Levallois est un écrivain qui pense par lui-même et qui, par conséquent, ne craint pas de contredire à la rencontre quelques idées reçues ; et ici l’affinité de son sujet l’a conduit à des jugements plus vifs qu’on n’en a d’ordinaire sur ces querelles d’autrefois. […] Levallois, non sans faire remarquer que lui-même, dans ce qu’il a dit de Mme de Verdelin, a rendu ma tâche bien facile : je n’aurai qu’à développer son jugement. […] La réponse négative que vous y avez faite et le motif qui vous l’a inspirée sont, comme tout ce que vous faites, marqués au coin de la sagesse et de la vertu ; mais je vous avoue, mon aimable voisine, que les jugements que vous portez sur la conduite de la personne (Margency) me paraissent bien sévères ; et je ne puis vous dissimuler que, sachant combien sincèrement il vous était attaché, loin de voir dans son éloignement un signe de tiédeur, j’y ai bien plutôt vu des scrupules d’un cœur qui croit avoir à se défier de lui-même ; et le genre de vie qu’il choisit à sa retraite montre assez ce qui l’y a déterminé.
Mais ce succès populaire ne le satisfait pas : il veut s’élever, par un drame musical plus complet et plus tragique, jusqu’à ce point culminant de l’art où l’artiste, indifférent au jugement de la foule, parvient à se satisfaire lui-même : le succès dans l’élite, la popularité du petit nombre, voilà la popularité du génie. […] « Tel est ce morceau incroyable qui, par la multiplicité des épisodes, par la variété des caractères, par l’infinie délicatesse des détails, par la grandeur du plan et la puissance des effets, ne peut être comparé qu’au Jugement dernier de Michel-Ange. […] Or, en fait d’art, la sensation est dans la foule, mais le jugement est dans l’élite.
— « Je pense, répondit-elle, qu’à l’exception de quelques couleurs trop chaudes dans certaines parties descriptives de ce vaste tableau d’histoire, c’est le livre le plus utile qui ait encore paru pour préparer le jugement dernier des choses et des hommes de la Révolution ; car c’est le livre où il y a le plus de justice pour les oppresseurs et le plus de pitié pour les victimes. » Et comme le groupe des hommes d’État debout auprès de la cheminée s’étonnait en affectant de s’indigner contre ce jugement de faveur sur ce livre, madame Récamier reprit la parole, seule contre ses amis, et me défendit avec une chaleur de discussion et une intrépidité d’amitié qui attestaient en elle autant d’impartialité que d’énergie dans le jugement.
C’est Dieu qui juge, son jugement n’est pas remis à nos passions ; vous le savez, vous qui avez proclamé et décrété vous-mêmes, le 1er juin, l’abolition de l’échafaud politique, décréterez-vous aujourd’hui la légitimité de la vengeance populaire ? […] … « Quand Honoré fut d’âge à comprendre et à apprécier son père, c’était un beau vieillard, fort énergique encore, aux manières courtoises, parlant peu et rarement de lui, indulgent pour la jeunesse qui lui était sympathique, laissant à tous une liberté qu’il voulait pour lui, d’un jugement sain et droit, malgré ses excentricités, d’une humeur si égale et d’un caractère si doux qu’il rendait heureux tous ceux qui l’entouraient. […] Les qualités de l’auteur de la Comédie humaine sont certainement la conséquence logique de celles de ses parents ; il avait l’originalité, la mémoire, l’esprit d’observation et le jugement de son père, l’imagination, l’activité de sa mère, de tous les deux, enfin, l’énergie et la bonté.
Partout il nous fait voir l’espèce humaine meilleure, plus sage et plus heureuse dans sa constitution primitive ; aveugle, misérable et méchante, à mesure qu’elle s’en éloigne ; son but est de redresser l’erreur de nos jugements, pour retarder le progrès de nos vices, et de nous montrer que, là où nous cherchons la gloire et l’éclat, nous ne trouvons en effet qu’erreurs et misères. […] A prendre le premier discours à la lettre, il paraît douteux que les lettres et les arts soient des agents de corruption ; et la lettre à Dalembert provoque bien des objections, soit dans ses conclusions générales, soit dans ses jugements particuliers, comme lorsque Molière est convaincu d’avoir rendu la vertu ridicule par le personnage d’Alceste. […] Fatalement l’acquisition du « savoir » tend à prendre dans l’éducation la place que doit tenir la formation du jugement et du caractère : il est bon qu’un Montaigne et un Rousseau nous remettent sous les yeux les fins essentielles de l’éducation.
Comme il n’est ni mérite, Ni goût, ni jugement qui ne soit contredit, Que rien n’est vrai sur rien, qu’importe ce qu’on dit ?... […] Qu’on me demande de mon propre portrait s’il est ressemblant, fût-il d’un maître de l’art, fût-ce mon visage même gravé par la lumière sur le papier, il me faut le jugement d’autrui pour croire que c’est bien moi que je vois. […] L’effet a confirmé mon jugement. » Soyez-en témoins, lecteurs, vous à qui j’apprends sans doute qu’il a existé un auteur au nom de Bret et une pièce appelée le Faux Généreux 64.
Jullien trace de Wagner, de sa vie, de son caractère, l’énoncé qu’il fait ce ses théories, l’analyse qu’il donne de ses œuvres, les jugements qu’il porte à chaque moment… tout est faux, archi-faux ! […] Jullien ; il est bourré d’erreurs de détail, mais les jugements, quoique diamétralement opposés aux nôtres, sont toujours intéressants, ils contiennent toujours une large part de vérité et, surtout, ils démontrant une véritable appréciation de la valeur de ce grand homme que M. […] — se croient autorisés à porter des jugements avant d’être parvenus à une claire vue d’ensemble et de s’être abandonnés tout entiers à la loyauté des émotions profondes, — il semble qu’à tous la figure du maître se soit voilée, avec l’intelligence de son œuvre.
Voir ces jours-ci (affaire Hachette) un jugement de cour royale qui contredit et discrédite complètement un jugement de première instance. […] Théophile Gautier, ce styliste à l’habit rouge pour le bourgeois, apporte dans les choses littéraires le plus étonnant bon sens, et le jugement le plus sain, et la plus terrible lucidité jaillissant en petites phrases toutes simples, d’une voix qui est comme une caresse.
Geffroy m’amène Raffaëlli, qui a demandé à voir mes dessins, et l’on cause critique d’art, quand soudain Raffaëlli s’écrie : « Par exemple, en fait de jugement d’une peinture, ce que vous avez dit à Geffroy à propos de mon exposition de la rue de Sèze, de l’année dernière, ça m’a renversé, bouleversé, fait croire que vous étiez un vrai voyant en tableaux. » Voici l’histoire : L’année dernière à un dîner chez les Daudet, qui fut un peu une chamaillade avec Zola, depuis le commencement jusqu’à la fin, la bataille avait commencé à propos d’une discussion sur Raffaëlli, que je louais, et j’ajoutais devant Geffroy qui se trouvait là : « Il y a chez Raffaëlli, dans ces dernières années, une blondeur, un attendrissement tout particulier, il a dû se passer quelque chose dans sa vie. […] Elle dit que c’est presque une réunion de famille, que les cinq cents personnes, qu’on rencontre partout à Paris, se donnent rendez-vous là, et qu’entre ce monde, il s’établit des courants curieux sur les choses qui se disent, sur les jugements qui se produisent. […] Tout en disant : « Quand on n’est plus jeune, il faut se faire des occupations qui vous tiennent compagnie », elle se lève d’un petit bureau, qui est comme une jardinière de glaïeuls naturels, en dedans desquels se pressent et se tassent des sébiles et des soucoupes, pleines de couleurs, pleines de pétales artificiels non encore colorés ; elle se lève pour me montrer un imperceptible « Jugement de Pâris » ; un pastel de la Lecouvreur, qui a bien certainement la touche des pastels de Coypel, et pourrait bien être l’original ou une répétition de la peinture à l’huile ; un collier de perles, aux perles usées, qui viendrait de la femme du duc de La Rochefoucauld, l’auteur des Maximes.
. — Le Jugement dernier s’élabore, mais il faudrait presque qu’il ne fût point fini, car le prétexte sera lors mort de créer des faces d’anges ou de damnés, chevelues de flammes ou de rayons ; et nous n’aimerons plus, forcés, au changement, l’image — où Georgin couche la lame sonore de son verset sur la tête de mort en bois, sonnant à tous les champignons : noirs subitement germés des dalles : Levez-vous, morts, et venez au Jugement. — En attendant l’étonnement de la trompe finale, ce mois : Sainte-Cécile et son violon : sur le ciel bleu d’arrosoir d’or et l’arche-cadre des croix ornementales, le bras : de la Sainte où le sexe hésite, peut-être main de l’ange mêlée à la sienne, union ou communion. […] Pierre Pernot — Comme poète, je biffe sans jugement tout le cénacle élu par le plus dédaigneux des Apollophobes.