Mais au fond, depuis la fatale découverte et la perspective mortelle, quelque chose de grave et de résigné, de religieux sans mots ni phrases du sujet, dominait dans sa pensée et se révélait indirectement dans ses discours par une plus grande douceur et une plus grande indulgence de jugement. […] En nous permettant, même en ce moment, cette libre critique, nous avons voulu témoigner l’entière sincérité de notre jugement et nous maintenir le droit de dire bien haut, comme nous nous plaisons à le faire, que l’histoire de Rosa et Gertrude est une des lectures les plus douces, les plus attachantes et les plus saines qui se puissent goûter.
Ce n’était pas aux victimes ; il était difficile de les convaincre de l’utilité de leur malheur : ce n’était pas aux tyrans ; ils ne se décidaient par aucun des arguments dont ils se servaient eux-mêmes : ce n’était pas à la postérité ; son inflexible jugement est celui de la nature des choses. […] Le crime pouvait troubler le jugement, dérouter la raison à force de véhémence ; mais la vertu n’osait se développer tout entière : elle voulait convaincre, et craignait d’offenser.
Le feu de cette passion dessèche, il est âpre et sombre, comme tous les sentiments qui, voués au secret par notre propre jugement sur leur nature, sont d’autant plus éprouvés que jamais on ne les exprime. […] Dans les situations communes de la vie, on se fait illusion sur son propre mérite ; mais un sentiment actif fait découvrir à l’ambitieux la mesure de ses moyens, et sa passion l’éclaire sur lui-même, non comme la raison qui détache, mais comme le désir qui s’inquiète ; alors, il n’est plus occupé qu’à tromper les autres, et pour y parvenir, il ne se perd pas de vue ; l’oubli d’un instant lui serait fatal, il faut qu’il arrange avec art ce qu’il sait, et ce qu’il pense, que tout ce qu’il dit ne soit destiné qu’à indiquer ce qu’il est censé cacher : il faut qu’il cherche des instruments habiles, qui le secondent, sans trahir ce qui lui manque, et des supérieurs pleins d’ignorance et de vanité, qu’on puisse détourner du jugement par la louange ; il doit faire illusion à ceux qui dépendent de lui par de la réserve, et tromper ceux dont il espère par de l’exagération.
Ce qu’on peut demander alors, c’est que celui qui fait des mots nouveaux les fasse par bon jugement. […] On oppose généralement Ronsard aux classiques : il serait plus juste de noter combien déjà le jugement de Ronsard est classique.
Trop de gens — même parmi ceux qui font profession d’écrire l’histoire littéraire ou de diriger le public dans le jugement des ouvrages anciens et nouveaux — trop de gens ne sont habitués qu’à lire rapidement comme on lit un-journal ou comme on lit un roman, à parcourir plutôt qu’à lire. J’en connais — et d’illustres — qui n’ont jamais fait autre chose que chercher dans les auteurs des passages conformes à leurs jugements préconçus, et qui pouvaient leur servir à construire l’édifice sévère de leur doctrine.
Ensuite, quand l’effort puissant des années a courbé le corps, émoussé les organes, épuisé les forces, le jugement chancelle, et l’esprit s’embarrasse comme la langue. […] Mais quel rapport imaginer entre la forme ronde, carrée, ovale ou pointue du cerveau, et la mémoire, l’imagination, le jugement, le raisonnement ?
Pour qui consent à réfléchir, la Critique est le jugement d’un esprit ferme et sagace sur les œuvres de l’esprit, d’après la connaissance des lois qui le régissent et les principes qui en découlent. Or, Jules Janin, tête sans métaphysique supérieure, ayant le bon sens et le discernement mais sans haute portée et sans grande profondeur, se vengeant de cette médiocrité par une imagination adorablement colorée et par la plus vive sensibilité d’écrivain, n’avait ni cette fermeté de jugement, ni cette connaissance des lois de l’esprit, ni ces principes qui constituent la Critique et son mâle génie.
Le travail, l’érudition, le jugement, ont également présidé à cette Production, la meilleure & la plus complette que nous ayons en ce genre.
Toujours guidé par des lumieres sûres & un jugement sain, il a subjugué les matieres, afin de les rendre plus sensibles.
Un moine nommé Méthodius peignit dans le huitième siècle ce jugement dernier qui convertit Bogoris, roi des Bulgares126.