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12. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XV. De l’imagination des Anglais dans leurs poésies et leurs romans » pp. 307-323

De l’imagination des Anglais dans leurs poésies et leurs romans L’invention des faits, et la faculté de sentir et de peindre la nature sont deux genres d’imagination absolument distincts : l’une appartient plus particulièrement à la littérature du Midi, l’autre à celle du Nord. […] Ce qu’il me reste à examiner maintenant, c’est le caractère particulier à l’imagination poétique des Anglais. […] Peut-on élever l’âme et l’imagination à une plus grande hauteur que dans le Paradis perdu ? […] Cette sombre imagination, quoique plus prononcée dans Young, est cependant la couleur générale de la poésie anglaise. […] chacun des deux n’embrasse-t-il pas, dans l’objet qu’il aime, tout ce que l’imagination peut se créer, tout ce qu’un cœur abandonne à l’espérance pourrait souhaiter ?

13. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la religion. »

L’imagination est la plus indomptable des puissances morales de l’homme, ses désirs et ses incertitudes le tourmentent tour à tour. […] Une dévotion ardente suffit à l’imagination exaltée des criminels repentants, et dans ces solitudes profondes où les Chartreux et les Trappistes adoptaient une vie si contraire à la raison, ces coupables convertis trouvaient la seule existence qui convint à l’agitation de leur âme ; peut-être même, des hommes dont la nature véhémente les eut appelés dans le monde à commettre de grands crimes, livrés, dès leur enfance, au fanatisme religieux, ont enseveli dans les cloîtres l’imagination qui bouleverse les Empires. […] Dans la classe de la société qui est livrée aux travaux matériels, l’imagination est encore la faculté dont il faut le plus craindre les effets. […] Il s’agit uniquement de ces dogmes dominateurs qui assurent à la religion beaucoup plus d’action sur l’existence, en réalisant ce qui restait dans le vague, en asservissant l’imagination par l’incompréhensible. […] Les esprits ardents sont nécessairement lassés de ce qui est, et lorsqu’une fois ils admettent quelque chose de surnaturel, il n’y a plus de bornes à cette création que les besoins de l’imagination, et, s’exaltant elle-même, elle n’a de repos que dans l’extrême, et ne supporte plus de modifications.

14. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre premier. De la première époque de la littérature des Grecs » pp. 71-94

Les beaux-arts ne sont pas perfectibles à l’infini ; aussi l’imagination, qui leur donna naissance, est-elle beaucoup plus brillante dans ses premières impressions que dans ses souvenirs même les plus heureux. […] Les contrastes de la nature, les effets remarquables qui frappent tous les yeux, transportés pour la première fois dans la poésie, présentent à l’imagination les peintures les plus énergiques, et les oppositions les plus simples. […] Les anciens étaient animés par une imagination enthousiaste, dont la méditation n’avait point analysé les impressions. […] Il faut, sans doute, un certain degré de développement dans l’esprit humain pour atteindre à la hauteur de la poésie ; mais cette partie de la littérature doit perdre néanmoins quelques-uns de ses effets, lorsque les progrès de la civilisation et de la philosophie rectifient toutes les erreurs de l’imagination. […] Les prêtres et les législateurs avaient tourné la crédulité des hommes vers des idées purement poétiques ; les mystères, les oracles, l’enfer, tout, dans la mythologie des Grecs, semblait la création d’une imagination libre dans son choix.

15. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre V. Le génie et la folie »

Mais en supposant que tous ces faits soient parfaitement exacts, je me contente de faire remarquer que, dans tous ces cas, c’est la moindre partie de l’Intelligence qui est excitée : les sens, la mémoire et l’imagination représentative. […] Un homme peut avoir une mémoire prodigieuse, et même une imagination très vive, et être destitué complètement d’intelligence. 2° On nous cite bien un certain nombre de cas où la maladie aurait amené un développement extraordinaire d’intelligence, et où l’imagination serait devenue créatrice. […] Or, s’il y a quelque chose de certain, c’est l’impuissance des fous à produire rien qui vaille par imagination. Que l’on nous cite la moindre œuvre remarquable sortie de l’imagination et de la pensée d’un fou.

16. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Paul de Saint-Victor » pp. 217-229

On n’y sent pas l’insupportable oppression des notes, et l’imagination, qui n’a pas ce plomb sur la gaze de ses ailes, les y étend de toute leur longueur, III Car l’imagination, c’est la grande puissance de Saint-Victor, c’est le caractère original et supérieur de son livre. […] Ce livre, d’une conception magnifiquement nette, avait été déjà tenté, mais dans un plan tout à la fois plus vaste et plus étroit, par un homme de ce temps qui, comme Saint-Victor, unissait l’imagination à une érudition peut-être supérieure encore à la sienne. […] Ce livre d’Édelestand du Méril, écrit particulièrement par le savant qui étouffait en lui l’homme d’imagination et d’esprit, mais qui ne put jamais le tuer, tant il était vivace ! est un livre d’érudition microscopiquement pointillée plus qu’un livre d’imagination vivifiante, tandis que Les Deux Masques, de Saint-Victor, sont absolument le contraire. L’imagination y verse à flots une vie nouvelle sur des chefs-d’œuvre immortels !

17. (1892) Boileau « Chapitre IV. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » » pp. 89-120

Et de là, d’abord, vient le reproche si souvent adressé à Boileau, de n’avoir point fait à l’imagination sa part dans l’œuvre poétique. […] De l’imagination pas un mot, ou, s’il y pense, ce n’est que pour l’emmailloter de préceptes, à la rendre incapable de bouger. […] Ce don naturel, cette faculté créatrice que donne « l’influence secrète du ciel », n’est-ce pas l’imagination ? […] Les feux d’artifice de leur imagination aveuglaient si bien le lecteur, qu’il ne voyait plus le paysage au-dessus duquel ils se déployaient. […] On devine maintenant pourquoi il est si attentif à brider l’imagination.

18. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Préface » pp. -

La Poésie, l’Histoire et la Philosophie n’ont point, certes, perdu le rang qu’elles ont toujours tenu dans l’imagination ou la raison des hommes, et il est évident qu’elles le garderont. […] Ce n’est donc pas l’Imagination, — cette fée qui nous a dévidé au Moyen-Age un si beau et si long fuseau de Fables, de Fabliaux et de Contes, — ce n’est pas l’Imagination qui a manqué à cette féconde époque pour inventer le Roman ; c’est l’Observation. C’est l’étude exacte et détaillée des sentiments et des choses qui apporte à l’Imagination concentrée les matériaux sur lesquels elle va travailler. […] L’Imagination tout d’abord n’est pas réfléchie. […] Non-seulement le génie du romancier crée des types, des situations, des caractères, des dénouements, et à sa manière, fait de la vie, comme Dieu, — de la vie immortelle, — mais ces types, ces caractères, ces situations sont des découvertes dans l’ordre de l’imagination et de l’observation combinées ; ce sont des faits qui doivent rester acquis à l’inventaire humain, comme les faits de la Science.

19. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XV. M. Dargaud » pp. 323-339

C’était un livre de parti, disaient les uns ; c’était un livre de trop d’imagination, disaient les autres. […] L’imagination dans l’histoire ! […] Mais l’imagination n’est pas apparemment la faculté de faire exclusivement des contes. […] sans ce trop d’imagination que des pédants secs, renards sans queue, ont reproché à M.  […] Qu’il ne se corrige jamais du défaut, comme ils disent, de l’imagination dans l’histoire !

20. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 5482-9849

La théologie ancienne est toûjours celle des Poëtes, parce que c’est celle de l’imagination. […] Cette espece d’imagination servile, partage ordinaire du peuple ignorant, a été l’instrument dont l’imagination forte de certains hommes s’est servie pour dominer. […] Il y a une imagination étonnante dans la mathématique pratique, & Archimede avoit au moins autant d’imagination qu’Homere. […] La seconde partie de l’imagination active est celle de détail, & c’est elle qu’on appelle communément imagination dans le monde. […] Les hommes occupés de calculs ou d’affaires épineuses, ont d’ordinaire l’imagination stérile.

21. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre deuxième. Les opérations intellectuelles. — Leur rapport à l’appétition et à la motion. »

L’imagination. […] Avec les pieds, nous ne pouvons que marcher, avec l’imagination nous volons : l’imagination dispose de l’espace. […] L’imagination rend l’induction et la prévision possibles. […] Dans la géométrie, l’imagination combine et invente les figures, objets des définitions et des théorèmes. […] Si j’imagine une femme à queue de poisson, comme la sirène, l’imagination est purement constructive ; si je me sers de cette représentation pour exprimer le caractère à la fois séduisant et bas de la volupté, l’imagination devient expressive.

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