Mais toujours il écrira dans le même goût : toujours il amalgamera la métaphysique et l’image dans des alliances ternes et fatigantes ; toujours les esprits vifs et restés encore français seront arrêtés en le lisant, et saisiront un léger ridicule là où lui, si fin, n’en soupçonnait pas. Pour expliquer que Colbert pût supporter avec un mépris patient les injustices des hommes : « Il n’est point irrité par leurs procédés, disait-il, parce qu’il n’en est point étonné ; ses yeux ont fait le tour de l’homme ; il sait les fruits qu’il peut porter… » Quand on ne sent pas une fois ce qu’il y a de bizarre dans ces images et dans ces nuances incohérentes, on ne le sentira jamais. […] Necker assistait dans son propre salon à la lecture que faisait sa femme d’un portrait de lui, écrit en 1787 ; portrait où il est célébré sur tous les tons, où le mot de génie est prodigué aussi bien que les comparaisons les plus ingénieuses et les plus recherchées ; où, dans une suite disparate de rapprochements et d’images, M.
L’idée de l’existence, si on l’analyse, renferme d’abord l’image confuse de ce qu’il y a de plus général dans nos états de conscience ; et cette image, en s’associant à une perception donnée, particulière, la classe dans le genre des perceptions mêmes, l’assimile à toutes les autres perceptions, la reconnaît comme reproduction d’un état dont on a eu l’expérience, lui enlève ainsi déjà quelque chose de sa particularité pour lui donner une valeur générique et générale. — Mais cette association d’une vague image avec une perception particulière n’est toujours qu’un état momentané de notre conscience individuelle. — Sans doute ; mais en cet état momentané il y a le retentissement de toute l’existence passée, de toutes les perceptions passées : c’est une perspective ouverte.
Ce n’est pas même l’amour de la mort ; car la mort peut tenter un poète, la mort est quelque chose encore de la vie : elle en est l’image silencieuse, immobile et glacée, et un grand poète peut vouloir être le Pygmalion de cette Galathée funèbre. […] Deux négations valent une affirmation en grammaire, mais, métaphysiquement parlant, une affirmation et une négation combinées ne peuvent guère donner pour résultat que du scepticisme, et effectivement, sous les girandoles allumées de la brillante imagination de Heine et sous les sensations très vives qu’il exprime, on n’a conscience que d’un scepticisme de poète qui s’agite dans l’image et ne creuse pas jusqu’à l’idée. […] quelle suavité et parfois quelle énergie d’images !
ne cesse-t-il de leur répéter, en fin de compte, c’est un enrichissement d’images et de sensations : Je suis heureux comme un homme à qui l’on offrirait une touffe de roses à respirer. […] Je rapporterai une magnifique collection d’images et d’impressions. » A la longue, on s’en offenserait. […] De degré en degré, nous nous sommes élevés ; ici la fraternité trouve spontanément son geste parfait : le vieux rabbin présentant au soldat qui meurt le signe immortel du Christ sur la croix, c’est une image qui ne périra pas.
L’Être qui voulut multiplier son image n’a point mis dans la bouche de l’homme les dents du lion, mais l’homme mord avec le rire ; ni dans ses yeux toute la ruse fascinatrice du serpent, mais il séduit avec les larmes. […] Virginie arrive à Paris encore toute trempée des brumes de la mer et dorée par le soleil des tropiques, les yeux pleins des grandes images primitives des vagues, des montagnes et des forêts. […] Certes, Virginie est une grande intelligence ; mais peu d’images et peu de souvenirs lui suffisent, comme au Sage peu de livres.
Je prends un quadrupède, un chien, un bœuf ou tout autre ; je classe les faits que j’y observe, et je trouve qu’ils se réduisent aux groupes suivants : son type persiste, il se nourrit, il se reproduit, il sent, il associe des images, il se meut. Je dis que sa destinée est de persévérer dans son type, de se nourrir, de se reproduire, de sentir, d’associer des images et de se mouvoir. […] Le bien, pour le chien, est de persévérer dans son type, de manger, de se reproduire, de sentir, d’associer des images, de se mouvoir ; l’empêchement de ces opérations est son mal.
C’est l’image qui éclaire le texte et permet de classer d’un regard les nouveaux venus par ordre de familles et de préséances. […] Et tout cela peint en quelques traits rapides et forts, relevé d’images personnelles qu’on n’a vues nulle part. […] Mais comme la rhétorique de la nouvelle école était aussi conventionnelle que celle des périodes classiques, elle faussa les images qu’elle évoquait. […] La Russie nous est apparue comme un immense miroir, capable seulement de refléter les images que nous lui envoyions, images souvent confuses et mal venues, quelquefois lumineuses et charmantes. […] On avait cessé de regarder dans ce puissant cerveau, depuis longtemps vide d’images et de joies.
Voilà pourquoi il est toujours très délicat à un critique qui a des procédés et des habitudes marquées de venir se prononcer sur la valeur absolue du procédé d’un autre critique, son contemporain et son confrère, si ce dernier a de son côté, une vue ferme, complexe mais arrêtée, et qui, s’appliquant à chaque point d’un vaste sujet, l’embrasse, le serre, le transpose même au besoin, et prétend à en tirer non seulement une impression et une image, mais une preuve et une conclusion. […] Il en est de même des peuples célèbres : la plupart ont vu naître dans leur sein des hommes profondément empreints de la physionomie nationale, comme si la nature les eût destinés à en offrir le modèle. — Et c’est ainsi, ajoute-t-il, que la nature produisit dans Voltaire l’homme le plus éminemment doué de toutes les qualités qui caractérisent et honorent sa nation, et le chargea de représenter la France à l’univers. » Et il énumère les qualités nombreuses et les quelques défauts essentiels qui font de lui l’image brillante du Français accompli.
Cela doit ressembler un peu à Lycophron, que je n’ai guère lu ; mais à coup sûr Du Bartas n’inventait pas d’image plus abstruse. […] Les mots de poison, de venimeux, vénéneux, envenimé, reviennent à tout propos avec une âcreté qu’on déplore : Misérable affranchi, carié d’esclavage, Je roule dans mon sang sa venimeuse image.
On est insensiblement poussé à la forme, à l’apparence ; de si près et entre gens si experts, nulle intention n’échappe, nul procédé technique ne passe inaperçu ; on applaudit à tout : chaque mot qui scintille, chaque accident de la composition, chaque éclair d’image est remarqué, salué, accueilli. […] Je me figure que Manzoni en sa Lombardie, Wordsworth resté fidèle à ses lacs, tous deux profonds et purs génies intérieurs, réalisent à leur manière l’idéal de cette vie dont quelque image est assez belle pour de moindres qu’eux.