Les Souvenirs d’Enfance n’ont pas la prétention de former un récit complet et suivi. […] En cherchant à augmenter le trésor des vérités qui forment le capital acquis de l’humanité, nous serons les continuateurs de nos pieux ancêtres, qui aimèrent le bien et le vrai sous la forme, reçue en leur temps.
La raison est qu’en rendant les mots, & même le sens principal, on ne rend pas toujours les idées accessoires, qui forment tout l’art & tout le mérite d’un ouvrage. […] Cette circonstance ne fait aucun tort à l’historien, à ce peintre du cœur humain ; elle ajoute à l’horreur du tableau que forment tant d’innocences victimes & l’ame attroce du tyran qui les voit expirer.
Tel est, dans le premier, un morceau sur l’éducation des princes, où Julien parle de la nécessité de former leur corps avec leur âme. […] S’il a des frères, il les chérit ; et tous les liens formés par la nature lui sont sacrés.
L’italien ne fut formé que dans le treizième et le quatorzième siècles, par le Dante et Pétrarque ; l’anglais, du temps d’Elisabeth, par Spenser et Shakespeare ; l’allemand demeura longtemps une espèce de jargon tudesque, dont les nationaux mêmes, en écrivant, dédaignaient de se servir. […] Il fallait donc que les grands souverains et les rois commençassent par former des corps de toutes ces masses dispersées ; il fallait rétablir des liens entre les hommes.
En général, l’éloquence de Fléchier paraît être formée de l’harmonie et de l’art d’Isocrate, de la tournure ingénieuse de Pline, de la brillante imagination d’un poète, et d’une certaine lenteur imposante qui ne messied peut-être pas à la gravité de la chaire, et qui était assortie à l’organe de l’orateur. […] Ne pouvant encore s’autoriser contre l’usage, il fit connaître à ses amis qu’il allait à l’armée faire sa cour qu’il lui coûtait moins d’exposer sa vie que de dissimuler ses sentiments, et qu’il n’achèterait jamais ni de faveurs, ni de fortune aux dépens de sa probité. » Je pourrais encore citer d’autres endroits qui ont une beauté réelle ; mais le discours en général est au-dessous de son sujet ; on y trouve plus d’esprit que de force et de mouvement ; on s’attendait du moins à trouver quelques idées vraiment éloquentes sur l’éducation d’un dauphin, sur la nécessité de former une âme d’où peut naître un jour le bonheur et la gloire d’une nation ; sur l’art d’y faire germer les passions utiles, d’y étouffer les passions dangereuses, de lui inspirer de la sensibilité sans faiblesse, de la justice sans dureté, de l’élévation sans orgueil, de tirer parti de l’orgueil même quand il est né, et d’en faire un instrument de grandeur ; sur l’art de créer une morale à un jeune prince et de lui apprendre à rougir ; sur l’art de graver dans son cœur ces trois mots, Dieu, l’univers et la postérité, pour que ces mots lui servent de frein quand il aura le malheur de pouvoir tout ; sur l’art de faire disparaître l’intervalle qui est entre les hommes ; de lui montrer à côté de l’inégalité de pouvoir, l’humiliante égalité d’imperfection et de faiblesse ; de l’instruire par ses erreurs, par ses besoins, par ses douleurs même ; de lui faire sentir la main de la nature qui le rabaisse et le tire vers les autres hommes, tandis que l’orgueil fait effort pour le relever et l’agrandir ; sur l’art de le rendre compatissant au milieu de tout ce qui étouffe la pitié, de transporter dans son âme des maux que ses sens n’éprouveront point, de suppléer au malheur qu’il aura de ne jamais sentir l’infortune ; de l’accoutumer à lier toujours ensemble l’idée du faste qui se montre, avec l’idée de la misère et de la honte qui sont au-delà et qui se cachent ; enfin, sur l’art plus difficile encore de fortifier toutes ces leçons contre le spectacle habituel de la grandeur, contre les hommages et des serviteurs et des courtisans, c’est-à-dire contre la bassesse muette et la bassesse plus dangereuse encore qui flatte.
Jusqu’à lui on ne se doutait pas de tout ce que pouvaient fournir d’intérêt, de vie, de drame mouvant et sans cesse renouvelé, les événements, les scènes de la Cour, les mariages, les morts, les revirements soudains ou même le train habituel de chaque jour, les déceptions ou les espérances se reflétant sur des physionomies innombrables dont pas une ne se ressemble, les flux et reflux d’ambitions contraires animant plus ou moins visiblement tous ces personnages, et les groupes ou pelotons qu’ils formaient entre eux dans la grande galerie de Versailles, pêle-mêle apparent, mais qui désormais, grâce à lui, n’est plus confus, et qui nous livre ses combinaisons et ses contrastes ; jusqu’à Saint-Simon on n’avait que des aperçus et des esquisses légères de tout cela ; le premier il a donné, avec l’infinité des détails, une impression vaste des ensembles. […] Comment cette vocation historique si prononcée se forma-t-elle, et se rencontra-t-elle ainsi toute née au sein de la Cour et dans un si jeune âge ? […] Selon moi, et après une étude dix fois refaite de Saint-Simon, je me suis formé de lui cette idée : il est doué par nature d’un sens particulier et presque excessif d’observation, de sagacité, de vue intérieure, qui perce et sonde les hommes, et démêle les intérêts et les intentions sur les visages : il offre en lui un exemple tout à fait merveilleux et phénoménal de cette disposition innée. […] Voltaire sur sa fin avait, dit-on, formé le projet « de réfuter tout ce que le duc de Saint-Simon, dans ses Mémoires encore secrets, avait accordé à la prévention et à la haine. » Voltaire, en cela, voyait où était le défaut de ces redoutables Mémoires, et aussi, en les voulant infirmer à l’avance, il semblait pressentir où était le danger pour lui, pour son Siècle de Louis XIV, de la part de ce grand rival, et que, lorsque de tels tableaux paraîtraient ; ils éteindraient les esquisses les plus brillantes qui n’auraient été que provisoires. […] C’est ce qu’on ne saurait trop maintenir, et Saint-Simon n’a eu que raison quand il a conclu de la sorte en se jugeant : « Ces mémoires sont de source, de la première main : leur vérité, leur authenticité ne peut être révoquée en doute, et je crois pouvoir dire qu’il n’y en a point eu jusqu’ici qui aient compris plus de différentes matières, plus approfondies, plus détaillées, ni qui forment un groupe plus instructif ni plus curieux. » La postérité, après avoir bien écouté ce qui s’est dit et se dira encore pour et contre, ne saurait, je le crois, conclure autrement.
L’Amérique du Nord, se dépouillant de ses forêts et de ses habitants sauvages, a fait entendre un long soupir, que Cooper a écouté et a su rendre ; l’Écosse a produit le génie observateur et pittoresque de Scott, qui, se trouvant tout formé et tout grandi, s’est ensuite transporté, quelquefois peu heureusement, hors de ses limites naturelles de temps et de pays. […] Il est bien vrai qu’un lien d’étroite affinité est déjà formé pour une grande partie de la famille humaine ; l’Écosse et l’Amérique, toutes reculées qu’elles sont, reçoivent les pulsations du cœur ; et le cœur, c’est la France. […] Le temps vient où nous embrasserons, où nous relierons toutes les conceptions religieuses, et où, de toutes les traditions, nous formerons la tradition universelle, la grande Bible de l’Humanité. […] Ce sont avant tout des penseurs : ils n’ont pu se décider et se former que par de longues considérations, de profondes études de faits et de raisonnements ; changer, c’est une vie à refaire : aussi leur croyance survivra-t-elle même à la chute définitive du fantôme qui les avait illusionnés. […] Et remarquez que ces deux grands poètes, mis en parallèle sous le rapport de leurs ressemblances comme sous celui de leurs contrastes, s’harmonisent admirablement, et forment entre eux un parfait accord : car ils ont tous deux, au plus haut degré, le même sentiment de la vie universelle, et, d’un autre côté, leurs génies sont tellement opposés qu’ils expriment cette Vie par les deux faces, l’un de l’unité, et l’autre de la variété.
Nous entrevoyons les menées de l’âme sociale et parfois les instincts égoïstes savent lui emprunter ses armes, les idées, les sentiments qu’elle a formés elle-même, pour la combattre et la repousser. […] Ainsi se forment les diverses conceptions de la vie, plus ou moins logiques avec elles-mêmes, plus ou moins ajustables entre elles, qui donnent à la morale, pour chacune d’elles, une sorte de fond commun. […] En tant que tel, il ne relève que de lui, sa fonction est de vivre de son mieux, et le « devoir » de ses idées, de ses désirs, de tous les éléments psychiques et organiques qui le forment est de concourir à ce but. […] Sans doute de nombreux facteurs ont contribué à former les croyances morales, sans doute on peut les considérer sous bien des aspects différents et les rattacher à bien des causes diverses. […] Rien ne peut se former, dans cette singulière et confuse mêlée, de tout à fait pur et de parfaitement ordonné.
Courons, venons en troupe, Quel beau jour que celui où toutes les villes qui ont pris des débris de ton temple, Venise, Paris, Londres, Copenhague répareront leurs larcins, formeront des théories sacrée ; pour rapporter les débris qu’elles possèdent, en disant « Pardonne-nous, déesse ! […] C’est par ce que j’ai vu de ces excellents marins et ce que j’ai lu et entendu des paysans de Lithuanie ou même de Pologne, que j’ai formé mes idées sur la vertu innée de nos races, quand elles sont organisées selon le type du clan primitif. […] C’était un vieillard dont la vie, les idées, les habitudes formaient avec celles du pays le plus singulier contraste. […] À l’église, il se formait des groupes de jeunes gens pour la voir prier. […] Le temps n’est plus où l’on pouvait former de petits mondes, des Thélèmes délicats, fondés sur l’estime et l’amour réciproques ; mais la vie bien prise et bien pratiquée, dans un petit cercle de personnes qui se comprennent, est à elle-même sa propre récompense.
Voilà donc la question capitale d’où dépend l’opinion qu’il faut se former de leur crédibilité. […] Ces discours forment, en effet, quand on les détache du reste, un tout assez complet. […] Il admet dans ses premières pages des légendes sur l’enfance de Jésus, racontées avec ces longues amplifications, ces cantiques, ces procédés de convention qui forment le trait essentiel des évangiles apocryphes. […] La condition essentielle des créations de l’art est de former un système vivant dont toutes les parties s’appellent et se commandent. […] Les versets XX, 30-31, forment évidemment l’ancienne conclusion.