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22. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIVe entretien. Littérature, philosophie, et politique de la Chine » pp. 221-315

Ils ont fait beaucoup de lois, mais ce sont des lois athées, des lois de propriété, des lois d’héritage, des lois de famille, des lois d’administration, aucunes lois vraiment divines et humaines selon la grande acception de ces deux mots ; race de brigands qui s’est contentée de bien distribuer les dépouilles du monde. […] Les lettres et les lois sont une seule et même chose dans ce vaste empire. […] Ainsi la loi politique et la loi civile ne sont qu’une seule et même loi sous deux formes, l’autorité de l’amour en haut, l’obéissance par l’amour en bas. […] Cette loi vivante dans le père souverain est néanmoins dominée par les lois écrites appelées les rites, les usages, les cérémonies, qui sont censées émaner de l’autorité sacrée des ancêtres ou des premiers pères de la grande famille. […] Les hommes ainsi instruits et convaincus deviendront en eux-mêmes leur prince, leur juge, leur loi, leur gouvernement !

23. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre IV. Trois espèces de jugements. — Corollaire relatif au duel et aux représailles. — Trois périodes dans l’histoire des mœurs et de la jurisprudence » pp. 309-320

Il est certain que dans la législation romaine ce ne sont que les préteurs qui introduisirent la loi prohibitive contre la violence, et les actions de vi bonorum raptorum. […] On ne voit qu’ordonnances du duel dans les lois des Lombards, des Francs, des Bourguignons, des Allemands, des Anglais, des Normands et des Danois. […] L’absence de lois dont parle Aristote devait les forcer de recourir aux duels. […] La loi toute bienveillante y interroge la conscience, et selon sa réponse se plie à tout ce que demande l’intérêt égal des causes. […] Les préteurs trouvant que les caractères, que les mœurs et le gouvernement des Romains étaient déjà changés, furent obligés pour approprier les lois à ce changement d’adoucir la rigueur de la loi des douze tables, rigueur conforme aux mœurs des temps où elle avait été promulguée.

24. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (3e partie) » pp. 193-271

« Mais la loi morale n’est pas une loi individuelle, c’est une loi commune. […] Les lois humaines ne peuvent être le fondement de la loi morale ; car c’est elle qui les inspire, qui les juge et les condamne, quand elles s’écartent de ses ordres légitimes. L’éducation, invoquée par quelques philosophes, n’explique pas plus la loi morale qui la domine que les lois publiques. […] Mais, au vrai, il n’y a de loi morale que dans le cœur de l’homme ; et celui qui a créé les mondes avec les lois éternelles qui les régissent, n’a rien fait d’aussi grand que notre conscience. […] Indépendamment des lois extérieures, l’homme avait une loi tout intérieure à observer.

25. (1870) La science et la conscience « Chapitre II : La psychologie expérimentale »

Quant à l’idée d’obligation qui constitue la loi morale proprement dite, Bain la regarde comme un produit de la loi écrite, par conséquent encore de l’expérience, dont la loi écrite n’est que la formule. […] Lois ou causes, il n’est pas douteux que tout obéit à une inflexible nécessité. […] Que la vie morale a ses lois comme la vie physique, rien de plus. […] La loi ici n’implique pas la nécessité, comme dans le monde physique. L’entière et constante soumission de la volonté à la raison est la loi du sage.

26. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

De tout temps, l’esprit a possédé une nature propre, par conséquent des lois, et la raison, qui est l’ensemble de ces lois. […] Or, comme toute loi est un rapport de causalité, la loi vraie dans un cas le sera dans tous les cas identiques. […] Démonstration de la loi. […] La loi alors est à l’état d’hypothèse. […] Mais tandis que les choses soumises aux lois physiques ne peuvent se soustraire à ces lois, l’homme peut désobéir à la loi morale.

27. (1898) La cité antique

La loi des Hindous, comme la loi athénienne, défendait d’admettre un étranger, fût-ce un ami, au repas funèbre. […] Mais la loi s’y oppose. […] Cette loi d’exception était le testament. […] La loi. […] L’isolement était la loi de la cité.

28. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre VII. Dernières preuves à l’appui de nos principes sur la marche des sociétés » pp. 342-354

Les lois de Sparte sont accusées de cruauté par Platon et par Aristote. […] Ainsi fut aboli le droit héroïque que les Romains avaient eu sur les provinces ; les monarques veulent que tous les sujets soient égaux sous leurs lois. […] Elle faisait consister tout son mérite à trouver des fables assez heureusement imaginées pour sauver la gravité de la loi, et appliquer le droit au fait. […] L’intelligence consiste ici à comprendre l’intention que le législateur a exprimée dans la loi, intention que désigne le mot jus. […] Il aurait dû pourtant les frapper dans ces deux règles qu’ils établissent 1º cessante fine legis, cessat lex ; ils ne disent point cessante ratione ; en effet le but, la fin de la loi, c’est l’intérêt des causes traité avec égalité ; cette fin peut changer, mais la raison de la loi étant une conformité de la loi au fait entouré de telles circonstances, toutes les fois que les mêmes circonstances se représentent, la raison de la loi les domine, vivante, impérissable ; 2º tempus non est modus constituendi, vel dissolvendi juris ; en effet le temps ne peut commencer ni finir ce qui est éternel.

29. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre II. Réalité des idées égalitaires »

Le législateur lui-même est dans la loi et sous la loi. […] Pour l’égalité devant la loi — l’isonomie — il est trop évident qu’elle est la première œuvre des États modernes et qu’ils inaugurent, plus ou moins lentement, l’ère démocratique par la destruction des lois particulières. […] On démontrera peut-être que l’agencement des lois sur la transmission des propriétés foncières, par exemple, doit avoir pour conséquence indirecte la pauvreté d’un nombre toujours plus grand d’individus ; il n’en reste pas, moins qu’aucune loi, formellement et directement, ne leur interdirait la richesse. […] L’ancien régime était assis sur ces « lois particulières » qu’ébranle le nouveau. […] On sait assez, par sa façon de traiter l’étranger, que l’isolement est sa loi : c’est, par essence, une église fermée.

30. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre III. De la logique poétique » pp. 125-167

Chez les Français, du mot loi vient aloi, titre de la monnaie. […] Les lois des Égyptiens furent les poèmes de la déesse Isis (Platon). […] Enfin Jupiter dicta en vers les lois de Minos (Maxime de Tyr). Maintenant revenons des lois à l’histoire. […] Une loi anglaise accorde la vie au coupable digne de mort qui pourra prouver qu’il sait lire.

31. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — II. (Fin.) » pp. 63-82

Cette critique est fondamentale et porte, selon moi, sur tout L’Esprit des lois. […] Montesquieu avait soixante ans quand il publia L’Esprit des lois (fin de 1748). […] Le mot de Mme Du Deffand : « Ce n’est pas L’Esprit des lois, c’est de l’esprit sur les lois », est un mot qui pouvait être vrai dans la société particulière de Montesquieu, mais qui cessait de l’être au point de vue du public et du monde. […] On n’attend pas que je me donne ici les airs de critiquer L’Esprit des lois : il y faudrait plusieurs volumes et le prendre livre par livre, chapitre par chapitre. […] Prenons L’Esprit des lois pour ce qu’il est, pour une œuvre de pensée et de civilisation.

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