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734. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre II. De la multiplicité des états de conscience. L’idée de durée »

Ici, les termes n’étant plus donnés dans l’espace, on ne pourra guère les compter, semble-t-il, a priori, que par quelque processus de figuration symbolique. […] Car il n’y a guère d’autre définition possible de l’espace : c’est ce qui nous permet de distinguer l’une de l’autre plusieurs sensations identiques et simultanées : c’est donc un principe de différenciation autre que celui de la différenciation qualitative, et, par suite, une réalité sans qualité. […] Pourtant cette différence échappe à l’attention de la plupart ; on ne s’en apercevra guère qu’à la condition d’en être averti, et de s’interroger alors scrupuleusement soi-même. […] Mais en réalité il n’y a ni sensations identiques, ni goûts multiples ; car sensations et goûts m’apparaissent comme des choses dès que je les isole et que je les nomme, et il n’y a guère dans l’âme humaine que des progrès.

735. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre III. De la survivance des images. La mémoire et l’esprit »

Mais celui-là n’est guère mieux adapté à l’action qui vit dans le passé pour le plaisir d’y vivre, et chez qui les souvenirs émergent à la lumière de la conscience sans profit pour la situation actuelle : ce n’est plus un impulsif, mais un rêveur. […] On observe d’ailleurs cette même exagération de la mémoire spontanée chez des hommes dont le développement intellectuel ne dépasse guère celui de l’enfance. […] Dans la première hypothèse (qui n’a guère pour elle que son apparente simplicité et son analogie avec un atomisme mal compris), chaque souvenir constitue un être indépendant et figé, dont on ne peut dire ni pourquoi il vise à s’en agréger d’autres, ni comment il choisit, pour se les associer en vertu d’une contiguïté ou d’une ressemblance, entre mille souvenirs qui auraient des droits égaux. […] Le rêve et l’aliénation ne paraissent guère être autre chose.

736. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Chateaubriand. Anniversaire du Génie du christianisme. » pp. 74-90

Je les lis de sa main, écrites à une date qui, à quelques mois près, ne peut guère être que 1798. […] Je ne saurais guère vous en donner une idée à cause de l’extrême variété des tons qui le composent ; mais je puis vous assurer que j’y ai mis tout ce que je puis, car j’ai senti vivement l’intérêt du sujet.

737. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — II. (Fin.) » pp. 198-216

Dans le Panégyrique de saint Gorgon, le sujet évidemment lui fait faute ; on ne sait guère autre chose de ce martyr que son supplice, et l’orateur s’y voit forcé de se rejeter sur l’affreux détail des tortures physiques qu’eut à subir celui qu’il doit célébrer : « Le tyran fait coucher le saint martyr sur un gril de fer, déjà tout rouge par la véhémence de la chaleur, qui aussitôt rétrécit ses nerfs dépouillés… Quel horrible spectacle !  […] Le premier, dont on n’a que le canevas, et qui n’est guère qu’un amas de textes et de notes, a été prêché à Metz ; le second, qu’on a tout entier, l’a été également.

738. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Maucroix, l’ami de La Fontaine. Ses Œuvres diverses publiées par M. Louis Paris. » pp. 217-234

Aussi son amour et sa douleur, dans les élégies qu’il composa d’abord, prennent-ils un caractère de regret, de résignation et de sacrifice auquel nos bons aïeux ne nous ont pas accoutumés, et qui ne sera guère dans l’habitude de Maucroix lui-même. […] Les affaires graves ne sont guère mon fait : quatre petits tours de préau valent bien mieux que tout cela… » Ce sont des cérémonies, des harangues et députations sans fin, des compliments en corps qu’on va faire au roi sur ses victoires : Mon ami, tout le monde va ici en masque ; tout le monde, c’est-à-dire moi, et peut-être que les autres n’en font pas moins : c’est bien longtemps avant le carnaval !

739. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Préface pour les Maximes de La Rochefoucauld, (Édition elzévirienne de P. Jannet) 1853. » pp. 404-421

C’est le même qui, parlant de Mme de La Fayette et de sa liaison avec M. de La Rochefoucauld, sur laquelle, dans ses lettres à Ménage, elle se taisait volontiers, dira : « C’était là, probablement, la partie délicate et réservée sur laquelle la belle dame ne consultait guère ses savants amis. » C’est lui qui, parlant de ce monde délicat des Longueville et des La Vallière, de leurs fragilités et de leur repentir, s’écriera tumultueusement : Ah ! […] , non seulement un homme de grand savoir (ce qu’il était), mais d’un savoir bien digéré et élaboré (ce qu’il n’était guère), d’une critique saine et sûre et scrupuleuse (ce qu’il était encore moins) ; on en a fait même un homme de goût (il était précisément le contraire), et presque un écrivain léger et élégant ; et ce que je n’admire pas moins, c’est qu’à ce prompt travail de métamorphose ont tous concouru à l’envi, par indifférence, par entraînement, par complaisance, par égard pour une veuve éplorée et attentive, pour un fils qui avait sa carrière à faire, ceux-là précisément qui savaient le mieux comme quoi tout cela n’était pas. — Je n’ai aucune raison aujourd’hui pour ne pas mettre le nom ; Pancirole, c’est M. 

740. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — II » pp. 414-431

Mais assez peu nous importe cette philosophie de la margrave, qui n’est guère qu’une variante de celle de son frère : nous nous attachons surtout aux sentiments actifs et dévoués qu’elle déploya et qui la caractérisent mieux. […] Se tuer pour ne pas céder, dans la position de Frédéric, c’était faire acte de fierté encore plus que de courage, surtout de courage patriotique et civil : Les Caton et les Othon, lui disait Voltaire, dont Votre Majesté trouve la mort belle, n’avaient guère autre chose à faire qu’à servir ou qu’à mourir ; encore Othon n’était-il pas sûr qu’on l’eût laissé vivre ; il prévint par une mort volontaire celle qu’on lui eût fait souffrir.

741. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « La princesse des Ursins. Ses Lettres inédites, recueillies et publiées par M. A Geffrot ; Essai sur sa vie et son caractère politique, par M. François Combes » pp. 260-278

Une fois la chose jetée en avant, elle ne laisse guère passer de courrier sans y revenir, sans y ajouter, n’omettant rien pour la rendre et la montrer possible et même facile. […] La galanterie, qui ne quitte guère jamais ces sortes de femmes, n’est que sur le second plan, et reste subordonnée ou même subalterne : la grande comédienne et la belle joueuse sont seules toujours en avant.

742. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — II » pp. 435-454

Il se raillait (ce qui est un signe de légèreté) des choses même auxquelles il prenait part ; il n’entrait pas dans l’esprit de ce ferme et stable gouvernement bernois, et il ne commença à le respecter, à l’apprécier et à en reconnaître les vertus qu’au moment où il le vit s’écrouler sous le choc de la Révolution : jusque-là il n’en avait guère aperçu que les défauts. […] Bonstetten ne passa guère qu’une année dans ce curieux pays primitif où son ami Muller le vint voir et qu’ils explorèrent en tous sens pendant la belle saison : Bonstetten en fit une description intéressante, que Muller emporta avec lui pour la traduire en allemand (Bonstetten n’osant encore se risquer à écrire en cette langue), et qu’il publia deux ans après dans le Mercure allemand, dirigé par Wieland.

743. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Ainsi placée et dite en souriant, la riposte qui a pu paraître une grosse impolitesse n’est plus guère qu’une malice18. […] On n’est, tout au plus alors, et sauf le suprême bon ton, sauf l’esprit de société où il n’avait point son pareil, qu’un diminutif de Mazarin, moins l’étendue et la toute-puissance ; on n’est guère qu’une meilleure édition, plus élégante et reliée avec goût, de l’abbé Dubois.

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