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594. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

cette médiocrité honnête, cette foule de talents agréables, parmi lesquels on ne distingue pas un seul grand génie, c’est là l’héritage de la Renaissance ! […] Le Parisien voit passer la foule bigarrée sans l’interroger : que peuvent-ils lui apprendre, ces barbares, qu’il ne croie déjà savoir ? […] Voir un roi vivant, un roi de notre temps, en plein jour, marcher au milieu de la foule, avec le globe dans une main et le sceptre dans l’autre ! […] La foule continue à s’y presser, la foule à soixante-quinze centimes comme la foule à cinq francs. […] Pour la foule, la réussite a presque le même profil que la suprématie.

595. (1895) La comédie littéraire. Notes et impressions de littérature pp. 3-379

Et il l’incarnait positivement aux yeux de la foule. […] Il demeure impassible au milieu des clameurs, et reçoit, immobile comme un dieu d’Orient, l’encens qu’une foule idolâtre fait fumer sur ses autels. […] Ce sont des portraits qui provoquent l’étonnement de la foule. […] Sans doute, Rougeville tirait vanité de ses exploits ; il aimait à s’en parer aux yeux des foules. […] Aussi, lorsqu’il voit la foule hurlante sur le point d’envahir les appartements de la reine Wilhelmine et de son fils, donne-t-il en soupirant l’ordre de sévir.

596. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

La monarchie, en effet, est excellente à la condition d’être à la fois soutenue et contenue par quelque chose qui soit entre elle et la foule. Le despotisme n’est pas autre chose qu’une foule d’égaux et un chef. […] Entre le roi et la foule des Corps intermédiaires, qui limitent, redressent et épurent la volonté de celui-là et préparent l’obéissance de celle-ci. […] Encore est-il qu’il semble trop croire, comme à des réalités et non pas seulement comme à des théories, à la vertu des démocraties, à la modération des aristocraties, surtout à la capacité politique des foules. […] Il veut le maintien, non pas seulement de l’idée de Dieu, comme nous l’avons vu, mais de la religion pour la foule. « Il faut une religion pour le peuple », le mot fameux est de lui.

597. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

Elle était l’espérance du poète et la fortune de sa poésie ; elle disposait à son gré de la popularité, de la gloire ; elle poussait au but qu’il lui plaisait d’indiquer, la sympathie ardente de la foule… Ô douleur ! […] Soudain, à de certaines heures de la journée, se glissait derrière ces grandes toiles une foule oisive et curieuse qui venait chercher, à l’entour de ces tréteaux, comme un souvenir de la comédie d’autrefois. […] On entre, on se précipite, on se foule, on regarde, la toile se lève… Entendez-vous ces éclats de rire ? […] Empêtrez votre gloire dans de gros livres, entourez votre nom d’une foule de créations, l’abondance même de votre génie, sera plus tard, un obstacle à votre gloire. […] La foule en voulait, de cet homme, jusqu’au jour brutal où elle n’en voulut plus !

598. (1889) Impressions de théâtre. Troisième série

En ce moment même, des refrains de ballades et des commencements de huitains me remontent en foule à la mémoire. […] Or, cette constatation ne peut que nous faire plaisir, à nous qui ne sommes que des têtes dans la foule. […] Il y voit une foule de choses. […] Maujan assez de justice et de vérité pour que ce drame ne puisse pas faire grand mal à la foule enfantine. […] La foule l’acclame et se soulève toute contre l’abominable Gerbert.

599. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

Sans doute, comme le fera Musset lui-même, il ne laisse pas d’imiter cet adorable, Crébillon le fils qui, justement compromis dans l’opinion de la foule par l’inepte Sopha, se réhabilite en l’estime des lettrés par le délicieusement subtil Hasard du coin du feu. […] Même s’il s’écarte, — selon son droit, car il a tous les droits, — des problèmes sociaux, il concourt à l’auguste et charmant avenir espéré ; si la splendeur du sublime est efficace, l’agrément du joli ne l’est pas moins ; sous toutes ses formes, même sous celles réduites à la grâce, la beauté est l’éternelle et adorable moralisatrice des foules. […] Un instant les poètes purent croire que c’en était fait de l’opérette, et du vaudeville, et de l’école du Bon Sens ; qu’ils allaient reconquérir la foule. […] Ce n’est pas seulement par la qualité de nos inspirations que nous étions autres ; on peut dire que, à parler généralement, le jeune Parnasse se rapprocha beaucoup plus de la grande foule universelle que ne l’avaient fait ses prédécesseurs immédiats. […] Anatole France, dans les lignes suivantes, nettes, simples, belles, et, à mon sens du moins, irréfutables : « Je ne crains pas qu’on dise qu’il y a absurdité à supposer une même méthode appliquée par une foule d’individus différents.

600. (1886) Le naturalisme

Le classicisme dominait alors, dans les sphères officielles, comme dans le goût et l’opinion de la foule, ainsi que le prouve l’anecdote du mouchoir. […] Dans leurs romans, ils montrèrent une foule d’aspects poétiques de notre temps, auxquels nul ne songeait. […] Dédaignant l’opinion de la foule de ses admirateurs comme de celle de ses insulteurs, il ne tient aucun compte du jugement de la multitude. […] Si Zola était uniquement l’auteur pornographique qui arrête la foule, la fait s’attrouper curieusement et puis se disperser rougissante et ennuvée, si c’était le savant à la violette qui colore ses récits d’un vernis scientifique, Zola n’aurait de public que le vulgaire. […] Aussi une foule d’honorables Misses, filles de Clergymen, au lieu de se placer institutrices, se placent-elles comme romancières.

601. (1858) Cours familier de littérature. V « XXIXe entretien. La musique de Mozart » pp. 281-360

« La foule attentive applaudit au chant orgueilleux et acclame sous les voûtes retentissantes la présence d’un dieu ! […] « La foule remplit l’air de ses acclamations. […] Le génie aime ces petites capitales recueillies, où l’âme ne s’évapore pas dans la foule et dans le bruit comme dans les Babels de l’industrie moderne. […] Wolfgang a encore reçu d’une autre dame un petit bureau de voyage en argent, et Nanerl une petite tabatière d’écaille incrustée d’or, d’une extrême délicatesse, puis une bague avec un camée et une foule de bagatelles que je compte pour rien, comme des nœuds d’épée, des manchettes, des fleurs pour des bonnets, des mouchoirs.

602. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIIe entretien. Vie du Tasse (3e partie) » pp. 129-224

VIII Cependant, soit par la connivence secrète du duc Alphonse, pressé de constater et de revendiquer pour son nom la gloire du patronage sur la Jérusalem délivrée, soit par l’avidité des libraires de Venise, de Vicence, de Lyon, les éditions subreptices et inexactes de ce poème paraissaient en foule à la ruine et au désespoir du prisonnier. […] « Maintenant », lui écrit-il, « me voilà décidément précipité du faîte de mes vaines illusions ; je suis décidé à fuir de ce monde, à m’enfuir de la foule dans la solitude, de l’agitation dans le repos. […] Son ami le cardinal Cinthio, les membres de la famille du pape, les prélats de la cour des deux neveux, et la foule de leurs courtisans s’étaient rendus à sa rencontre hors des portes de Rome. […] Né d’une race à la fois chevaleresque et poétique, élevé par une mère d’élite et par un père déjà glorieux, recueilli dans la fleur de son adolescence par un prince qui lui ouvrit pour ainsi dire sa propre famille, protégé, aimé peut-être par la sœur charmante de ce prince, qui fut pour lui, sinon une amante, du moins une autre sœur, et qui lui pardonna tout, même ses négligences et ses distractions de sentiment que tant d’autres femmes ne pardonnent jamais, illustre avant l’âge de la gloire par des poèmes que la religion et la nation popularisaient à mesure qu’ils tombaient de sa plume ; disputé comme un joyau de gloire entre la maison d’Este, la maison de Médicis, la maison de Gonzague, la maison de la Rovère, ces grands patrons des lettres en Italie ; misérable et errant par sa propre insanité, mais non par la persécution de ses ennemis ; comblé d’enthousiasme et de soins par la jeune princesse Léonora de Médicis ; chéri à Turin, désiré à Florence, appelé à Rome ; retrouvant à Naples, toutes les fois qu’il voulait s’y réfugier, la patrie, l’amitié, la paix d’esprit, l’admiration d’une foule de disciples fiers d’être ses compatriotes ; enfin rappelé pour le triomphe à Rome par un neveu du souverain de la chrétienté, fanatique de son génie et providence de sa fortune ; mourant dans ses bras avec la couronne du poète en perspective et le triomphe pour tombeau : on ne voit rien dans une telle vie qui soit de nature à accuser l’ingratitude humaine, excepté quelques années de cruelle séquestration dans un hospice de fous, qui n’accusent pas, mais qui dégradent un peu son protecteur devenu son geôlier ; mais cette infortune n’est-elle pas souvent, dans l’économie d’une grande destinée, l’ombre qui fait mieux ressortir la note pathétique, qui attendrit le cœur de la postérité, et qui donne à la gloire quelque chose d’une compassion enthousiaste du monde ?

603. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

Examiner de près la réelle figure de cet homme illustre sans considération pour la foule respectueusement inclinée devant sa mémoire, c’est, à coup sûr, une audace dont je ne cherche pas à me dissimuler le péril. […] Après la Révocation, ce mortel coup de hache porté à l’arbre de leur liberté, malgré la défense, ils suivirent en foule vers l’exil, leurs chefs spirituels bannis. […] Écoutez cet hymne de triomphe saluant la défaite finale de la Réforme en France ; je ne puis résister à la joie de transcrire tout le morceau, tant il est imprégné de saveur :‌ « Prenez vos plumes sacrées, vous qui composez les annales de l’Église : agiles instruments « d’un prompt écrivain et d’une main diligente » hâtez-vous de mettre Louis avec les Constantin et les Théodose… Nos pères n’avaient pas vu,‌ comme nous, une hérésie invétérée tomber tout à coup ; les troupeaux égarés revenir en foule, et nos églises trop étroites pour les recevoir ; leurs faux pasteurs les abandonner, sans même en attendre l’ordre, et heureux d’avoir à leur alléguer leur bannissement pour excuse ; tout calme dans un si grand mouvement ; l’univers étonné de voir dans un événement si nouveau la marque la plus assurée, comme le plus bel usage de l’autorité, et le mérite du prince plus reconnu et plus révéré que son autorité même. […] Elle dissimule savamment aux regards de la foule l’absence de pensée, la pauvreté des arguments, la puérilité de logique, la disette de bon sens.

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