Robert, que notre fabuliste a évidemment dérobé son vers à l’obscur Ysopet, et que, pour s’en donner l’honneur, il s’est bien gardé d’éventer le larcin ? Ainsi, le comte de Caylus, dès qu’il eut mis le nez dans les fabliaux, saisi d’un bel enthousiasme, crut y découvrir tout La Fontaine et tout Molière, et se plaignit amèrement du silence obstiné que ces illustres plagiaires avaient gardé sur leurs victimes. […] Ou bien s’était-il préparé, par une longue et laborieuse éducation, à cette facilité merveilleuse qu’il garda jusqu’aux derniers jours de sa vieillesse, et doit-on admettre ainsi que les fables et les contes du bonhomme ne coûtèrent pas moins à enfanter que les odes de Malherbe ? […] Qu’il nous suffise d’avoir rappelé que, durant les vingt ans écoulés depuis l’aventure de l’ode jusqu’à la publication de Joconde (1662), il ne cessa de cultiver son art ; qu’il composa, dans le genre et sur le ton à la mode, un grand nombre de vers dont très-peu nous sont restés, et que s’il y porta depuis 1664, c’est-à-dire depuis les débuts de Boileau et de Racine, plus de goût, de correction, de maturité, et parut adopter comme une seconde manière, il garda toujours assez de la première pour qu’on reconnût en lui le commensal du vieux Colletet, le disciple de Voiture, et l’ami de Saint-Évremond.
Dans un temps de turgescence universelle, où toutes les grenouilles s’enflent comme des bœufs et crèvent si ridiculement à la peine, c’est être heureusement exceptionnel que de garder les proportions de sa pensée et de n’avoir pas peur d’un cadre étroit. […] Le nouvel auteur de Jacques Cœur et Charles VII 12 s’est bien gardé d’une ambition si haute et si vaine. […] C’était l’asservissement à une âme impérieuse d’une âme faible, en proie à tous les ennuis du plaisir et du favoritisme ; c’était le croupissement des sens et du cœur, qu’il faut bien se garder de confondre avec cette facilité des âmes fortes et qu’on ne voudrait voir qu’aux âmes pures : la fidélité. […] » Ce fut lui qui, devenu l’argentier du roi, dit cette simple parole que l’Histoire a gardée : « Syre, tout ce que j’ay est vostre », et qui la fit suivre du fait, en versant une part de son immense fortune dans les finances de son pays.
c’est ce masque, que Byron a ôté avec Moore et que Pascal a gardé comme il a gardé son cilice, que voilà sur la table dans ces lettres de Lamennais. […] Comme Chateaubriand, son illustre compatriote, qui, lui aussi, changea d’opinion, mais qui garda sur Lamennais la supériorité de l’unité religieuse, il était de nature un rêveur et même il préserva toujours la naïveté de sa rêverie, quand Chateaubriand travaillait la sienne et coquettait avec elle. […] mais il l’a gardée pour ses lettres.
Théophile Gautier Élève de Lamartine, elle a gardé du maître la forme et le mouvement lyriques, mais avec un accent profond et personnel qui fait penser à Mme Valmore. […] C’est la même imagination confiante, le même élan continu vers la sympathie du lecteur… Mme Blanchecotte est encore, parmi nos modernes, un de ceux qui ont le plus gardé des traditions de poésie subjective ; mais les Militantes marquent un grand progrès, et, de cette personnalité un peu mélancolique, trop attachée, selon nous, à la lettre de sa souffrance, l’auteur commence à se dégager vers les régions supérieures où l’âme de chacun se fond et se disperse dans la vie de tous.
Au milieu de cette génération gracieuse, jaseuse, légère et peu passionnée, qui allait devenir l’élite des jeunes femmes du commencement de Louis XV, elle gardait sa sensibilité concentrée et dormante. […] oui, je verrai, s’il le faut, M. le Régent, » quand M. de Murçay, qui jusque-là avait gardé le silence, s’avançant brusquement vers Mme de Pontivy, dont le bilboquet (c’était alors la fureur) venait fort à propos de tomber à terre, lui dit assez bas en le lui remettant et en lui serrant la main avec signification : « Gardez-vous en bien ! […] M. de Murçay, enhardi par ce signe, la prit et la lut, tandis qu’elle gardait le silence ; il y vit que M. de Pontivy, qui l’écrivait, y parlait, en cas de bannissement définitif, d’un projet de départ pour elle-même qui irait le rejoindre en Espagne : « Eh ! […] Mme de Pontivy était à peu près la seule en ce genre, et le monde, qui a besoin de personnifier certains rôles, lui garda le sien dont aucune femme, il faut le dire, n’était bien jalouse. […] Il se disait qu’elle ne l’aimait plus autant, qu’elle ne l’aimait plus de la même manière qu’aux autres absences des dernières années ; que quelque chose s’était calmé en elle à son sujet ; et, tout en se répétant cela dans l’avenue la plus enfoncée et la plus ténébreuse où il passait ses journées, il heurtait machinalement du pied chaque tronc d’arbre, il aspirait le soupir du vent à travers les feuilles à peine émues, et se surprenait à désirer de se perdre bientôt dans d’autres Élysées funèbres, sans plus garder de sentiment immortel ni de souvenir.
Il nous donne aussi cette maxime qu’avait Henri IV, et qui faisait de lui un homme de guerre pratique si excellent, « qu’il se fallait bien garder de croire que l’ennemi eût mis ordre à ce qu’il devait, et qu’un bon capitaine devait essayer les défauts de l’adversaire en les tâtant ». […] Et il lui conseille de ne point se soucier de ceux qui menacent de changer de parti si lui-même il ne change sur l’heure de religion : Gardez-vous bien de juger ces gens-là sectateurs de la royauté pour appui du royaume, ils n’en sont ni fauteurs ni auteurs… Quand votre conscience ne vous dicterait point la réponse qu’il leur faut, respectez les pensées des têtes qui ont gardé la vôtre jusques ici ; appuyez-vous, après Dieu, sur ces épaules fermes, et non sur ces roseaux tremblants à tous vents ; gardez cette partie saine à vous, et dedans le reste perdez ce qui ne se peut conserver.
« En philosophie, comme vous l’avez indiqué, il oscillait un peu en ces temps-là ; il embrassait plus de nuages qu’il n’en a gardé dans la suite ; il ne semblait pas clair à tout le monde et ne tenait pas absolument à le paraître. […] Elle eut la sagesse de comprendre qu’il fallait concéder quelque chose au temps ; elle garda tous ses anciens amis, ses préférences intimes, mais elle renouvela peu à peu son salon. […] J’avais lu autrefois un de ces romans manuscrits, et, tout en y appréciant quelques parties d’une observation délicate et vraie, je m’étais bien gardé de laisser croire qu’il put être livré à l’impression. […] Dans la vie si au hasard que je mène depuis des années et où j’obéis aux nécessités de chaque jour, j’ai gardé du moins et réservé un coin de ma vie antérieure : c’est une appréciation profonde et encore plus juste que reconnaissante des personnes si distinguées, si à part, que j’ai eu le bonheur de connaître et qui m’ont honoré de leur bonté en même temps qu’élevé par leur commerce.
Elle s’oppose à tout, & ne surmonte rien : Vous devez beaucoup moins redouter la colere Des loups, estans dessous l’abboy de votre chien, Que nous, nos sens gardés d’une telle chimere. […] Ils nous livrent sans cesse à des soins criminels ; Par eux, plus d’un remords nous afflige & nous ronge ; Nous voulons les garder & les rendre éternels, Sans penser qu’eux & nous passeront comme un songe.
Vous devez le garder. […] C’est encore un éloge que je garderais pour Molière. […] Il s’est bien gardé d’en faire deux sujets de pièce. […] Il n’ira pas aux informations, parce qu’il est amoureux ; mais, parce qu’il est avare, il gardera l’espoir que Marianne ne sera pas sans dot. […] Philinte va-t-il garder un si parfait ami ?
Grâce à je ne sais quel arrangement particulier conclu dans l’intervalle entre la France et l’électeur de Cologne (en même temps évêque de Liège), la France garda Dinant, et, au lieu d’une place, elle en eut deux. […] Louvois écrivait donc à l’intendant, pour ne pas rester démuni de pièces dans son dire : « Il est important que si vous n’avez point fait d’impositions sur ce lieu, ou que vous n’en ayez pas gardé de copies, vous ne laissiez pas de m’envoyer des copies d’ordres et d’impositions faites sur la seigneurie de Traerbach et sur quelques autres lieux de la seigneurie de Sponheim, dont le roi est en possession, lesquelles vous daterez d’entre le Ier mai 1681 et le 10 juillet, et me les enverrez par le retour de ce courrier, avec cette lettre que vous me renverrez aussi en même temps, observant de faire en sorte que personne ne puisse avoir connaissance de ce que je vous mande. » Cela fait et les pièces réelles ou fictives obtenues, il était tout naturel que Louvois pût écrire à M. de Croissy, son collègue des Affaires étrangères, et qui ne voyait, de tout ce manège, que la surface : « Vous trouverez dans ce paquet les pièces nécessaires pour mettre M. de Crécy (le ministre qui représentait la France près de la Diète) en état de faire voir aux députés à la Diète de Ratisbonne que le roi a été en possession de Traerbach auparavant le 1er août 1681. […] Le commandant du roi à Besançon les recevait à ce titre : « Je vous envoie, lui écrivait Louvois à la date du 23 août 1681, six ballots remplis d’armes curieuses, plombés par la douane, lesquelles vous mettrez dans votre chambre et garderez soigneusement jusqu’à ce que je vous mande ce que vous aurez à en faire. […] Strasbourg, cessant d’exister comme république, garda comme cité ses institutions municipales, sa juridiction civile et criminelle, ses privilèges en matière d’impôt, la liberté de son culte : « l’évêque et le Clergé catholique rentraient en possession de la cathédrale ; mais les Luthériens conservaient toutes les autres églises, les écoles et les biens ecclésiastiques en général. […] Noble cité qui n’a gardé de l’Allemagne que la science et la bonté, et devenue toute guerrière et toute française par le cœur !