Ainsi se dégradent les arts, dans l’abaissement de fortune et l’avilissement de cœur que souffrent les peuples. […] Ces défauts du langage ultralyrique de Lycophron, assez habilement conservés dans une traduction moderne en vers anglais, offriraient une étude piquante sur le grand art d’écrire, et sur ce point extrême, où, dans le génie de l’orateur et du poëte, comme dans la fortune du conquérant, on peut exactement dire : « Du sublime au ridicule il n’y a qu’un pas. » Ce pas, Lycophron l’a souvent franchi ; et toutefois, à part les emprunts raffinés de langage, les enchères d’audace métaphorique, il y a quelques beautés à recueillir dans cette suite de prophéties nuageuses de Cassandre, du haut de la tour où le poëte la suppose prisonnière, avant le départ de Paris, dont elle contemple dans l’avenir l’adultère, la fuite et la punition. […] Moi, Théocrite, qui écrivis ces vers, je suis du peuple de Syracuse, fils de Proxagoras et de l’illustre Philine ; et je n’ai jamais détourné vers moi la gloire d’une muse étrangère. » Né sous le règne de Hiéron jeune, au temps du déclin de la Grèce, devant la fortune croissante de Rome, il trouvait dans Syracuse de grands souvenirs des lettres, l’hospitalité donnée à Pindare, à Platon, la comédie d’Épicharme ; et il se sentit de bonne heure sans doute appelé à renouveler, sous une autre forme, cette gloire poétique.
Sans trop insister sur les causes extérieures ou accessoires de ce changement de fortune, constatons ce que prouvèrent alors soit les grandes célébrités littéraires, soit les travaux de critique accomplis au-dessous de ces grands noms : qu’on a pu avoir du talent, faire de la bonne littérature, être écouté et réussir en prenant parti pour la vérité contre l’erreur, pour le bien contre le mal. […] Dans la Fleur des pois, qui s’est appelée plus tard le Contrat de mariage, la physionomie des deux notaires, maître Mathias et maître Solonet, est parfaite ; rien de mieux posé que la scène où Mathias, le notaire de l’ancien temps, dispute à l’élégant Solonet, le notaire moderne, la fortune de son client, Paul de Manerville. […] Ce n’était plus le champ de bataille, l’enivrante odeur de la poudre, l’éclat du soleil sur les armes, la magie du drapeau, le prestige de cette croix de saint Louis, qui fut souvent, après vingt campagnes, la seule fortune de nos pères : non ; c’était quelque chose d’inconnu, d’obscurément terrible, qui avait toutes les angoisses du danger et de la mort sans en avoir les ivresses ; c’était le guichet, c’était le préau, c’était le cachot, c’était le tombereau et la guillotine au milieu des huées de la populace. […] Ce qu’on devait prévoir, ce qui, au point de vue terrestre, eût paru inévitable, c’est que toutes ces vertus, toutes ces grandeurs, toutes ces gloires de l’adversité, périraient après le triomphe ; c’est que cette Église héroïque, sublime, née et grandie dans le sang et les larmes, appelant à elle les âmes par la secrète puissance de la douleur et du sacrifice, ne résisterait pas à l’épreuve contraire, à la faveur soudaine qui ferait de César son complice, remplirait la cour de chrétiens au lieu d’en peupler les geôles et changerait les instruments de torture en instruments de fortune. […] Les hommes d’un esprit éminent, La Rochefoucauld et de Retz, par exemple, qui prirent part à la Fronde ou à ses préludes, manquèrent sciemment de patriotisme et de sagesse : ils sacrifiaient l’intérêt de l’État à leur intérêt personnel ; le sentiment, chez les hommes, est toujours regardé comme trop secondaire pour servir d’apologie à leurs fautes : on les accuserait plutôt d’en avoir fait un moyen de plus, un échelon de pouvoir et de fortune.
Telle fut l’origine de la fortune de Napoléon. […] Il n’avait connu que des bonnes fortunes de collégien et des récréations de sous-lieutenant. […] L’Ambigu offrait aux amateurs de mélodrames La famille savoyarde ou les jeux de la Fortune. […] Soldat de fortune, officier remuant, chef jusqu’alors surfait par une renommée de mauvais aloi, troupier brave, déjà vieilli (comme le furent, hélas ! […] Les étrangers exploitent méthodiquement la contrée, en tirent tout le suc, et rentrent aux États-Unis ou en Europe après fortune faite.
Est-il douteux que si la fortune de ce Poëte eût été plus indépendante, il n’eût mieux travaillé ses Pieces, & ne nous eût laissé plus de Chef-d’œuvres & moins de Farces ?
N’est-il pas plutôt dans ses destins et dans sa fortune de réjouir les yeux, d’être l’animation matérielle d’un fait, la représentation sensible d’une chose, et de ne pas aspirer beaucoup au-delà de la récréation du nerf optique ?
Les experts dans l’art de connoître la main des grands maîtres, ne sont bien d’accord entr’eux que sur ces tableaux célebres, qui, pour parler ainsi, ont déja fait leur fortune, et dont tout le monde sçait l’histoire.
La jeune élève, sans guide dans la vie, sans fortune et sans gloire, s’était sentie flattée de trouver tous ces titres dans un seul homme. […] On n’avait fait à Bernardin de Saint-Pierre qu’un reproche envieux et injuste : on l’accusait, lui, homme sans fortune, d’avoir sollicité avec trop d’anxiété des libraires, de l’Académie, du gouvernement, des ministres, les modestes tributs que l’État accordait à son génie indigène ; mais on oublia qu’il n’avait aucun patrimoine que ce génie, qu’il avait à nourrir un enfant et une jeune épouse, qu’il sentait derrière lui, à peu de distance, la mort, épiant sa fin prochaine, les menacer d’un abandon éternel. […] Ses malheurs commencèrent avec sa fortune. […] Néanmoins, il fallut bien s’apaiser ; il n’y avait point de remède, et la raison fit entendre à la Béjart que le plus grand bonheur qui pût arriver à sa fille était d’avoir épousé Molière, qui perdit par ce mariage tout l’agrément que son mérite et sa fortune pouvaient lui procurer, s’il avait été assez philosophe pour se passer d’une femme20. […] Ils regardaient tous ce bon accueil comme la fortune de Baron, qui ne fut pas plutôt arrivé chez Molière, que celui-ci commença par envoyer chercher son tailleur pour le faire habiller (car il était en très mauvais état), et il recommanda au tailleur que l’habit fût très-propre, complet, et fait dès le lendemain matin.
C’est vraiment de la malechance, que moi, dont toute la fortune est en bibelots, je sois tombé sur une maison, où un architecte, pour avoir la ligne décorative d’un toit couronné par une seule cheminée, ait adopté un système de chauffage qui vous tient toujours sous la menace du feu. […] Nous nous mettons à table, où a été invité Drumont, et poursuivis par les images du chemin, nous nous entretenons de l’amélioration du sort de ces hommes, de l’injustice des trop grosses fortunes. […] Au fond, ce petit homme est l’ouvrier d’une radicale rénovation théâtrale, et si, comme il le disait, elle ne se fait pas chez lui, elle se fera forcément sur les autres scènes, et quelle que soit la fortune de son entreprise théâtrale, il est bien certainement le rajeunisseur du vieux théâtre. […] Il parle encore de sa joie, quand il avait la fortune de posséder six sous, pour acheter une bougie, une bougie, qui lui promettait toute une nuit de lecture. […] cette idée était dure, car comme je l’avais dit à mes amis, je ne sais pas quelle sera la fortune de ma pièce, mais ce que je voudrais, ce que je demande, c’est de livrer la bataille, et j’ai eu peur de ne pas la livrer jusqu’au bout.
Mais il avait dû attendre pour épouser ma mère, qu’il aimait depuis longtemps et qui était sans fortune, d’avoir lui-même une position suffisante2. […] Ma mère sans fortune, et une sœur de mon père, qui se réunit à elle, m’élevèrent. […] Mais je sentais bien tout ce qui me manquait, et je décidai ma mère à m’envoyer à Paris, quoique ce fût un grand sacrifice pour elle en raison de son peu de fortune. […] Il faut songer, en effet, qu’âgé alors de 36 ans, n’ayant aucune fortune que ce que me procurait ma plume, ayant débuté en 1824 de compagnie avec des écrivains distingués, parvenus presque tous à des postes élevés et plus ou moins ministres, je n’étais rien, vivais au quatrième sous un nom supposé, dans deux chambres d’étudiant (deux chambres, c’était mon luxe), cour du Commerce.
Or, du moment où les papes ont un gouvernement, ils ont des ministres ; et si au nombre de ces ministres ils ont le bonheur de trouver un homme supérieur, modéré, dévoué jusqu’à l’exil et jusqu’à la mort, comme Sully était censé l’être à Henri IV ; si ce rare phénix, né dans la prospérité, éprouvé par les vicissitudes du pouvoir et du temps, continue pendant vingt-cinq ans, au milieu des fortunes les plus diverses, en butte aux persécutions les plus acerbes et les plus odieuses, à partager dans le ministre, sans cause, les adversités de son maître ; si le souverain sensible et reconnaissant a payé de son amitié constante l’affection, sublime de son ministre, et si ce gouvernement de l’amitié a donné au monde le touchant exemple du sentiment dans les affaires, et montré aux peuples que la vertu privée complète la vertu publique dans le maître comme dans le serviteur ; pourquoi des écrivains honnêtes ne rendraient-ils pas justice et hommage à ce phénomène si rare dans l’histoire des gouvernements, et ne proclameraient-ils pas dans Pie VII et dans Consalvi le gouvernement de l’amitié ? C’est le véritable nom de ce gouvernement à deux têtes ou plutôt à deux cœurs, qui a traversé tant d’années de calamités sans se diviser, après quoi le ministre est mort de douleur de la mort du souverain, laissant pour toute fortune une tombe sacrée à celui qu’il a tant aimé. […] « Le cardinal Negroni ne put pas refuser ; il vit même qu’il commençait notre fortune en nous plaçant sous la protection d’un aussi puissant personnage. […] « C’était un homme que le Pape aimait et qui, par ses rapports favorables sur les talents et les études de plusieurs de mes compagnons, avait commencé leur fortune.