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511. (1824) Observations sur la tragédie romantique pp. 5-40

On a coutume de distinguer dans l’histoire d’un art, son enfance, sa maturité, sa décrépitude. […] On avait reconnu qu’aucun fait ne se présente dans l’histoire, tel en tous ses détails, que la scène tragique le réclame. […] Schiller a pourtant essayé, non de cacher les nudités de l’histoire, mais d’orner quelquefois ses attraits. […] Peut-être même si l’événement ne retentit pas avec autant d’éclat dans l’histoire, sera-t-il permis d’en modifier le dénouement. […] Zaïre n’a été fournie à Voltaire par aucune chronique : quelques noms à peine ont passé de l’histoire dans cet immortel ouvrage.

512. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 457-512

Dans l’Histoire, que s’est-il proposé ? […] Cet Essai sur l’Histoire générale a été foudroyé par des critiques, qui n’ont été réfutées que par des injures. […] Ce mérite est le moindre de tous ceux qu’exige l’Histoire. […] Il a eu sans doute ses raisons pour traiter ainsi l’Histoire. […] L’Histoire de Charles XII & celle du Czar Pierre ne seront jamais des Histoires, que pour les Esprits légers, qui préferent l’agrément de la narration & les étincelles du style, au récit noble & grave qui doit caractériser le véritable Historien.

513. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure  »

Dans son livre des Amours de Henri IV, il a poussé plus loin encore cette application de la chronique scandaleuse à l’histoire, et a prétendu l’élever jusqu’à la hauteur d’une méthode. […] Poirson, moins exigeant, doit trouver que c’est assez ; il a désormais son Procope, et l’histoire publique n’a plus qu’à s’accommoder comme elle peut de cette histoire secrète qui la côtoie. […] Mais c’est Bayle surtout, c’est son admiration, sa prédilection pour ce libre et vaste esprit qui constitue, à proprement parler, l’originalité de Mathieu Marais à nos yeux, et qui lui fait son rôle dans l’histoire littéraire. […] L’histoire littéraire est toute remplie et toute faite, pour ainsi dire, de ces plages abandonnées. […] Poirson, que vous ayez cru sur parole M. de L., m’accusant d’avoir pu écrire une Histoire de Henri IV en quatre volumes sans prononcer le nom de Gabrielle d’Estrées, et que vous ayez accueilli cette imputation dans votre article du 24 octobre.

514. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

Gachard comme à celui du meilleur guide, de l’historien qui tient de longue main tous les fils de cette histoire, et qui a su en faire le tissu le plus solide et le plus ferme. […] Et maintenant, poètes, romanciers, Vous voilà avertis : gardez-vous de l’histoire. […] Shakespeare, dont le drame a parfois égalé ou ressuscité l’histoire, a paru à la limite des âges modernes et des âges nébuleux. […] Que si vous voulez des légendes, poêles, prenez-les ailleurs, à côté de l’histoire. […] Mais il reste la justice de l’histoire sur le souverain qui rendit contre lui toute calomnie vraisemblable, et mérita même les mensonges accusateurs qu’il encourut.

515. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Ce sont ces caractères qui donnent une si haute valeur aux jours les plus abominables de l’histoire du monde. » Gœthe (Annales, 1820). […] Nos célèbres historiens, Thiers, Lamartine, Michelet, Louis Blanc, avaient tour à tour parlé d’elle et fait entendre les accents de la patrie, de la poésie et de l’histoire. […] Bûchez et Roux, dans leur Histoire parlementaire de la Révolution française, était de nouveau apaisée, vaincue et mise à la raison. […] Cette noble figure n’avait contre elle que les casse-cou de l’histoire et les invectives qui honorent. […] Dauban (pages 21-26) ; c’est l’histoire d’une tentative de séduction exercée sur la jeune Phlipon par un jeune apprenti qui travaillait dans l’atelier de son père.

516. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Idées et sensations : par MM. Edmond et Jules de Goncourt. »

La religion de l’histoire, le numen historiæ de Pline le Jeune et de Tacite, ils n’en ont pas une bien haute idée, ils ne l’admettent pas : « L’histoire, disent-ils, est un roman qui a été ; le roman est de l’histoire qui aurait pu être. » — La tragédie, ils n’en pensent pas mieux que de l’histoire, mais ils la redoutent davantage, et ils lui en veulent comme au fantôme ennemi qu’on évoque de temps en temps et qu’on fait semblant de ressusciter contre les genres vivants et modernes ; ils disent : « Il est permis en France de scandaliser en histoire : on peut écrire que Néron était un philanthrope, ou que Dubois était un saint homme ; mais en art et en littérature les opinions consacrées sont sacrées : et peut-être, au xixe  siècle, est-il moins dangereux, pour un homme de marcher sur un crucifix que sur les beautés de la tragédie. » Artistes jusqu’à la moelle, ils voient le monde par ce côté unique de l’art ; c’est par là qu’ils sont offensés, c’est par là qu’ils jouissent ; c’est à être un artiste indépendant, sincère, absolu et sans concession, qu’ils mettent le courage civil : « Il faut plus que du goût, il faut un caractère pour apprécier une chose d’art. […] Il se passera encore du temps avant que le public français ait de la considération pour l’histoire qui intéresse. » Le xviiie  siècle revu et repeint par eux prend un aspect tout neuf et bien vivant ; ils en adorent surtout les peintres. […] Quand ils ont vu du grand dans le xviiie  siècle (et il y en a eu), ils l’ont étrangement placé : « Il y a eu du grand dans le xviiie  siècle, disent-ils, mais on ne veut pas le voir : on masque avec Brimborion les écuries de Chantilly. » D’autres verraient le grand du siècle dans l’Histoire naturelle, dans l’idée de l’Encyclopédie, dans la monarchie universelle de Voltaire ; mais ce sont les abstraits qui jugeraient ainsi : MM. de Goncourt sont des plastiques. […] Et cette idée me rend triste. » Si j’avais à tracer une histoire de l’élégie et de l’amour, je ne voudrais pas d’exemple plus piquant pour montrer où en vient l’imagination qui caresse en tout son rêve d’art ; que le cadre domine, et que la manière enchante. […] Dans son volume de Louis XV, un de ses moins bons d’ailleurs, un de ceux où l’auteur abuse le plus de ce que j’appellerai l’illuminisme de l’histoire.

517. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Alphonse Daudet, l’Immortel. »

Il faut que vous soyez, Monsieur, tout à fait dénué du sens de l’histoire, c’est-à-dire de la faculté de trouver bon ce qui est vieux, pour insulter l’Académie !  […] C’est lui qui éreinte tout le temps l’Académie et qui tire la morale de l’histoire. […] Astier-Réhu a été professeur d’histoire ; il est, je suppose, agrégé d’histoire et docteur ès lettres pour une thèse historique. […] Ici, trois actions qui s’entrecoupent : l’histoire des grandeurs et de la chute d’Astier-Réhu ; l’histoire de la candidature académique d’Abel de Freydet et des progrès de la maladie verte chez ce brave garçon ; l’histoire des manœuvres de Paul Astier à la poursuite d’un grand mariage. […] Il n’est pas non plus difficile de reconnaître que l’histoire du fils se rattache à celle du père par un effet de contraste.

518. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet »

Michelet poursuit sans relâche, à travers les récréations d’histoire naturelle qui le délassent plutôt qu’elles ne le détournent, la série des études qui ont pour objet de continuer et de compléter les premiers volumes de son Histoire de France, commencée en 1833, interrompue en 1844, et qui doivent bientôt la rejoindre à son Histoire de la Révolution, conçue et composée depuis lors dans le feu des agitations sociales et des tempêtes civiles. […] Il semble s’être proposé une gageure impossible et qu’il a pourtant tenue, d’écrire l’histoire avec une suite d’éclairs. […] Michelet à ce propos sont spirituelles, mais elles font sourire ; il est des choses que l’histoire ne doit point prétendre deviner. […] Le cardinal de Bausset, en citant ce Caractère dans son Histoire de Fénelon, en a retranché, sans avertir, deux des traits les plus énergiques, la comparaison avec le taureau et l’image de la jaunisse. […] Au reste, l’abbé Proyart, dans son élégante et louable Histoire du duc de Bourgogne (1782), tout en indiquant les défauts, ne les avait pas non plus assez gravés et mis en relief.

519. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [I] »

Histoire des guerres de la Révolution, tome VI, p. 114. […] Il suivait chaque bulletin sur la carte, tenait un petit journal des opérations de guerre, lisait en même temps l’histoire des campagnes du grand Frédéric et entrait avec une facilité merveilleuse dans le sens et l’intelligence de ces grandes opérations qui étonnaient et éblouissaient le monde. […] Ce Traité n’est, à le bien prendre, qu’une histoire critique et un examen des campagnes de Frédéric ; les principes s’y déduisent chemin faisant à l’occasion des faits. […] Thiers qui, dans son premier ouvrage, a marché sur ses traces, et qui a plus d’une fois parlé de lui, dans son Histoire de l’Empire, avec considération et haute estime. […] C’est encore sous ce titre, et comme suite, que parut en 1806 et par anticipation un volume intitulé : Relation critique des campagnes des Français contre les coalisés depuis 1792, qui commençait l’Histoire des guerres de la Révolution.

520. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. EDGAR QUINET.— Napoléon, poëme. — » pp. 307-326

Quinet qui, jusque-là, voyageur panthéiste et rêveur, s’était un peu abîmé en présence de la nature, transporta dans la vue des temps et de l’histoire sa pensée amie des interprétations et des symboles. […] Quinet, il est vrai, dit à merveille dans sa préface : « L’époque la plus riche assurément que l’histoire romaine ait présentée à l’épopée est celle où le monde antique parvint à sa plus haute unité sous la puissance du premier des Césars. […] Le génie des Romains, comme celui des Français au XVIIe et au XVIIIe siècle, avait un caractère positif qui se prêtait mieux à la politique, à l’histoire, à la philosophie, qu’à la poésie lyrique ou épique. […] Autrement elle rentrerait dans l’histoire et s’abdiquerait elle-même. […] Quinet dit quelque part dans son livre : « La nature d’elle-même vous renvoie toujours à l’impression des âges les plus lointains de l’histoire.

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