Mais, en vieillissant, elle sut y mettre tant d’art et de mesure, tant de justesse toujours et tant d’à-propos, qu’on en passait volontiers par sa sévérité et qu’on n’y voyait qu’un jugement sans appel. […] Avec Mme du Deffand et de la part de celle-ci, nous allons rencontrer plus d’une mauvaise humeur, plus d’une injustice également, plus d’une méchanceté même, comme les femmes du monde s’en permettent en langage envers des amies de tous les jours ; mais la suite aidera à corriger ce qui n’était que jugement hasardé, boutade, et à établir le vrai point.
Que les jugements des hommes sont bien d’accord au fond avec leur organisation, et qu’ils ressortent vivement de leur personnalité même ! Que c’est bien là le jugement que doit porter en effet de la race accroupie, aux jambes croisées, cet homme mince, maigre, alerte, bien corsé, toujours debout, toujours courant, infatigable, trempé comme l’acier et souple comme un fleuret !
S’il y a un jour du Jugement dernier dans l’histoire, voilà ce qui rachète et ce qui compte. — Je reviens à la biographie curieuse qui nous occupe. […] J’ai été heureux, en lisant les intéressants Mémoires du comte Beugnot, de trouver mon jugement confirmé, et d’une manière aussi pratique qu’éclatante, sous la plume d’un homme qu’on peut dire adversaire.
Il y a un curieux passage dans les Mémoires de Mme Roland, ou du moins une curieuse note d’elle au bas d’une page : c’est un jugement sur Mirabeau. […] Voici ce jugement mémorable et souvent cité : « Je vis, je ne fis que voir, dit-elle en parlant d’un de ses voyages à Paris, en février 1791, le puissant Mirabeau, Bétonnant Cazalès, l’audacieux Maury, etc. » ; et, se reprenant à ce nom de Mirabeau, elle ajoutait en manière de rétractation et de repentir : « Le seul homme dans la Révolution, dont le génie pût diriger des hommes, impulser une assemblée : grand par ses facultés, petit par ses vices, mais toujours supérieur au vulgaire et immanquablement son maître dès qu’il voulait prendre le soin de le commander.
Je ne sais quel jugement fera le public de cette campagne ; mais je t’assure qu’à la suivre de près, j’ai plus de mérite que de celle de l’année passée. […] Il y en a une infinité à me donner la vanité que tu m’inspires dans tes lettres ; mais, de bonne foi, cela ne me change point sur le jugement que je fais de moi-même, et je réfléchis combien aisément la fortune pouvait changer les événements qui m’ont procuré tant d’honneur, et toutes les raisons pour une affaire deviennent bien faibles contre me seule qui les fait manquer.
Saint-René Taillandier, non sans rectifier leurs jugements sur plusieurs points. […] » Le livre du comte Vitzthum a de quoi couvrir de honte le petit-maître en question, si on le connaissait, et de quoi réfuter amplement d’Argenson qui n’a l’air de le désapprouver qu’à demi et qui, ayant eu affaire au comte de Saxe, précisément dans une négociation où tous deux prenaient la plus grande part, a donné en un pareil jugement la mesure et les bornes de sa perspicacité13.
Je n’ai fait dans la page qu’on vient de lire, et en général je ne ferai que résumer les jugements et emprunter les expressions mêmes de Joinini dans ses différents ouvrages. […] Jomini a donné un jugement de la bataille d’Eylau, et dès l’année même, pendant qu’elle était encore toute fumante (1807).
Les jugements auxquels on était le plus accoutumé se retournent ; on en est venu à découvrir bien souvent dans les mêmes choses juste le contraire de ce qu’on y avait vu précédemment. […] Il ne s’agit que d’y mettre de la discrétion, de consulter l’analogie, le jugement de l’oreille.
Longtemps mêlée à ces orages des partis, à ces cris d’enthousiasme ou d’anathème, sa jeunesse n’avait pourtant rien à rayer de son livre ni à désavouer de sa vie ; le témoignage qu’il se rendait dans la pièce citée plus haut, il peut le redire après comme avant ; nul ne lui contestera ce glorieux jugement porté par lui sur lui-même. […] Ce qui domine dans ce dernier et remarquable jugement, c’est un cri de surprise, un étonnement profond qu’un tel poëte s’élève, qu’un tel livre paraisse, un grain de sévérité littéraire et puriste, un sourire de pitié au siècle qui se dispose sans doute à railler le noble inconnu.
Charles Loyson vit paraître les vers d’André Chénier et ceux de Lamartine ; on a les jugements qu’il en porta. […] Il était un peu de ces gens dont on dit bien du mal quand ils sont loin, et qu’on embrasse, qu’on se remet à aimer irrésistiblement sitôt qu’on les revoit ; de même pour ses vers : la meilleure manière d’adoucir le jugement raisonné qu’on en porte, c’est de les revoir et de les introduire en personne.