Oui, la manie de l’école hollandaise les perdra, car, pour peindre la vulgarité et n’être pas odieux comme elle, il faut la divine bonhomie qu’ils n’ont pas, et qui est aussi rare et aussi précieuse que la puissance même de l’idéal, qu’ils n’ont pas non plus !
Et le jeune Gustave Escande, de la Fédération Universelle des Étudiants chrétiens, écrit à ses amis : « Il m’est très doux de penser que des centaines de milliers de jeunes gens dans le monde luttent comme moi pour arriver à l’idéal que nous nous sommes composé : “Faire le Christ Roi”. » Mais la voix de ces jeunes lévites du droit n’est nulle part mieux persuasive que dans la prière que voici, d’un petit soldat protestant du pays de Monthéliard, qui mourait à l’ambulance de la gare d’Ambérieu.
Ne devrait-elle plus attendre qu’une de ces époques déjà signalées dans le monde, où la science des choses matérielles avait détruit le sentiment de l’idéal, où la force et le travail tenaient enchaînées dans un vulgaire bien-être des millions d’intelligences éteintes à l’amour de la liberté civile et des arts ?
Il s’y conforma à un certain idéal de lui-même, et ne négligea rien pour en bien inculquer le sentiment. […] C’est là qu’il faut abriter les instants qu’on dérobe à la vie ; on y reprend contact avec je ne sais quel instinct d’idéal qui est en nous. […] Prenons donc à la main la lampe idéale qui brûle faiblement au fond de notre nuit, et descendons les marchés intérieures avec notre ombre devant nous. […] Ne constituent-ils pas une sorte de réalité idéale où l’humanité aime à se représenter à ses propres yeux ? […] Ils en cherchèrent la signification permanente et le sens idéal ; où les uns virent des contes et des fables, les autres virent des symboles.
L’idéal de ses jeunes ans, la vie errante, aventureuse, s’exprime dans tous ses écrits avec plus ou moins d’âpreté de désir. Cet idéal, il le poursuit déjà, en la compagnie de ses Gueux, dans la solitude des banlieues, sur les rubans de queue des grandes routes. […] Il reproche encore au païen que fut Taine de rester insensible et, pour ainsi dire fermé, à la beauté idéale de l’art chrétien. […] René Doumic, chroniqueur dramatique sans complaisance, habile conférencier, polémiste mordant, reste fidèle à l’idéal politique et religieux de sa première jeunesse. […] Presque aussitôt après, la pente est descendue avec une vitesse si fatale, et l’engourdissement des facultés devient si absolu, que cette simagrée de poésie, après la conquête de l’idéal, doit offenser un regard clairvoyant, doit glacer douloureusement une admiration sincère.
Or, un tel idéal de pensée et d’art vient de l’antiquité grecque et, par l’intermédiaire de Rome, il s’est répandu dans l’univers. […] Et c’est qu’il possédait, à part lui, un bel idéal, auquel la vérité insulta ? […] Et le symbolisme, tout neuf, réagissait, au nom de l’idéal ou de l’idéologie. […] Les idées composent un idéal. […] Au règne de la force, le règne de la ruse a succédé ; un idéal se détériore, un autre se prépare.
J’écrirai, puisque cette chimère me soutient, non seulement pour la volupté d’écrire, mais pour le public idéal dont je garde et chéris le songe enchanté. […] Ils peuvent même, bien que ce phénomène soit rare, avoir des aperçus féconds, des visions créatrices, embryons de projets et d’idées que la paresse, un idéal trop haut et trop inaccessible ou je ne sais quelle inhabileté de main-d’œuvre les empêche d’exécuter. […] On reste ainsi dans la moyenne, cet idéal de sagesse commune qui suffit aux âmes ordinaires, et voilà pourquoi « c’est un grand signe de médiocrité de louer toujours modérément46. » On croit montrer sa propre force en paraissant supérieur à celui qu’on juge, c’est-à-dire en lui rendant moins que ce qui lui est dû. […] Mais un système philosophique est, d’un bout à l’autre, un poème complet, une construction idéale de l’esprit, où l’artiste crée tout, son objet et sa forme. […] Il s’agit ici de composer avec des cartes, j’allais dire avec des idées et des mots, une figure idéale qui ait sa logique intérieure et soit harmonieusement combinée.
Mounet-Sully est un Rodrigue idéal. […] Et, par exemple, que ce soit l’orgueil et une sorte de cruauté de conquérant (Lovelace), ou la curiosité, ou la passion de je ne sais quel idéal qui domine chez don Juan tel que nous le concevons le plus volontiers, l’impiété n’est nullement essentielle à son caractère. […] Il a passé sa vie et consacré toute son œuvre à opposer aux basses exigences de la nature et aux hypocrites convenances sociales le commandement impérieux d’un idéal austère et purement chrétien. […] Elle sentirait d’ailleurs que, en faisant exactement ce qu’a fait son mari, elle serait infiniment plus coupable que lui, parce qu’elle le ferait, elle, sans être tentée et en portant dans son cœur un autre idéal du devoir ; et que, à cause de cela, c’est elle, vraiment, qui serait sans excuse. […] » et d’Arcy : « Votre grande intelligence, saisissant à la fois les pôles opposés des choses, a toujours séparé l’esprit de la lettre, l’institution de son but idéal, la convention de ce qui la justifie. » C’est une sorte de transposition philosophique du langage de la passion.
Les illusions de l’antique indépendance et les vertus premières de la république, objet du culte secret des Romains opprimés, eurent en son poème, à leurs yeux, toute la beauté idéale qui remplaçait le merveilleux mythologique. […] Laissons aux Germains prendre leurs fantaisies pour les spéculations d’un beau idéal encore inconnu : qu’ils se délectent dans leurs espérances de perfectibilité spirituelle : contentons-nous de rester à la perfection bornée par nos grands maîtres. […] C’est pourquoi cette grande épopée, recommandable par tant de raisons, l’est surtout par la coordonnance des mœurs idéales que Milton y a créées. […] Est-ce avec les yeux du corps, touchés des seuls attributs physiques qu’il saisira, qu’il verra l’idéal des objets incréés ? […] Peut-être aucun écrit moderne n’offrit plus de diversités, plus de touchantes incidences, plus de naïves scènes, et plus d’oppositions du grave au doux, du naturel au merveilleux idéal.
Mme de Staël, qui sortait de la Révolution, qui s’inspirait de la philosophie, qui maltraitait le règne de Louis XIV et rêvait un idéal d’établissement républicain, devait être considérée alors par tous les hommes de ce camp comme ennemie, comme adversaire. […] Cela pourtant me paraît vrai surtout de Delphine. « Corinne, dit Mme Necker de Saussure, est l’idéal de Mme de Staël ; Delphine en est la réalité durant sa jeunesse. »Delphine, pour Mme de Staël, devenait une touchante personnification de ses années de pur sentiment et de tendresse au moment où elle s’en détachait, un dernier et déchirant adieu en arrière, au début du règne public, à l’entrée du rôle européen et de la gloire, quelque statue d’Ariane éperdue, au parvis d’un temple de Thésée. […] Dans le livre de la Littérature, avec quelle complaisance elle a cité les beaux vers qui terminent le premier chant de Thompson sur le printemps, et qui célèbrent cette parfaite union, pour elle idéale et trop absente ! […] De son côté, elle le jugeait l’homme le plus séduisant de l’Angleterre, ajoutant toutefois : « Je lui crois juste assez de sensibilité pour abîmer le bonheur d’une femme68. » Mais ce qu’on ne peut exprimer de Coppet aux années les plus brillantes, ce que vous voudriez maintenant en ressaisir, ô vous tous, cœurs adolescents ou désabusés, rebelles au présent, passionnés du moins des souvenirs, avides d’un idéal que vous n’espérez plus pour vous, — ô vous tous qui êtes encore, on l’a dit justement, ce qu’il y a de plus beau sur la terre après le génie, puisque vous avez puissance de l’admirer avec pleurs et de le sentir, c’est le secret et l’entre-croisement des pensées de ces hôtes sous ces ombrages ; ce sont les entretiens du milieu du jour le long des belles eaux voilées de verdure. […] Le mécontentement du souverain contre l’ouvrage70, probablement parce que cet enthousiasme idéal n’était pas quelque chose qui allât à son but, suffit à paralyser les éloges imprimés.