L’esprit y trouve si peu de variété, que lorsque vous avez vû une partie de la phrase, vous devinez toûjours l’autre : vous voyez des mots opposés, mais opposés de la même maniere ; vous voyez un tour dans la phrase, mais c’est toûjours le même. […] Cette disposition de l’ame qui la porte toûjours vers différens objets, fait qu’elle goûte tous les plaisirs qui viennent de la surprise ; sentiment qui plaît à l’ame par le spectacle & par la promptitude de l’action, car elle apperçoit ou sent une chose qu’elle n’attend pas, ou d’une maniere qu’elle n’attendoit pas. […] La surprise peut être produite par la chose ou par la maniere de l’appercevoir ; car nous voyons une chose plus grande ou plus petite qu’elle n’est en effet, ou différente de ce qu’elle est, ou bien nous voyons la chose même, mais avec une idée accessoire qui nous surprend. Telle est dans une chose l’idée accessoire de la difficulté de l’avoir faite, ou de la personne qui l’a faite, ou du tems où elle a été faite, ou de la maniere dont elle a été faite, ou de quelque autre circonstance qui s’y joint. […] Comme il s’agit de montrer des choses fines, l’ame aime mieux voir comparer une maniere à une maniere, une action à une action, qu’une chose à une chose, comme un heros à un lion, une femme à un astre, & un homme leger à un cerf.
La manière de M. […] Mais il est évident que l’esprit a sa manière, opportune et logique, alors que l’habitude et un certain pouvoir de concentration l’arment de la volonté et du goût de l’entreprise idéale, — et qu’il a dès lors ses maîtrises. […] De quelle manière éloquente, il faudrait s’en douter au même instant, pour s’éprendre de la nature, à la folie, comme Rousseau. […] * * * Nous entrevoyons, sans doute, maintenant comment la manière de M. […] France remue des idées, et qu’il en remue à foison et par pelletées ; et peu importe s’il les présente à sa manière et s’il s’en amuse : il formule et il juge.
Mignet, qu’ayant aujourd’hui à en traiter plus en particulier, nous pourrons nous abstenir de reprendre le fond des choses et nous en tenir à juger la manière de l’écrivain. […] Lui aussi se pénètre d’une inexprimable pitié pour le néant des individus, et les raille à sa manière comme des jouets fragiles. […] Appliquée à la Révolution française, la manière de M. […] Nous verrons par la faute de qui, après s’être ouverte sous de si heureux auspices, elle dégénéra si violemment ; de quelle manière elle changea la France en république, et comment, sur les débris de celle-ci, elle éleva l’empire. […] C’est que, si dans les deux écrivains la manière de concevoir l’histoire de cette époque est au fond à peu près semblable, leur manière de la présenter ne l’est pas.
Après Rousseau, après Saussure, après Sénancour, Chateaubriand, Lord Byron, tous paysagistes à leurs heures, après ce glorieux Cooper, qui a contribué, pour sa part, à l’impulsion générale donnée à la pensée contemporaine dans le sens de la description, Topffer est venu comme bien d’autres, et, soit manière originelle de regarder et de sentir, soit calcul d’une pensée qui cherche à dire un mot qui n’a pas été dit encore, il a essayé d’introduire la manière flamande dans le paysage alpestre et grandiose, et il a réussi. Cette manière de voir et de reproduire (produire serait peut-être un mot plus vrai), il s’en est servi, il l’a appliquée, mais largement, en artiste vrai, qui ne se bute pas à un système, qui ne se cogne pas, comme un aveugle, à la borne d’un parti pris. S’il peint à la manière flamande ses premiers plans, choisis avec le discernement et le sentiment d’un Ruysdaël, d’un Potter ou d’un Wouvermans, il n’en lève pas moins parfois les regards vers les cimes ; et par échappées, sur les têtes de ses personnages, un trait plus hardi, plus fier, plus grandement rêveur, nous rappelle la magnifique et immense Nature qui surplombe tous les petits cadres où Topffer s’enferme, des pies nuageux ou irisés de ses sommets. […] Si le talent de peintre est le chaton d’or de la bague de sa renommée, le rubis est son talent d’écrivain, ce talent qui est toujours plus grand que le cadre, la manière, le sujet des livres, qui est le sang même de la pensée et qui vivifie tout, partout où il tombe, — que ce soit par gouttes ou que ce soit par torrents ! […] Mais l’intérieur de ces vieilles poitrines de grimpeurs de montagnes ou du cœur de rose de cette fillette, mais la manière de concevoir et de sentir la vie de ce mâle et pauvre curé qui, son bréviaire récité, sa messe dite, se rappelant qu’il est un robuste fils des Alpes, s’en va faire la guerre aux oiseaux du ciel pour nourrir les pauvres de la terre, voilà ce que l’on voudrait voir, voilà ce que Topffer ne nous montre pas avec assez de détails et ce qui n’aurait pas échappé à Sterne, par exemple, ce grand moraliste qui sait aussi fixer en trois hachures un paysage d’un ineffaçable fusain, grand comme l’ongle, mais infini d’expression, et qui reste à jamais, dès qu’on l’a vu, dans la mémoire, comme une pattefiche dans un mur !
C’est une manière de prendre sa revanche, et aussi de faire croire qu’il est initié aux hauts secrets. […] Et vous croyez que ce sera de là que sortira ce dont nous avons besoin, une sève originale, une nouvelle manière de sentir, un dogme capable de passionner de nouveau l’humanité ? […] Tout ce qu’on peut leur demander, aux époques comme la nôtre, c’est de maintenir tant bien que mal les conditions de la vie extérieure, de manière qu’elle soit tolérable. […] Telle est la manière française ; on reprend trois ou quatre mots d’un système, suffisants pour indiquer un esprit ; on devine le reste, et cela va son chemin. […] Ou bien encore l’érudition spirituelle de Barthélemy, qui, pour être d’un ordre plus élevé, n’est pourtant pas encore la grande manière philosophique et scientifique.
Vaine manière de concevoir la science. […] Manière étroite de prendre sa spécialité. […] Nouvelle manière de les critiquer. […] Sotte manière d’admirer l’antiquité. […] Manière d’inoculer le sens critique.
Leurs bienfaits sont disposés de maniere à inviter à l’ingratitude. Leur jargon brillant, leurs manières polies ne peuvent en imposer qu’aux sots. […] Dans cette manière, il néglige l’idée universelle du genre. […] Ses tableaux offrent la largeur & la maniere libre de la Nature elle-même. […] pourquoi dissimulerois-je ma manière de voir & de sentir ?
J’ai cru m’apercevoir que le phénomène de la pensée ne s’opérait pas de la même manière dans tous les hommes de cet âge, et cela me suffit, la supposition que je fais devant ensuite être remplacée par ce que je crois être la vérité, ou même par tout autre système que mes lecteurs voudraient lui substituer. […] J’écarte pour le moment, comme on voit, l’examen de l’action continue de la Providence sur les sociétés humaines, parce qu’on l’écarte assez généralement dans la discussion actuelle : au reste, aucune des deux classes ne la nie ; seulement chacune l’explique à sa manière. […] Si une fois cette division des hommes en deux classes pouvait être admise, il en résulterait une explication simple de plusieurs phénomènes sur lesquels on se dispute fort inutilement, puisque ces phénomènes se manifestent de différentes manières chez les différents hommes. […] Comme l’origine de la parole et l’origine de la société sont absolument la même question, il en résulte que les deux systèmes relativement à la parole s’appliquent aussi à la société, et peuvent se résoudre de la même manière. […] Ainsi il ne faut pas dire, de ce qu’une chose se passe aujourd’hui de telle manière, qu’elle a dû, ou qu’elle aurait dû se passer toujours de même.
Delacroix, l’un d’une manière analogue, l’autre dans une méthode contraire. — L’un est M. […] Il y a deux manières de devenir célèbre : par agrégation de succès annuels, et par coup de tonnerre. […] — Combien d’autres n’auraient pas songé à ce détail, ou du moins l’auraient rendu d’une autre manière ! […] Papety n’a pas encore trouvé sa manière. […] Paul Huet voudrait modifier sa manière ?
La tentative est la plus hardie qu’on ait encore faite dans cet ordre d’histoire littéraire, et l’on ne saurait s’étonner qu’elle ait soulevé tant d’objections et de résistances chez des esprits prévenus et accoutumés à des manières de voir antérieures. […] Taine aura fait avancer grandement l’analyse littéraire, et celui qui après lui étudiera un grand écrivain étranger, ne s’y prendra plus désormais de la même manière ni aussi à son aise qu’il l’aurait fait à la veille de son livre. […] Le maître assistait à la leçon de l’élève en manière d’arbitre et déjugé du camp. […] S’il a interrogé (et il aime à le faire), ç’a été d’une manière pressée, avec suite et dans un but, pour répondre à la pensée qu’il avait déjà. […] Je demande donc qu’il me soit permis de le faire dans ce cas particulier, qui est un des plus agréables de sa manière, et à poser avec précision ma limite, puisque je me trouve y avoir dès longtemps pensé à part moi et pour mon seul plaisir.