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784. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XII. Des panégyriques ou éloges des princes vivants. »

Au milieu des spectacles, nous dit Pline, on jouait, on chantait, on dansait des panégyriques des princes, et l’empereur était loué en même temps dans le sénat et sur la scène, par un histrion et par un consul20.

785. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre V. Observations philosophiques devant servir à la découverte du véritable Homère » pp. 268-273

. — Une preuve frappante que les premières fables furent des histoires, c’est que la satire attaquait non-seulement des personnes réelles, mais les personnes les plus connues ; que la tragédie prenait pour sujets des personnages de l’histoire poétique ; que l’ancienne comédie jouait sur la scène des hommes célèbres encore vivants.

786. (1730) Des Tropes ou des Diférens sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue. Traité des tropes pp. 1-286

De plus, les idées accessoires ne jouent point, si j’ose parler ainsi, dans le langage des précieuses de Moliére, ou ne jouent point come elles jouent dans l’imagination d’un home sensé : le conseiller des graces, pour dire le miroir : contentez l’envie qu’a ce fauteuil de vous embrasser, pour dire asséyez-vous. […] Au reste cette figure joue trop sur les mots pour ne pas demander bien de la circonspection ; il faut éviter les jeux de mots trop afectés et tirés de loin. […] On fait allusion à l’histoire, à la fable, aux coutumes ; et quelquefois même on joue sur les mots. […] Vous voyez que l’auteur joue sur la double signification de (…). […] Il joue : jouer est pris alors dans un sens neutre : mais quand on dit, il joue gros jeu ; il joue est pris dans un sens actif, et gros jeu est le régime de il joue.

787. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

Il l’a conçu symbole de la tragédie intime que lui-même jouait. […] Il faudra déterminer de façon spéciale et prudente ce sens, cette théorie de l’absence, qui joue un curieux rôle chez Mallarmé. […] Le dernier des chapeaux-chinois y joue, dans un orchestre, avec une idéale virtuosité, un morceau où sa partie est composée tout entière de silences. […] Ainsi du vers que je viens de citer les sourires sortent, se détachent à demi, comme un troupeau qui s’ennuage sous la poudre d’une joue Pompadour. […] Loyal à qui les barons d’Auvergne, avant les Grands Jours de Louis XIV, jouaient de vilains tours, mais il recule devant l’idée d’offenser la loi et le roi.

788. (1885) L’Art romantique

Elle a sa beauté qui lui vient du Mal, toujours dénuée de spiritualité, mais quelquefois teintée d’une fatigue qui joue la mélancolie. […] Ils jouent sans joujoux. […] Et les enfants qui jouent à la guerre ! […] Là il joua Antiochus dans Rodogune, le roi Lear, le Macbeth de Ducis. […] Vous figurez-vous un poëte amoureux de sa femme et contraint de lui voir jouer un travesti ?

789. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

Pour ouvrir la porte au comique, il faudrait que je cessasse de prendre au sérieux mon sujet, et que mon imagination se jouât librement des critiques et des théories de mon auteur… Cela serait fort mal, et je déclare que je ne voudrais égayer personne à ce prix. […] Elle rit de tout, et ne s’intéresse à rien ; elle touche à toutes les idées de la raison, et n’en épouse aucune ; elle joue avec toutes les passions de la nature humaine, et reste indépendante en face d’elles ; elle voltige d’objet en objet dans le monde réel et dans tous les mondes imaginaires, sans se poser plus d’un instant sur chaque fleur. […] En effet, la parabase, ce morceau étranger à la pièce, avait beau être sérieux en lui-même, il montrait que le poète ne prenait pas au sérieux la forme dramatique27 ; et les chœurs, tout sublimes qu’ils étaient, et précisément parce qu’ils étaient sublimes, faisaient voir avec quelle liberté il se jouait même de la comédie, en déployant tout à coup les magnificences de la poésie lyrique au sein du grotesque le plus bas. […] Que si enfin, animé par une veine heureuse de folie, le poète comique se joue de ses propres inventions, les exagérant à dessein et transformant ses portraits en caricatures, alors il s’élève jusqu’à la farce, et les critiques en chœur s’écrient qu’il dégrade et avilit son talent, qu’il écrit pour la foule, et que Dans ce sac ridicule où Scapin s’enveloppe On ne reconnaît plus l’auteur du Misanthrope. […] Si les critiques français ne se montraient pas indifférents ou même contraires à tous les élans de la véritable imagination, ils ne dédaigneraient pas une petite pièce dont l’exécution est aussi soignée que celle d’une comédie régulière, par cette seule raison que le merveilleux y joue un grand rôle et y occupe la première place.

790. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

Elle reçoit auprès de son lit un homme qui vient lui faire visite, joue avec lui toute une après-midi au piquet, se promène avec lui deux ou trois heures au clair de la lune, devient familière avec un étranger dès la première vue, et n’a pas l’étroitesse d’esprit de regarder si la personne à qui elle parle a des culottes ou des jupons910. » Il combat en prédicateur l’usage des robes décolletées, et redemande gravement la chemisette et la décence des anciens jours : « La modestie donne à la jeune fille une beauté plus grande que la fleur de la jeunesse, répand sur l’épouse la dignité d’une matrone, et rétablit la veuve dans sa virginité911. » Vous trouverez plus loin des semonces sur les mascarades qui finissent en rendez-vous ; des préceptes sur le nombre de verres qu’on peut boire et des plats qu’on peut manger ; des condamnations contre les libertins professeurs d’irréligion et de scandale ; toutes maximes aujourd’hui un peu plates, mais nouvelles et utiles, parce que Wycherley et Rochester avaient mis les maximes contraires en pratique et en crédit. […] On dit, à la vérité, qu’un jour il lui fit une déchirure dans son pourpoint couleur de chair, mais c’était seulement pour se procurer de l’ouvrage et en sa qualité particulière de tailleur… Le lion qui joue à présent est, à ce que j’apprends, un gentleman de province qui fait cela pour son amusement, mais souhaite que son nom reste caché. Il allègue très-noblement comme excuse qu’il ne joue pas pour le gain ; qu’il se livre à un plaisir innocent ; qu’il vaut mieux passer sa soirée de cette façon qu’à jouer ou à boire… Le caractère de ce gentleman est un si heureux mélange de douceur et de férocité qu’il surpasse ses deux prédécesseurs et attire de plus grandes foules de spectateurs qu’on n’en vit de mémoire d’homme… J’ai raconté ce combat du lion pour montrer quels sont à présent les divertissements favoris des gens bien élevés de la Grande-Bretagne. » Il y a beaucoup d’originalité dans cette gaieté grave. […] Comme je le regardais, il porta l’instrument à ses lèvres et se mit à en jouer.

791. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre I. Le Roman. Dickens. »

Il a compté les barres de fer rongées par la rouille, les feuilles de plomb ridées et recroquevillées qui craquent et se soulèvent étonnées sous le pied qui les foule, les nids d’oiseaux délabrés et empilés dans les recoins des madriers moisis, la poussière grise entassée, les araignées mouchetées, indolentes, engraissées par une longue sécurité, qui, pendues par un fil, se balancent paresseusement aux vibrations des cloches, et qui, sur une alarme soudaine, grimpent ainsi que des matelots après leurs cordages, ou se laissent glisser à terre, et jouent prestement de leurs vingt pattes agiles, comme pour sauver une vie. […] Ils ne se plaisent qu’à voir jouer les ressorts des passions, à combiner de grands systèmes d’événements, à construire de puissants caractères ; ils n’écrivent point par sympathie pour les misérables, mais par amour du beau. […] Si parfois il oublie de donner les verges au prochain, s’il essaye de s’amuser, s’il se joue, il n’en est pas plus heureux. […] Lorsqu’à cinq heures le négociant et l’employé quittent leur bureau et leurs affaires, ils retournent au plus vite dans le joli cottage où toute la journée leurs enfants ont joué sur la pelouse. […] David est aimé par sa mère et par une brave servante, Peggotty ; il joue avec elle dans le jardin ; il la regarde coudre, il lui lit l’histoire naturelle des crocodiles ; il a peur des poules et des oies qui se promènent dans la cour d’un air formidable : il est parfaitement heureux.

792. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1875 » pp. 172-248

Je trouve aussi là-dedans le symptôme d’une société qui s’ennuie, d’une société où la femme ne joue plus le rôle attrayant, qu’elle jouait dans les autres siècles. […] Et Flaubert, moitié pitié de son ignorance de l’intérieur impérial, moitié satisfaction d’apprendre à deux ou trois visiteurs, qu’il a passé quinze jours à Compiègne, joue à Zola dans sa robe de chambre, un Empereur classique au pas traînant, une main derrière son dos ployé en deux, tortillant sa moustache, avec des phrases idiotes de son cru : — Oui, fait-il, après qu’il a vu que Zola a pris son croquis, cet homme était la bêtise, la bêtise toute pure ! […] Samedi 9 octobre On n’a jamais vérifié le rôle que joue l’amour physique, dans l’attachement des femmes honnêtes pour leurs maris. […] Il se laisse tomber sur le divan, près de la cheminée, parle du rôle de conciliation qu’il veut jouer dorénavant dans les assemblées, dit qu’il n’est pas un modéré, parce que l’idéal d’un modéré n’est pas le sien, mais qu’il est un apaisé, un homme sans ambition et éprouvé par la vie.

793. (1925) La fin de l’art

Rien n’incline mieux au sommeil que la médiocrité soutenue, celle qui ne flanche jamais, celle qui se joue des difficultés, glisse, comme frottée d’huile, à travers la syntaxe, donne enfin l’impression d’un robinet d’où sort éternellement une belle eau claire, toujours la même. […] Hormis d’un petit groupe qui lui savait gré d’avoir accepté son hospitalité, Henri Rochefort était parfaitement oublié, après avoir joué à la surface des choses un rôle qui donne l’illusion d’être considérable. […] Historiettes Hier, j’ouvris par hasard un tome de la « Chronique scandaleuse » (qui ne l’est pas plus que les autres mémoires secrets du dix-huitième siècle) et, en ayant parcouru quelques pages, j’y retrouvai quelques-unes des histoires gaies qui ont fait la réputation de tels de nos contemporains, celle-ci, par exemple : « Un officier municipal, chargé de surveiller les concerts, fait un jour venir un musicien et le reprend sur sa néglicence : « Vous vous reposez trop souvent, pendant que les autres jouent. […] Autrement, c’est se jouer de notre sensibilité, car nous n’y pouvons rien. […] Un médecin, récemment, nous mettait en garde contre chiens et chats qui peuvent fort bien la transmettre, surtout aux enfants qui jouent intimement avec eux.

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