Pourtant ses ruines occupent les imaginations élevées, sa destinée occupe les intelligences sérieuses ; et cet admirable fleuve laisse entrevoir à l’œil du poëte comme à l’œil du publiciste, sous la transparence de ses flots, le passé et l’avenir de l’Europe. […] Chaque fois qu’il quitte Paris, il y laisse un ami profond et cher, fixé à la grande ville par des devoirs de tous les instants qui lui permettent à peine la maison de campagne à quatre lieues des barrières. […] Il a donc laissé ces deux lignes à leur place, de même qu’il s’était déjà déterminé à laisser dans le recueil intitulé les Feuilles d’automne les vers intitulés Rêverie d’un passant à propos d’un roi, petit poëme écrit en juin 1830 qui annonce la révolution de juillet.
Un jour, à Florence, dans le jardin de Cosmo Ruccelaï, étant présents le duc de Mantoue et Jean de Médicis qui commanda plus tard les Bandes Noires de Toscane, Varchi, l’ennemi de Machiavel, l’entendit qui disait aux deux princes : — Ne laissez lire aucun livre au peuple, pas même le mien. Il est curieux de rapprocher de ce mot l’avis donné par Voltaire au duc de Choiseul, conseil au ministre, insinuation au roi : « Laissez les badauds lire nos sornettes. […] Le peuple n’est que racaille, et les livres ne sont que niaiserie. » — Ne laissez rien lire, laissez tout lire ; ces deux conseils contraires coïncident plus qu’on ne croit.
Les écoles politiques du xixe siècle ont ce caractère général d’être plutôt des partis que des écoles : nées des événements et mêlées aux événements, elles n’ont guère cette impartialité abstraite qui caractérise la science ; et par la même raison, elles ont laissé ou laisseront peu de ces ouvrages mémorables et éternels, qui survivent aux passions d’un temps. […] Elle soutient encore le principe, si peu justifié par l’expérience, de la division dans le pouvoir exécutif, et elle persiste à penser, malgré les souvenirs laissés par le Directoire, qu’un corps à plusieurs têtes vaut mieux pour gouverner l’État que le pouvoir d’un seul. […] Il est une question qu’il a touchée avec pénétration et profondeur, et où il a laissé sa trace : je veux parler des rapports de l’Église et de l’État : à lui appartient la première prédication éclatante d’une idée chère à notre temps : la séparation de l’Église et de l’État.
Il me laisse en un coin Sans herbe… Ce dernier mot rejeté à l’autre vers, et ce vœu si naturel, V. 43…. S’il voulait encor me laisser paître ! […] Ou il fallait ne pas mettre de moralité du tout, ou bien il fallait laisser là Mouflar, et dire que, souvent d’un malheur qui nous a causé bien du chagrin, il est résulté des avantages inappréciables et imprévus. […] L’amour, dans des mœurs simples, n’est composé que de lui-même, ne peut être payé que par lui, s’offense de ce qui n’est pas lui ; mais dans des mœurs raffinées, c’est-à-dire, corrompues, ce sentiment laisse entrer dans sa composition une foule d’accessoires qui lui sont étrangers.
Les premiers hommes qui auront été s’établir vers la ligne auront laissé une postérité, qui n’étoit presque pas differente de la postérité de leurs parens qui s’étoient allez établir du côté du pole arctique. […] Tacite écrit qu’Agricola ne trouva rien de mieux pour engager les anciens bretons à faire apprendre à leurs enfans le latin, la rhetorique et les autres arts que les romains enseignoient aux leurs, que de les piquer d’émulation en leur faisant honte de ce qu’ils se laissoient surpasser par les gaulois. […] Ces portugais invincibles en Flandres où ils faisoient la moitié de la célebre infanterie espagnole détruite à Rocrois, avoient des cousins dans les Indes qui se laissoient battre comme des moutons. […] Il est des païs où le cheval est communément un animal doux qui se laisse conduire à des enfans.
Mais le masque des comédiens anciens cachoit encore l’altération des traits que le rouge nous laisse voir. […] Par exemple, comme les anciens ne nous ont pas laissé la description de l’interieur du colisée, les architectes doutent encore quelle étoit la distribution intérieure du troisiéme étage de cet amphithéatre, quoique les deux premiers étages intérieurs soient encore à peu près dans leur entier. […] Je repeterai encore une observation : c’est que les acteurs des anciens ne joüoient pas comme les nôtres à la clarté des lumieres artificielles qui éclairent de tous côtez, mais à la clarté du jour qui devoit laisser beaucoup d’ombres sur une scéne où le jour ne venoit guere que d’en haut. […] C’est ce qui arrive dans les situations où il faut que l’acteur laisse échapper malgré lui quelques signes de sa passion.
Un jour, il se laissa séduire — chose tout à fait en dehors de ses principes — par une proposition de chasse en commun… Les circonstances étaient graves. […] — Est-il possible de se laisser émouvoir par un poète qui donne — dans ses vers — sa vie pour sa bien-aimée, et refuse un manchon de trente francs à sa femme ! […] « Laissez donc ! […] Ton estomac, elle le laissera crier la faim.
D’abord tout bas, pour que l’on comprenne leur pensée ; car la plupart d’entre nous, par l’effet de l’habitude, ne comprennent guère qu’à moitié ce qu’ils lisent tout haut ; ensuite à haute voix, pour que l’oreille se rende compte du nombre et de l’harmonie, sans que, cette fois, l’esprit laisse échapper le sens, puisqu’il s’en sera préalablement rempli. […] Au point de vue de la correction, on lui avait fait faire une faute ; « dont je me sens à tel point oppressée » étant laissé sans complément et restant en l’air. […] De même (je préviens tout de suite qu’ici les membres de phrases sont plus courts) : « Celui qui règne dans les Cieux et de qui relèvent tous les empires, | à qui seul appartient la gloire, la majesté et l’indépendance, | est aussi le seul qui se glorifie de faire la loi aux rois | et de leur donner quand il lui plaît de grandes et terribles leçons. | Soit qu’il élève les trônes, soit qu’il les abaisse, | soit qu’il communique sa puissance aux princes, soit qu’il la retire à lui-même et ne leur laisse que leur propre faiblesse, | il leur apprend leurs devoirs d’une manière souveraine et digne de lui. | Car en leur donnant sa puissance, il leur commande d’en user comme il fait lui-même pour le bien du monde, | et il leur fait voir en la retirant que toute leur majesté est empruntée | et que pour être assis sur le trône | ils n’en sont pas moins sous sa main et sous son autorité suprême », Nous avons ici des membres de phrase presque toujours de dix-sept, dix-huit, dix-neuf ou vingt syllabes, donc presque égaux, plus égaux que dans le précédent exemple, et, puisque en même temps ils sont plus courts, obéissant à un rythme plus marqué ; la phrase est essentiellement nombreuse. […] Les nuages y paraissent sans couleur et la joie même y est un peu triste ; mais des fontaines d’eau froide y sortent des rochers et les yeux des jeunes filles y sont comme ces vertes fontaines où, sur des fonds d’herbes ondulées, se mire le ciel. » Je laisse de côté l’effet de peinture qui est étonnant ; mais j’appelle l’attention sur l’effet rythmique ; il est dans l’opposition, légère du reste, et qu’il serait inepte de marquer comme un contraste, mais dans l’opposition cependant, des sons étouffés, sourds, des tons tristes « mousses marines… au fond des baies solitaires…, nuages sans couleur » et des sons plus clairs, plus chantants, sans avoir rien d’éclatant, de triomphant ni de sonore, « yeux de jeune fille…, vertes fontaines. ., se mire le ciel ».
C’est un de ces livres discrets et transparents qui ne disent pas, tout ce qu’ils pourraient dire, mais qui le laissent entrevoir ; c’est un de ces sphinx au front de marbre diaphane à travers lequel perce le secret qu’on garde encore, mais qui doit un jour en sortir ! […] Ceux-là, on les trouve sans les chercher dans ce qu’ils ont fait et dans les influences qu’ils ont laissées après leur passage, tandis que déjà, et à la distance d’une moitié de siècle, il nous faut chercher Saint-Martin, pour l’apercevoir. […] Il n’a point laissé de trace et de ciment parmi eux, comme Swedenborg, cet autre mystique qui passa aussi sa vie dans la contemplation et dans l’obscurité, mais dont le système plus hardi et plus exprimé a jeté un éclat qui rappelle les aurores boréales de son pays. […] En France enfin, le pays des railleurs, où, « les torrents » de madame Guyon ne s’étaient pas écoulés sans laisser les fanges molles et chaudes du Quiétisme au fond de bien des âmes, les dispositions à une mysticité sans guide et sans appui étaient si grandes, que l’odieux jansénisme même, cette froide chose, arrivait aussi au mysticisme, non par la tendresse, mais par l’orgueil… Tel était en réalité le dix-huitième siècle quand y apparut Saint-Martin.
Il replace Dieu à toute origine ; mais il se garde bien de l’y laisser. […] Du moins ce chrétien ne laisse pas d’avoir quelque peine à se figurer le pur rien. […] Laissez-le faire ; laissez-le passer. […] Le système de Mme de Staël ne laissait pas quelquefois de rencontrer juste. […] Leur rêve de liberté ne laisse pas d’être fécond.