptée par la matière et tremblant devant elle prend l’énormité pour la grandeur et l’obésité territoriale pour la force.
l’agrément jusque dans les matières qui comportent le moins d’agrément ! […] Flourens jetait aux Bichats de l’avenir, pour le développer, le germe d’une nouvelle chirurgie, et ce n’était là qu’un profit de la physiologie ; mais la théorie posant l’axiome superbe : « la matière passe et les forces restent », frappait le matérialisme, d’un premier coup, au ventre même.
Rabelais disait : « Matière de bréviaire ! » Je dis, moi : « Matière de dictionnaire !
Ainsi, une langue générale appropriée à des matières qui intéressent la conduite de la vie ; les mots toujours subordonnés aux choses ; toujours quelque point de doctrine à démontrer, quelque vérité à enseigner ; chacun se proportionnant, s’ajustant à tous, rien de donné à l’humeur ni au caprice ; le génie de la personne approprié, comme le meilleur outil, à l’œuvre qui lui est échue : tel est le caractère des écrits dits de Port-Royal, soit signés, soit sans nom d’auteur, qui virent le jour dans le même temps que les ouvrages de Vaugelas, et après lui. […] Il s’agit en effet non de faire briller son esprit dans quelque matière spéculative, simplement curieuse ou d’une application éloignée, mais de faire prévaloir des vérités de foi quotidienne qu’il y a danger de mort éternelle à méconnaître. […] L’habitude qu’on avait des matières théologiques en fit rechercher la lecture. […] Mais là où la matière est familière, et les vérités à la portée de tous, la perfection du style est dans l’absence même de cette marque de la personne. […] Mais pour celles qu’on a extraites du livre de Nicole, autant elles sont agréables dans la suite de son discours, où elles égayent la sévérité de la matière, autant elles nous sont indifférentes, ainsi détachées et mises au grand jour, pour être vues hors de leur place et pour elles-mêmes.
Qu’est-ce que la matière ? […] Comprend-elle la matière et la forme ? […] Opposeront-ils cette difficulté toute gratuite que ce qui est possible pour l’étude de la nature ne l’est pas pour celle de l’homme ; qu’on peut se passer des premiers principes quand on étudie la matière et ses propriétés, mais qu’on ne le peut quand il s’agit de l’âme et de ses manifestations ? […] Ajoutez toutes les grandes vues d’ensemble que nous ne pouvons pressentir, tout ce que nous révéleront des sciences encore à naître : pense-t-on qu’alors la matière manquera aux esprits philosophiques, c’est-à-dire préoccupés du général. […] S’il peut sembler paradoxal que la psychologie qui est la science de l’âme ne s’en occupe point, on doit remarquer que la biologie et la physique ne s’occupent pas davantage de la vie et de la matière, que tant qu’elles en ont fait l’objet propre de leur étude, leurs progrès ont été nuls ; et que la psychologie ne s’est enrichie que de faits d’expérience, sa métaphysique n’ayant peut-être pas fait un pas depuis Aristote.
…………………………………………………… …………………………………………………… …………………………………………………… …………………………………………………… Le mal dès lors régna dans son immense empire ; Dès lors tout ce qui pense et tout ce qui respire Commença de souffrir ; Et la terre, et le ciel, et l’âme, et la matière, Tout gémit ; et la voix de la nature entière Ne fut qu’un long soupir. […] Aux désordres du mal la matière asservie, Toute chair gémissant, hélas ! […] Le principe de destruction que vous portez en vous, comme le fruit porte le ver, ou comme le temps porte la mort, ou comme le commencement porte la fin, commence à vous disputer, pied à pied, avec douleur, cette petite pincée de matière organisée, ce petit point d’espace, et ce petit éclair de durée que la nature a donnés à une âme, assez grande pour contenir des éternités, et assez vivante pour user des mondes. […] Cependant, malgré cette évidente immatérialité de l’âme, il est évident aussi qu’excepté la conscience, qui est innée en nous (précisément parce que la matière ne pouvait pas révéler à l’âme la moralité que la matière n’a pas, nemo dat quod non habet ) ; il est évident, dis-je, que l’âme humaine, pendant qu’elle est associée au corps, reçoit toutes ses impressions et toutes ses notions par les sens, ces lucarnes du cachot de l’âme.
Art très amusant du reste, et j’irai jusqu’à dire plus instructif que l’autre, formant matière plus riche d’enseignement littéraire. […] Mais, du reste, et sans que nous songions à épuiser la matière, il y a des humanistes de bien des sortes. […] Est pour eux matière de science ceci, cela, et non pas autre chose, et non pas tout. Est matière de science, le monde extérieur et visible, la matière, rien autre chose. […] Il faudra qu’il dépouille de sa puissance propre et de son intime vertu la matière même dont il se sert pour son art.