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32. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Cette théorie une fois admise, on accordait que Racine et surtout Corneille ne manquaient pas de génie, mais que ce génie avait été enchaîné et gâté par un faux système. […] En Grèce, les unités avaient leur origine dans la simplicité du génie grec. […] Enfin il est possible que le génie impérieux de Louis XIV ait passé jusqu’à un certain point dans le génie dominateur de Bossuet ; mais ce n’est pas ce que j’aime le mieux ni de l’un ni de l’autre. […] « tyranniser la nature » serait le comble du génie humain ! […] Ce grand triomphe du génie français n’a pas pu nous laisser une histoire nationale !

33. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Odysse Barot »

Les gens de génie devraient prendre garde aux mots qu’ils disent ; car c’est souvent une autorisation pour les sots de dire ou de faire une sottise. […] Mais le goût, l’applaudissement des masses, la popularité des œuvres, ne font rien, n’ajoutent rien à cette entité toute-puissante qui s’appelle le Génie et qui est parce qu’il est, comme Dieu. […] Odysse Barot n’a pas osé, lui, décapiter le génie quand il l’a rencontré dans son histoire. Mais il a gratifié de têtes de génie ceux qui représentent le mieux cette idée de démocratie dont son malheureux esprit est féru. […] Edgar Poe, par exemple, s’il avait tourné son génie de ce côté, aurait peut-être pu écrire une histoire littéraire.

34. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Lainé, comme hommage, non aux opinions, mais au génie. […] Ce génie fut-il honnête dans l’usage qu’il en fit ? […] Ce génie fut-il vrai ? […] Ce génie fut-il juste ? […] Ce génie fut-il grand ?

35. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre V. Mme George Sand jugée par elle-même »

Elle lui a tant et tant répété qu’elle avait du génie, que cette âme modeste a fini par le croire et même qu’elle avait le plus beau des génies, le génie qui n’a sa raison d’exister dans aucun effort de facultés, et n’est, comme Dieu, simplement que parce qu’il est. […] Outre le génie de l’écrivain, elle avait l’idée, l’aperçu, le trait, l’étincelle. Mme Émile de Girardin, qui n’avait pas de génie, était aussi une femme d’esprit. […] Elle a le génie et elle a l’innocence ! le génie auquel nous avons cru si vite !

36. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Musset »

Les éditeurs n’ont pas été créés et mis au monde pour faire les affaires  du génie. […] Ici, non plus, nulle passion de ce passionné n’est touchée, racontée, creusée au vif, comme si les sentiments du génie n’intéressaient pas tous les cœurs saisis par ce génie ! […] son génie. […] Or, la vie du génie, et Alfred en était un, avec ses égarements et ses fautes, il n’y a probablement que le génie lui-même qui puisse nous la raconter ! […] Mais ce qui ne l’est point, ce fut son génie, son génie tout en âme, le plus puissamment humain et le plus puissamment moderne, — le plus nous tous, enfin, qui ait assurément jamais existé !

37. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Brizeux. Œuvres Complètes »

Il n’avait pas ce qui console de tout les grands poètes : l’égoïsme de leur génie. […] Le Génie en patois est encore du génie, et parce qu’il n’a pas le soutien d’un idiome riche, harmonieux, complet, comme la grandeur dans l’indigence, il n’en est, — à nos yeux du moins, — que plus beau ! […] La Nationalité l’aurait pris et porté plus haut dans ses bras puissants, mais il ne fallait pas hésiter avec le génie de sa race, puisque l’autre génie, il ne l’avait pas. […] Mais abandonner l’idiome natal, traduire soi-même sa sensation et sa pensée, c’est-à-dire laisser aux difficultés et aux différences d’une autre langue le plus pur de son génie, car tout génie est consubstantiel de la langue dans laquelle il est né, ce n’est pas là, certes ! […] Demandez-vous où est le génie, et le génie du poète encore ?

38. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVI. M. E. Forgues. Correspondance de Nelson, chez Charpentier » pp. 341-353

Forgues n’a pas traduit plus souvent les choses particulières au génie de Southey, c’est que ce Southey trop vanté, n’a ni particularité, ni génie. […] Le talent compassé de Southey ne s’est jamais oublié jusqu’au génie, cette indécence ! […] » Mais la vocation, mais le génie, le génie seul, — car il n’est pas comme son ennemi et son vis-à-vis dans la gloire, qui eut, lui, le génie et la volonté, la bonne part, et qui s’appelait Bonaparte, — le génie seul, qui est d’un jet sans aucune pièce de rapport, dans Nelson, et qui l’avait fait amiral au ventre de sa mère, l’emporta sur les prédictions de la force, de l’expérience et du métier ! […] Nelson, en effet, est une âme comme il a été un génie ! […] Ont-ils compris la spontanéité de ce génie qui n’eut guère qu’une manœuvre en tout, — couper la ligne de l’ennemi au risque de se faire écraser, — mais qui n’avait besoin d’aucune autre pour être le roi de la mer ; qui pouvait se passer de tout, de réflexion, d’expérience et de science, et n’en pas moins être ce qu’il fut, parce qu’il avait le plus brave, le plus pur et le plus puissant du génie militaire, qui est d’aller, même contre toute raison, toujours en avant !

39. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Nelson »

Forgues n’a pas traduit plus souvent les choses particulières au génie de Southey, c’est que ce Southey trop vanté n’a ni particularité, ni génie. […] Le talent compassé de Southey ne s’est jamais oublié jusqu’au génie, cette indécence ! […] » Mais la vocation, mais le génie, le génie seul, — car il n’est pas comme son ennemi et son vis-à-vis dans la gloire, qui eut, lui, le génie et la volonté, la bonne part ! […] Nelson, en effet, est une âme comme il a été un génie. […] Ont-ils compris la spontanéité de ce génie qui n’eut guère qu’une manœuvre en tout, — couper la ligne de l’ennemi au risque de se faire écraser, — mais qui n’avait besoin d’aucune autre pour être le roi de la mer, qui pouvait se passer de tout : de réflexion, d’expérience et de science, et n’en pas moins être ce qu’il fut, parce qu’il avait le plus brave, le plus pur et le plus puissant du génie militaire, qui est d’aller, même contre toute raison, toujours en avant !

40. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Gérard Du Boulan »

— du génie de Molière. […] Nous voulons, pour divertir un monde qui bâille, qu’il y ait un dessous, et même un quatrième dessous, aux créations du génie. […] Le génie est un postillon qui ne mène que trop bien ; mais le malheureux a trop de fleurs naturelles et de rubans à son chapeau, et trop de retentissement dans le coup de fouet ! […] On se dit : l’œuf du génie n’est pas si gros ; ce n’est que l’atome de la circonstance… Le génie n’est plus une cause en soi, qui produit, comme Dieu, pour obéir aux lois de son être. […] Nous n’en avons parlé que par respect pour Molière, à qui on en manque quand on publie de telles billevesées sur le chef-d’œuvre de son génie.

41. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Milton »

il n’organisera donc pas à froid de soi-disant influences qui auraient agi sur le génie de Milton. […] Tous les hommes de génie, par cela seul qu’ils ont du génie, ont le don d’originalité. […] (Je parle ici dans l’intérêt de leur génie.) […] Lui, l’ancien chantre du Comus et du Penseroso, il ne courbait pas seulement son génie poétique, dont il devait être sûr, devant un génie théologique qu’il n’avait pas, mais il alla jusqu’à vouloir écraser l’un par l’autre. […] Le génie de Milton résistant à la vie qu’il a menée soixante ans et même à la volonté de Milton !

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