Les vers que voici montrent ce défaut adventice ; ils sont en même temps un bon paradigme des quelques combinaisons d’harmonies auxquelles se prête ce poète : Viens dans les calmes eaux laver tes mains coupables Et ton manteau froissé de vents et d’orages Et les yeux remplis du sable Des routes d’ombre et des plages Interminables à tes voyages Des terres de folie au pays des sages Où l’eau terne languit en âges de sommeil Parmi les arbres grêles et sous de pâles ciels. […] En ce bel hymne, œuvre la plus parfaite je crois au point de vue de la forme, se trouvent des passages mélodieux comme celui-ci : Je t’aimai d’un amour de musique Au luth enguirlandé de jasmin, D’un amour de fidèle et de prêtre Qui s’éperd en cantique Dès hier jusqu’en demain ; Et tant je t’ai doucement nommée Que d’un amour un autre vint à naître, Que mon amour et toi n’étiez qu’un être Et la chanson d’amour se fit l’aimée ; J’ai péché pour t’avoir trop doucement nommée… Il s’accumule en nos mémoires mornes Trop de verbeuses, vaines chansons mortes : Nous avons lu la route à trop de bornes, Demandé le chemin à trop de portes ; Je veux la rose, ô Reine dont tu t’ornes, Je veux le lys, que dans ta main tu portes. […] Printanière, dans l’aube éternelle du rêve Et dans l’aurore assise, Elle tisse en rêvant Des choses qu’Elle sait, et sourit ; et, devant Elle, au gré de sa main agile, court sans trêve La navette laborieuse, et le doux vent D’avril emmêle ses cheveux qu’Elle soulève Et rejette sur son épaule ; et, relevant La tête, Elle fredonne un air qu’Elle n’achève… De l’ombre, Elle apparaît, comme en un cadre d’or : Derrière Elle l’azur et des plaines qu’arrose Un fleuve ; et, sur sa tête, un rameau de laurose Étend ses fleurs contre l’azur clair ; — et l’effort Du métier, comme un chant monotone et morose Se plaint très doucement : — on envierait le sort De celui qui baiserait la main qu’Elle pose Négligemment, parfois, et lasse de l’effort… Mais moi, la voyant rire en rappelant sans doute Quelque doux jour mort de sa joie un soir de mai, Je songeai que, peut-être, pour avoir aimé Son rire, d’autres ont repris la lente route Tristes d’un souvenir et le cœur affamé D’un mets où nulle lèvre impunément ne goûte. […] Ils sont comme un enfant qui, s’il a quitté la main de sa mère, court un instant joyeux et libre, et déjà revient vers elle pour régler de nouveau son pas sur le sien. […] Vielé-Griffin procède tout autrement ; il me paraît concevoir son vers comme une parole déclamée, ou plutôt contée ; chacun de ses poèmes suppose un diseur et la strophe se règle à la fois sur les images que la voix isole et sur le geste léger d’une main qui semble découper la phrase en en soulignant les nuances25.
Quoi, vous admettriez que la matière est, parce que vos yeux et vos mains vous le disent, et vous douteriez de l’être divin, que toute votre nature proclame dès son premier fait ? […] Que laisserait-elle entre les mains d’une analyse rigoureuse ? […] L’homme mûr ne peut plus croire ce que croit l’enfant ; l’homme ne peut plus croire ce que croit la femme ; et ce qu’il y a de terrible, c’est que la femme et l’enfant joignent leurs mains pour vous dire : « Au nom du ciel, croyez comme nous, ou vous êtes damné. » Ah ! […] Un jour, au pied de l’autel, et sous la main de l’évêque, j’ai dit au Dieu des Chrétiens : « Dominus pars haereditatis meae et calicis mei ; tu es qui restitues haereditatem meam mihi. […] Le christianisme n’a reçu tout son développement qu’entre les mains des Grecs.
… Je sais bien que les Réalistes, dont Flaubert est la main droite, disent que le grand mérite de Flaubert est de faire vulgaire, puisque la vulgarité existe. […] III Ce n’est donc pas une tête que Flaubert, c’est une main, — une main patiente et lente, mais acharnée, qui fait des descriptions tranchées et des paysages de précision, mais qui, quand cela est exactement exécuté, se trouve au bout de sa science et de son art, ou, pour mieux dire, de son industrie. […] … » Hagiographe singulier et inattendu, toucherait-il à ce sujet d’une main chrétienne ou impie ?… Je ne croyais pas à la main chrétienne, et il me semblait que j’en avais le droit. […] C’était un cul-de-lampe magnifique, et Flaubert, après s’être frotté les mains, l’a exécuté avec le détail chinois de sa manière, avec ce pointillé exaspéré qui veut faire tout voir, comme le microscope appliqué à des infusoires, et ce n’est pas là ce qui étonne.
Affermis sur la bâse de l’intérêt public & de la connoissance réelle de l’homme, ils dirigeront les idées Nationales ; les volontés particulieres sont entre leurs mains. […] Les Libraires aspirent l’argent qui ne remonte jamais vers la main qui a bâti leur fortune. […] Tout ouvrage gracieux est ordinairement petit ; des charmes mensongers font appercevoir la main qui a soigné, apprêté, arrangé tous ces vains ornemens. […] Mais à peine éleve-t-on quelque édifice, que la main de l’Architecte se glace. […] Or, les vues courtes s’obstinant sur une vérité qu’il leur est impossible de féconder, la vérité prend entre leurs mains l’insuffisance la plus stérile.
Jouet entre les mains d’une femme, laquelle était elle-même un jouet entre les mains de Paris, il n’a pas été brisé. Il est sorti victorieux des mains de la femme, mais la femme n’est pas sortie des mains de Paris. […] Ses cheveux et sa barbe étaient grillés, sa main entièrement brûlée. […] Comme il met à nu, de sa main délicate et souple, ses ressorts les mieux dissimulés ! […] (Il prend la main de Maleine.)
Julien, amoureux de Mme de Rénal, se hasarde un soir à prendre sa main. « Cette main se retira bien vite ; mais Julien pensa qu’il était de son devoir d’obtenir que l’on ne retirât pas cette main quand il la touchait. […] » Tout est bien sortant des mains de la nature ; tout s’est corrompu dans les mains de l’homme. — C’est le paradoxe de Rousseau appliqué à l’institution du mariage. […] Vous accomplissez son grand œuvre ; il crée en vous, vous êtes sa main droite. […] Quasimodo et Triboulet, les deux héros bossus, avaient épuisé la veine entre les mains du maître.
comme il sème à pleines mains l’épigramme et la zizanie ! […] Ses mains se crispent et se ferment et prennent du néant. […] Il n’a qu’à étendre la main, et l’on y mettra tous les millions qu’il voudra. […] qu’il est loin, le beau temps évangélique où la main gauche ignorait ce que faisait la main droite ! […] Si on ne nous offre pas une main bien pleine, nous ne la prenons pas.
Il en a bien versé… Mais sa main n’est pas lasse ; Elle a, sans le combattre, égorgé le passant. […] Monsieur, je serre vos mains et je vous conjure pour cette auguste mère si bonne, que la grâce vienne d’en haut et qu’elle soit prompte. […] « Elle n’y va pas de main morte », disait d’elle M. […] Buvons l’heure qui coule ; Ne perdons pas de temps à nous laver les mains ; Hâtons-nous d’admirer le pigeon qui roucoule, Car nous le mangerons demain. […] La plume ne lui est tombée de même à lui, définitivement, des mains que le jour où il s’est alité pour mourir.
Lassé de ces bruits sonores et des statues de tout métal debout sur leurs socles démesurés, on se rejette avec une sorte de faiblesse en arrière et, comme Dante en ses cercles sombres, on réclame un guide compatissant et à portée de la main : O Virgile, Térence, Racine, Fénelon, grands hommes et si charmants, pris au sein même et dans les proportions de l’humanité, où êtes-vous ? […] Lucas-Montigny qui vient, après trente années de soins, d’examen pieux et de collations scrupuleuses, instruire de nouveau ce grand procès, en appeler des jugements antérieurs, et, avec une quantité de pièces précieuses en main, tenter la réhabilitation de cette renommée qui est pour lui domestique. […] Ces dialogues, qu’il avait écrits pour se repaître, ainsi que Sophie, du souvenir des premiers jours de leur liaison, sont aux mains du biographe qui n’en donne aucun extrait. […] Hugo a tout d’abord tendu la main à ce haut et grave vieillard ; c’est ainsi qu’il les aime, qu’il les peint et qu’il les rêve : don Ruy Gomès de Sylva, dans Hernani, n’est pas d’une autre souche ; et lui-même, poëte, il m’a fait souvent l’effet de représenter cette sorte de type inflexible, transporté, dépaysé dans la littérature et dans l’art de nos jours : de là en partie, j’imagine, ce qu’il y a de faussé dans sa puissance. […] Il s’est laissé fléchir en effet : j’ai pu, bien des années après, grâce à son obligeance, écrire pièces en main de complets articles sur ce sujet : Mirabeau et Sophie.
Pour obtenir du réel, il faut surtout avoir du réel plein les mains. […] Une hautaine clameur d’épopée aussi, et de fulgurantes parades avec l’épée à deux mains héritée du Charlemagne du romantisme. […] Un vigoureux talent, une observation perpétuelle, une ardeur alerte, voilà ce qu’on remarque dans la Maison de la Vieille, et qu’on ne croît pas que ce livre est décousu ; malgré son grouillement, il est systématique et construit de main d’ouvrier. […] Autant que la Faute de l’abbé Mouret ou la Joie de vivre, le Roi vierge fit saisir aux mains actives l’inanité charmante des chapeaux de rêve. […] -D. l’Inspiration, il déshabillait les Demi-Vierges d’une main accoutumée à ce genre d’exercice, et livrait, superbe d’audace, à l’effarement de l’aréopage, leur nudité délicate et scabreuse.