« Mais, puisque j’ai parlé du pouvoir et de l’inconstance de la fortune, je n’ai besoin, pour en donner des preuves éclatantes, que de citer ces mêmes hommes que j’ai choisis pour mes interlocuteurs dans ces trois dialogues que je mets aujourd’hui sous vos yeux. […] Tout homme s’attache à ce qu’il possède : cependant cette portion de mes biens que j’ai recouvrée m’est plus chère que ne l’était ma fortune quand je la possédais tout entière. […] J’ai vu le grand Marius, mon compatriote, et, par je ne sais quelle fatalité, réduit comme moi à lutter non seulement contre les factieux qui voulaient tout détruire, mais aussi contre la fortune, je l’ai vu, dans un âge très avancé, loin de succomber sous le poids du malheur, se roidir et s’armer d’un nouveau courage. […] « Mais aujourd’hui que la fortune m’a frappé d’un coup terrible et que le fardeau du gouvernement ne pèse plus sur moi, je demande à la philosophie l’adoucissement de ma douleur, et je la regarde comme l’occupation de mes loisirs la plus douce et la plus noble à la fois. […] Dieu, l’âme du monde, la providence ou la fortune (appelée ainsi parce qu’elle fait naître mille événements imprévus dont les causes existent, mais dont nous ne pouvons apercevoir de si bas ni prévoir ces causes) gouverne l’univers.
Dans les familles bourgeoises, il n’y a plus de parenté au-dessous d’une certaine position de fortune, au-dessus du quatrième étage d’une maison. […] Au milieu de la soie claire d’un panneau, un noir Bonvin, représentant un homme attablé dans un cabaret, apparaît à la façon d’un portrait de famille, d’un ressouvenir de basse origine, du père de la fille passant la tête au milieu de sa fortune. […] Elle s’est laissé accoster par la fortune comme par un passant, — quelqu’un qui monte, qu’on accepte, qui s’en va et qu’on oublie. […] On remet sa pensée à coups de fouet sur la piste ; on recherche l’insomnie pour avoir les bonnes fortunes des fièvres de la nuit ; on tend à les rompre sur une concentration unique toutes les cordes de son cerveau. […] Et il a de la fortune.
Or, comme comprendre est encore le meilleur moyen d’aimer, le livre a sa fortune faite.
Outre cela, Cujas avoit une trempe d’ame qui le rendoit encore plus estimable que ses talens ; non seulement il aidoit de ses lumieres ses Ecoliers, il soutenoit de plus, par ses dons, l’émulation de ceux qui, nés avec de l’esprit, trouvoient, dans leur peu de fortune, des obstacles à la perfection de leurs études ; générosité qui le fit nommer le Pere des Etudians.
La fortune ne répondit pas à l’éclat de sa naissance, ni au mérite de son esprit, si on en juge par ces Vers qu’elle adressoit à cette derniere.
Le Testament du Cardinal Alberoni, & l’Histoire politique de ce Siecle, décelent un génie propre aux grandes affaires, qui eût pu se rendre très-utile, s’il eût su se fixer, ou si la fortune lui eût fourni les moyens de s’exercer utilement.
On a contesté le dénûment absolu de Corneille ; en tous cas, il mourut dans un état précaire de fortune. […] La bataille dura longtemps, Balzac ne gagna pas une fortune, mais il paya ses dettes, ce qui était déjà bien beau. […] Si vous ne naissez pas avec une fortune, que ferez-vous ? […] C’est le labeur d’un ouvrier qui doit gagner son pain, qui ne peut se retirer qu’après fortune faite. […] La vie s’agrandissant, des tours nouveaux qui étonnent Paris, la fortune, presque la gloire.
La fortune de Rosny fut lente et laborieuse comme celle de son maître : ses grands talents et son esprit qui s’annonçaient de bonne heure se compliquaient de certaines obscurités, de certaines humeurs et bizarreries auxquelles on aurait pu se méprendre. […] Il était suivi du valet de chambre monté sur une haquenée anglaise, lequel portait sur lui la casaque de son maître, casaque de velours orangé à clinquant d’argent, et, en la main droite, des tronçons d’épées, de pistolets et armes diverses, et des lambeaux de panaches, de son maître également, le tout lié en faisceau et formant trophée : Après cela, disent les secrétaires s’adressant à Rosny, vous veniez dans votre brancard (brancard fait à la hâte de branches d’arbres, surmonté de cercles de tonneaux), couvert d’un linceul seulement ; mais par-dessus, pour parade des plus magnifiques, vos gens avaient fait étendre les quatre casaques de vos prisonniers, qui étaient de velours ras noir, toutes parsemées de croix de Lorraine sans nombre en broderie d’argent ; sur le haut d’icelles les quatre casques de vos prisonniers avec leurs grands panaches blancs et noirs, tout brisés et dépenaillés de coups ; et contre les côtés des cercles étaient pendus leurs épées et pistolets, aucuns brisés et fracassés ; après lequel brancard marchaient vos trois prisonniers, montés sur des bidets, dont l’un, à savoir le sieur d’Aufreville, était fort blessé, lesquels discouraient entre eux de leurs fortunes… Après les prisonniers venaient le surplus des domestiques, puis la compagnie des gens d’armes et les deux compagnies d’arquebusiers, ou du moins ce qui en restait, non sans plus d’un brancard encore pour les blessés, et sans bien des têtes bandées ou des bras en écharpe : toute une ambulance victorieuse. […] Partant, prenez patience aussi bien que moi, et continuez à bien faire. » Cette grande et colossale fortune de Sully, ai-je dit, est lente à se construire et à s’élever : au moment où Henri IV entre dans Paris et pendant les années qui suivent, il n’est que simple conseiller d’État.
Si la guerre s’était déclarée, je me sauvais ignoré du monde entier, excepté de lui ; je m’engageais dans sa compagnie, et ne voulais devoir ma fortune qu’à des actions de valeur. […] Quel est l’état, malgré ses inconvénients et les caprices de la fortune, où l’on est plus respecté ? […] Bien qu’il s’élève quelquefois contre la templomanie, il y mêle encore un peu trop d’autels, de statues et d’allégories selon le goût du temps ; mais il y a, dans les jolis dessins où il se joue, des plans et des devis tout naturels et pour toutes les fortunes : Je ne voudrais point, dit-il, faire venir l’ombre et l’eau dans mon jardin, que j’abandonnerais pour les chercher ailleurs.
Enfant, il était au collège d’Harcourt quand le système de Law vint bouleverser les têtes et bientôt les fortunes ; et, à ce propos, Duclos fait la théorie des crises ou révolutions fréquentes auxquelles est assujetti notre pays. […] Quant aux Confessions du comte de…, ce sont les mémoires d’un roué, d’un jeune colonel du commencement du xviiie siècle, et qui présente une première ébauche de ces autres héros fictifs ou réels, les Valmont et les Lauzun : on y parcourt une liste de bonnes fortunes, à travers lesquelles l’auteur a la prétention de peindre une collection de caractères de femmes, la femme de qualité, l’Anglaise, l’Espagnole, la coquette, la dévote, la caillette, la marchande, la financière ; mais les esquisses sont si rapides et si peu gracieuses, les teintes si monotones, qu’on fait bientôt comme le héros qui les confond et qui les oublie. […] Les chapitres sur « les gens de fortune » et sur « Les gens de lettres » sont de vraies descriptions de mœurs et excellents de tout point.