/ 2266
695. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Poésies nouvelles de M. Alfred de Musset. (Bibliothèque Charpentier, 1850.) » pp. 294-310

De l’esprit, des nudités et des crudités, du lyrisme, une grâce et une finesse par moments adorable, de la plus haute poésie à propos de botte, la débauche étalée en face de l’idéal, tout à coup des bouffées de lilas qui ramènent la fraîcheur, par-ci par-là un reste de chic (pour parler comme dans l’atelier), tout cela se mêle et compose en soi la plus étrange chose, et la plus inouïe assurément, qu’eut encore produite jusqu’alors la poésie française, cette honnête fille qui avait jadis épousé M. de Malherbe, étant elle-même déjà sur le retour. […] Ce qu’on peut dire sans se hasarder, c’est qu’il est résulté de ce concours de talents, pendant plusieurs saisons, une très riche poésie lyrique, plus riche que la France n’en avait soupçonné jusqu’alors, mais une poésie très inégale et très mêlée.

696. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre III. Le cerveau chez l’homme »

Je suis d’avis que l’on ne doit pas mêler les questions morales et sociales aux questions zoologiques ; je voudrais cependant que l’histoire naturelle ne montrât pas une trop grande indifférence morale, et que par sa prétendue impartialité elle ne blessât pas trop l’humanité. […] J’ajouterai que, sans vouloir mêler la morale à la science, ni juger la valeur d’une dissection anatomique par ses conséquences sociales et religieuses, il est permis cependant, en présence de certains zoologistes si pressés de rabaisser l’homme jusqu’au singe et de se servir, pour le succès de leur thèse, de l’exemple du nègre, que cette thèse intéresse particulièrement, il est permis, dis-je, de demander d’où vient cette répulsion universelle que l’humanité civilisée éprouve aujourd’hui contre l’esclavage.

697. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre premier. Considérations préliminaires » pp. 17-40

Nos pères avaient, à mon avis, plus de respect pour les nations : tout à fait dans les temps anciens les rois étaient de race divine ; dans les temps modernes on a cru, d’après l’autorité de l’Écriture sainte, que Dieu lui-même se mêlait de choisir les princes des peuples : il y avait alors une religion sociale ; un roi n’était pas traîné à l’échafaud par ses propres sujets ; il ne tombait pas du trône à la présence d’un chef de bande : la royauté avait ses martyrs, et la patrie ne périssait jamais : le roi était la patrie devenue sensible ; la royauté était une des libertés de la nation, et la plus importante de toutes. […] Vous souffrez volontiers que certains hommes conservent un culte de vénération pour vingt-cinq ans de notre histoire, parce qu’eux ont été plus ou moins mêlés aux événements de cette époque récente, parce qu’ils en ont plus ou moins adopté les résultats ; et vous vous irritez de ce que certains autres hommes, plus religieux dépositaires des mœurs anciennes, des vieilles habitudes, des illustrations consacrées par les siècles, se retirent quelquefois dans le silence de leurs foyers pour brûler un grain d’encens aux pieds de leurs premiers dieux domestiques, qui, après tout, furent assez longtemps les dieux de la patrie.

698. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIX. Mme Louise Colet »

Sa poésie, emphatique et creuse, elle ne cessa de la mêler à tout et on la retrouve jusque dans ses œuvres en prose, qui ne sont que des prétextes à vers. […] En la racontant, du reste, elle y mêlait l’histoire de quelques autres et faisait, autour d’elle, un moulinet de plusieurs basses et petites vengeances.

699. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre III. Les explications anthropologique, idéologique, sociologique »

Est-ce dans la Rome impériale, au moment où toutes les races de l’antiquité se mêlaient, que vous irez chercher la preuve que l’idée de l’égalité résulte d’une disposition anatomique particulière ? […] Retenant ce fait que les divisions de races sont loin de correspondre aux divisions de nations, et rejetant par suite la confusion de la race « historique » avec la race « biologique », ils se font forts de reconnaître les éléments anthropologiquement différents, jusque dans les sociétés où ils sont actuellement mêlés, et d’établir, en comparant par exemple les indices céphaliques aux situations sociales, aux caractères, aux idées mêmes, que ces différents phénomènes varient en fonction de caractères anatomiques.

700. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

Et, en effet, à la fantaisie, au fantastique, il mêle chaque fois une sorte de pitié et de bonté. […] Il s’y mêle ou plutôt il s’y dissimule de l’affection. […] Cet article reparut ensuite dans Au-dessus de la Mêlée. […] Alors, il ne cessa plus de mêler aux souvenirs personnels d’inquiétude et de désolation qu’un pion corse lui inspirait, ce visage si triste de son pauvre petit compagnon. […] C’était après une discussion avec mon père dont Au-dessus de la mêlée était la cause.

701. (1903) Propos de théâtre. Première série

Le drame religieux est de toutes les époques, de toutes celles du moins où le drame a été une préoccupation populaire, intimement mêlée à la vie morale de la nation. […] Il est inutile qu’elle soit mêlée à ces scènes de luttes et de dévouements sublimes, qu’elle ne comprendrait pas. […] Une vague coquetterie se mêle au mouvement très ingénu de son cœur. […] Les honnêtes gens, au contraire, se divisent en deux classes : honnêtes gens parfaits, honnêtes gens mêlés de quelques travers. […] Il n’est pas encore tout à fait à sa place dans Esther qui, au fond, est un drame intime, une tragédie bourgeoise où la religion est seulement mêlée.

702. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Baudelaire.] » pp. 528-529

Lorsqu’il eut publié ce recueil, intitulé Fleurs du mal, il n’eut pas seulement affaire à la critique, la justice s’en mêla ; elle prit fait et cause au nom de la morale publique, comme s’il y avait véritablement danger à ces malices enveloppées et sous-entendues dans des rimes élégantes.

703. (1874) Premiers lundis. Tome II « Théophile Gautier. Fortunio — La Comédie de la Mort. »

Théophile Gautier notre rôle de juge et de donneur de conseils puisse sembler encore plus délicat, puisqu’on a bien voulu mêler de loin notre nom et notre exemple à son talent, il y a quelque chose qui met à Taise, c’est un sentiment envers lui et envers ses mérites poétiques, un sentiment de bon vouloir équitable, dont nous sommes sûr et dont nous espérons, malgré quelque sévérité, qu’il ne doutera pas.

704. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Objections d’un moraliste contre l’exposition de 1900. » pp. 162-167

… Je laisse de côté les agréments prévus que nous réservent les six mois de la fête : la mêlée meurtrière des voitures et des piétons le long des boulevards — déjà impraticables aujourd’hui de cinq à sept heures ; pas un fiacre libre, plus une place dans les restaurants ni dans les brasseries ; l’enchérissement de toutes les choses nécessaires à la vie ; le Parisien accablé de maux, dépossédé de Paris, outlaw dans sa propre ville envahie par les barbares… Le dehors te fait peur : si tu voyais dedans !

/ 2266