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31. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Chapitre VII » pp. 278-283

Homère déjà vieux composa l’Odyssée, lorsque les passions des Grecs commençaient à être refroidies par la réflexion, mère de la prudence. […] Mais n’est-ce pas attribuer le comble de l’imprudence à celui qu’il nous présente comme le fondateur de la civilisation grecque ? […] Longin n’ose défendre de telles fables qu’en les expliquant par des allégories philosophiques ; c’est dire assez que, prises dans leur premier sens, elles ne peuvent assurer à Homère la gloire d’avoir fondé la civilisation grecque. — Toutes ces imperfections de la poésie homérique que l’on a tant critiquées répondent à autant de caractères des peuples grecs eux-mêmes. — 5. […] Grâces à notre découverte, Homère est assuré désormais des trois titres immortels qui lui ont été donnés, d’avoir été le fondateur de la civilisation grecque, le père de tous les autres poètes, et la source des diverses philosophies de la Grèce. […] Il ne pouvait être regardé comme le fondateur de la civilisation grecque, puisque, dès l’époque de Deucalion et Pyrrha, elle avait été fondée avec l’institution des mariages, ainsi que nous l’avons démontré en traitant de la sagesse poétique qui fut le principe de cette civilisation.

32. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 1, idée generale de la musique des anciens et des arts musicaux subordonnez à cette science » pp. 6-19

D’ailleurs la musique des romains étoit la même que celle des grecs, dont ils avoient appris cette science. Elle avoit chez les uns et chez les autres la même étendue et les mêmes principes, de maniere qu’on peut se servir également pour expliquer l’étendue et l’usage de la musique des anciens, soit des auteurs grecs, soit des auteurs latins. […] Les grecs nommoient cet art musical orchesis, et les romains saltatio. […] En effet, suivant l’usage des grecs, l’art de composer la melopée faisoit une partie de l’art poetique. On verra cy-dessous que les poetes grecs composoient eux-mêmes la melopée de leurs pieces.

33. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXIXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) » pp. 5-63

C’est le cours le plus complet et le plus vivant de l’archipel grec et ionien qu’un disciple d’Homère ait fait faire à la génération présente. […] Il savait le grec ancien comme Homère, il savait le grec moderne comme un klephte. […] « Ce Vaï, qui revient à la fin de chaque couplet, comme un sanglot, est-il un mot grec ou étranger, une interjection improvisée, un dérivé du grec ancien ovaï, ou bien une construction du verbe grec moderne βαγἱζειν, vagir comme les enfants ? […] J’apprenais alors ses odes pour me familiariser avec le grec moderne, et je recherchais sa conversation, qui n’était jamais sans profit pour moi. […] me dit-il, quel intérêt vous amène dans notre quartier grec ?

34. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre II »

La part du grec dans la langue française originale est équivalente à celle du celtique, nulle  ; elle est au contraire importante, autant que déplorable, dans le français moderne. […] Lorsqu’on inventa les bateaux à vapeur, il se trouva aussitôt un professeur de grec pour murmurer pyroscaphe ; le mot n’a pas été conservé, mais il figure encore dans les dictionnaires. […] Tous ces mots empruntés au grec ont d’abord été pensés et combinés en français ; et absurdes en français, ils ne le sont pas moins en grec. […] Au pédant qui invente binocle, l’instinct heureux de l’ignorant répond par lorgnon ; à cycle, tricycle, bicycle et tous leurs dérivés l’ouvrier qui forge ces machines oppose bécane : il n’a point besoin du grec pour lancer un mot d’une forme agréable, d’une sonorité pure et conforme à la tradition linguistique15. […] Les indigènes du Gabon, qui ne savent pas le grec, ont nommé le bateau à vapeur bateau fumée, ce qui est fort joli.

35. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Laïs de Corinthe et Ninon de Lenclos » pp. 123-135

Debay, Laïs de Corinthe (d’après un manuscrit grec) et Ninon de Lenclos. […] Les Grecs — peuple tout extérieur — n’ont point laissé de mémoires, et leur individualité, qui ressemble à leurs statues, ne se voit qu’à la place publique et sous les draperies d’un art et d’un mensonge qui ne les abandonnent jamais. […] Les Grecs ne voient que l’effet produit ; le dedans des choses leur échappe. […] Si ces mots ne sont pas apocryphes, ils prouvent que la courtisane fut aimée des Grecs comme madame de Talleyrand fut aimée de son mari : parce qu’elle lui reposait l’intelligence. […] Les mots de Ninon sont trop connus, ses lettres authentiques et les livres qui nous parlent d’elle ne sont point des manuscrits grecs, confiés à des savants qui meurent (peut-être du plaisir de les lire), et qui ne se retrouvent plus.

36. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

Si les poèmes d’Homère peuvent être considérés comme l’histoire civile des anciennes coutumes grecques, ils sont pour nous deux grands trésors du droit naturel des gens considéré chez les Grecs. […] Varron a pris la peine de recueillir trente mille noms de divinités reconnues par les Grecs. […] Ensuite elle s’appela Parthenope, d’un mot grec de la langue héroïque, et enfin Neapolis dans la langue grecque vulgaire ; ce qui prouve que les Grecs s’y étaient établis ensuite, pour partager le commerce des Phéniciens. […] Les Romains ne commencèrent à connaître les Grecs d’Italie qu’à l’occasion de la guerre de Tarente, qui entraîna celle de Pyrrhus et des Grecs d’outre-mer (Florus). […] Comme la langue grecque, elle est aussi éminemment propre à traiter les sujets scientifiques.

37. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre III. Retour à l’art antique »

On n’enseignait plus le grec dans la plupart des collèges ; l’étude en était facultative dans les autres. […] Ceux des littérateurs qui parlent des Grecs et des Romains en parlent avec une connaissance bien superficielle, ou même avec une inintelligence grossière : lisez les jugements de Voltaire et de La Harpe. […] Parce que Chénier n’a pas vu les œuvres grecques par l’extérieur ; il a senti l’âme qui s’y réalisait. […] Il est grec lui aussi, et grand humaniste : aussi tente-t-il une imitation serrée de la technique des anciens. […] Chénier, entraîné par l’exemple des Grecs, substitue l’harmonie à la symétrie.

38. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

Il avait même fait des traductions du grec. […] Il est vrai qu’en retour il voulait nous faire plus Grecs que Français. Dans son enthousiasme pour la langue grecque, il y voyait toutes sortes de conformités imaginaires avec la nôtre. […] Quelle nouveauté charmante, en effet, après les froides allégories de Jean de Meung que cet Olympe grec ses dieux si aimables ! […] De là cette muse « en français parlant grec et latin », dont se moque Boileau.

39. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre IV. »

Du lyrisme grec avant Pindare. — Des hymnes d’Homère. — De la poésie lyrique dans l’Iliade. — Archiloque ; quelques débris de son génie. […] On pourrait plutôt reconnaître dans le langage de ces chants une sorte de piété panthéiste analogue à celle qui, dans des temps plus reculés, et chez des ancêtres oubliés de la race grecque, avait inspiré quelques accents des Védas. […] Parmi ceux qui étendirent ainsi la poésie grecque, après Homère et avant les tragiques, il n’est pas de nom plus célèbre qu’Archiloque. […] Né sous une date certaine, attestée par les marbres officiels de Paros, sa patrie, Archiloque fut un témoin immortel de la corruption précoce, comme de l’éclat du génie grec. […] Une seule tradition merveilleuse mêlée à son souvenir témoigne bien de l’idolâtrie des Grecs pour les dons de l’esprit, au préjudice de tout intérêt de justice ou même de vengeance.

40. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « MÉLEAGRE. » pp. 407-444

Persée fut bien amoureux de l’Éthiopienne Andromède. » Opique est un mot par lequel les Grecs désignaient assez injurieusement les Romains. […] Fanie, en grec, veut dire petite lumière, ou même petite lanterne, petit flambeau. […] La Collection des auteurs grecs publiée par MM. […] Alcman, à ce qu’il paraît, avait passionnément chanté les amours de jeunes filles, de même qu’Ibycus avait introduit chez les Grecs une poésie d’un autre genre. […] La hardiesse de l’expression ne dépasse nullement ce qui est ordinaire à la poésie grecque et à celle de Méléagre en particulier.

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