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38. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIII : Affinités mutuelles des êtres organisés »

Et tous ces genres descendus de A forment un ordre distinct de tous les genres descendus de I. […] Tous les descendants du genre F, pendant toute la durée de leur lignée généalogique, sont censés ne s’être que peu modifiés, et ils forment encore un genre unique. […] Cependant tous ces organes si divers et destinés à de si différents usages sont formés au moyen d’un nombre infini de modifications d’une lèvre supérieure, de mandibules et de deux paires de mâchoires. […] À mon point de vue, de pareils termes peuvent s’employer littéralement ; et si, par exemple, durant le cours prolongé des générations, les mâchoires d’un crabe ont été réellement formées d’une paire de vraies pattes, ou de quelque autre appendice plus simple, le fait étonnant que l’organe actuel présente de nombreuses ressemblances de structure avec l’organe dont il s’est formé, se trouve tout naturellement expliqué par la force du principe d’hérédité. […] Lorsque les doigts d’un homme ont été amputés, des ongles imparfaits se forment quelquefois sur les moignons : il me serait aussi aisé de croire que ces vestiges d’ongles apparaissent, non pas en vertu de lois de croissance inconnues, mais afin d’excréter la matière cornée qui les forme, que d’admettre que les ongles rudimentaires des nageoires du Lamantin ont été formés pour une telle fin.

39. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre premier. Les signes — Chapitre II. Des idées générales et de la substitution simple » pp. 33-54

Ceux-ci sont les plus nombreux et les plus usités dans toute mémoire humaine ; il y en a trente ou quarante mille dans une langue, et ils forment à eux seuls tout le dictionnaire. […] Elles sont les effets et les expressions de la tendance finale qui s’est formée. — Si notre promeneur est artiste, la formation, le dégagement et les effets de la tendance sont encore plus visibles. […] Le couple ainsi formé ressemble à ces instruments de physique et de chimie qui, par un mince effet sensible, un déplacement d’aiguille, une variation de teinte, mettent à la portée de nos sens des décompositions de substance ou des variations de courant situées hors de la portée de nos sens. […] La soupe trop chaude, le feu du foyer, la flamme de la bougie, la chaleur du plein midi au jardin, et enfin le soleil forment une de ces classes. La figure de la bonne ou de la mère disparaissant derrière un meuble, le soleil disparaissant derrière la colline forment l’autre classe.

40. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — I. » pp. 441-459

D’autre part, je n’ai pas voulu me mêler des changements et des réformes projetées par les premiers révolutionnaires, parce que je me suis aperçu qu’on voulait former un nouveau ciel et une nouvelle terre, et qu’on avait l’ambition de faire un peuple de philosophes, lorsqu’on n’eut dû s’occuper qu’à faire un peuple d’heureux. […] Il a de ces résumés de jugement qui sont plus frappants pour nous que la démonstration qu’il en donne : « Si la science de former les hommes, dit-il, était inconnue avant M. Rousseau, elle le sera encore après son ouvrage ; il tend moins à former l’homme qu’à détruire le chrétien et le sage. » Les points sur lesquels il prend Rousseau en faute et en contradiction sont peu nombreux, et pourraient être mieux choisis ; il en est un pourtant qu’il a bien justement touché, c’est quand Rousseau, tout en proclamant Dieu, dans son déisme assez stérile, déclare qu’il le bénit de ses dons, mais qu’il ne le prie pas : Car « que lui demanderais-je ? […] La Provence formait alors un petit État dans l’État ; le parlement d’Aix était saisi de toutes sortes d’affaires ; toutes les questions, non seulement d’administration, mais de politique locale, s’y traitaient. […] Il est plus aisé de rendre des décrets que de former des hommes. » Il demande donc du temps et du soin pour corriger et ramener les esprits.

41. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

Les brillantes pyramides d’écume blanche qui s’élèvent dans les airs retombent dans deux bassins formés chacun d’un seul morceau de granit oriental de cinquante pieds de circonférence. […] Elle est formée d’un portique dont les colonnes ont quatre-vingt-sept pieds de tronc, sans les chapiteaux et les corniches. […] Je le rétablis et je dis humblement : Matière et pensée forment le monde. […] Qui vous dit que cette substance dont il a formé votre Cosmos est la même que sa substance invisible à l’œil du corps ? […] C’est par l’union éternelle ou momentanée de la pensée et de la matière, c’est par ce mariage surnaturel et fécond, que le monde ou le Cosmos est formé.

42. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Première leçon »

(2) Sans doute, la nature de ce cours ne saurait être complètement appréciée, de manière à pouvoir s’en former une opinion définitive, que lorsque les diverses parties en auront été successivement développées. […] La plus importante de ces considérations, puisée dans la nature même du sujet, consiste dans le besoin à toute époque, d’une théorie quelconque pour lier les faits, combine avec l’impossibilité évidente, pour l’esprit humain à son origine, de se former des théories d’après les observations. […] C’est à cette fin qu’avant de procéder à l’étude des phénomènes sociaux, je considérerai successivement, dans l’ordre encyclopédique annoncé plus haut, les différentes sciences positives déjà formées. […] J’ose ajouter, en outre, que, lors même qu’une telle entreprise pourrait être réalisée dans la suite, ce qui, en effet, se laisse concevoir, ce ne serait jamais néanmoins que par l’étude des applications régulières des procédés scientifiques qu’on pourrait parvenir à se former un bon système d’habitudes intellectuelles ; ce qui est pourtant le but essentiel de l’étude de la méthode. […] Ceux que je viens de citer suffisent pour faire sentir, en général, l’importance de la fonction que doit remplir dans le perfectionnement de chaque, science naturelle en particulier la philosophie positive, immédiatement destinée à organiser d’une manière permanente de telles combinaisons, qui ne pourraient se former convenablement sans elle.

43. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVIII. Des obstacles qui avaient retardé l’éloquence parmi nous ; de sa renaissance, de sa marche et de ses progrès. »

Heureusement l’éloquence et le goût s’étaient formés. […] Ainsi, par la suite des siècles et des hasards, la langue française se formait, s’enrichissait, s’épurait par degrés. […] D’ailleurs, l’étude même des anciens, et notre première admiration pour Athènes et pour Rome, dans un temps où notre goût n’était pas encore formé, purent nous égarer. […] Ce système de langue forma une espèce de secte. […] Les siècles avaient formé la langue ; son caractère était connu ; sa marche était fixée.

44. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 40, si le pouvoir de la peinture sur les hommes est plus grand que le pouvoir de la poësie » pp. 393-405

Il faut ensuite que ces idées s’arrangent dans l’imagination, et qu’elles y forment ces tableaux qui nous touchent et ces peintures qui nous interessent. […] Quand nous lisons dans Horace la description de l’amour qui aiguise ses traits enflammez sur une pierre arrosée de sang ; les mots dont le poëte se sert pour faire sa peinture réveillent en nous les idées, et ces idées forment ensuite dans notre imagination le tableau où nous voïons l’amour dépêcher ce travail. […] Les phrases les plus nettes suppléent mal aux desseins, et il est rare que l’idée d’un bâtiment que notre imagination aura formée, même sur le rapport des gens du métier, se trouve conforme au bâtiment. […] Je conçois bien, par exemple, que l’homme de guerre puisse sur une description, se former l’image d’un certain assaut ou d’un certain campement ; mais celui qui ne vit jamais ni campemens ni assauts, ne peut s’en faire une juste idée sur des relations.

45. (1902) La métaphysique positiviste. Revue des Deux Mondes

Et la manière dont il s’y est pris, ç’a été de substituer, dans l’idée qu’il nous faut nous former de la « Science », 1° le point de vue dynamique au point de vue statique ; et 2° la notion précise du relatif à l’hypothèse indéterminée de l’absolu. […] Nous ne connaissons la chaleur ou la lumière qu’en fonction du mouvement, et nous ne nous formons une idée d’un vertébré que comme « relative » à celle du mollusque ou de l’insecte ; — et réciproquement. […] Avant Auguste Comte et le positivisme, l’idée qu’on se formait de la science participait, pour ainsi dire, de l’immutabilité de ses lois. […] Je viens de faire allusion aux travaux de Pasteur, j’y pourrais joindre ici ceux de Darwin : ils n’ont certes pas infirmé les découvertes de Newton, mais ils ont cependant modifié l’idée qu’on se formait avant eux du système du monde. […] Un petit procédé pour se former le bon sens, une façon de se bien poser dans la vie, et d’acquérir d’utiles et curieuses connaissances.

46. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre III, naissance du théâtre »

. — La Lyre et la flûte — La Tragédie et la Comédie se forment sous le double aspect des fêtes de Bacchus. — Le Dithyrambe. — Le Chœur. — Le premier acteur. […] De ce mélange résultait un Dieu d’une mobilité infinie, formé de toutes les contradictions du symbole ; violent et doux, bienfaisant et vindicatif, destructeur et rédempteur, martyr et bourreau, maître des fictions et des illusions, versant, pêle-mêle, à pleine coupe, l’irritation et la joie, la ferveur et la fureur, le délire et l’inspiration, Bacchus abrutissait et illuminait, il exaltait et il ravalait, il agitait les corps pour faire évader les âmes dans le ciel ou l’enfer des songes, comme on brise les portes d’une prison en secouant ses gonds. […] Tragique par ses combats et par ses traverses, comique par le train de carnaval et de faste qui formait sa cour, le double Masque de la scène était d’avance empreint sur son front. […] Le Thiase était une troupe toute formée qui n’attendait que le signal de la Muse pour entrer en scène. […] Le rire roula vers les groupes et les dialogues populaires, vers les chariots pleins de gestes moqueurs et de huées joviales, qui ramenaient les buveurs et les vendangeurs à la ville ; les larmes grossirent la source d’émotions et de commémorations douloureuses formée par les adorateurs exaltés du dieu, et d’où la tragédie allait naître.

47. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine »

Le mérite de ses pièces dramatiques n’égale pas celui qu’il a eu de se former en ce pays-là, où il fait toutes sortes de personnages, où il complimente avec la foule, où il blâme et crie dans le tête-à-tête, où il s’accommode à toutes les intrigues dont on veut le mettre ; mais celle de la dévotion domine chez lui : il tâche toujours de tenir ceux qui en sont le chef. […] Racine ce que j’apprenais et le priai de former lui-même le langage que je tiendrais aux personnes qui m’en parleraient comme me croyant son ami. Alors il m’ouvrit son cœur et m’expliqua confidemment ses idées sur le mariage et la qualité de l’alliance qu’il cherchait pour sa fille, ajoutant que s’il trouvait de quoi remplir solidement ces idées, comme serait un jeune avocat de bon esprit, bien élevé, formé de bonne main, qui eût eu déjà quelque succès dans des coups d’essais et premiers plaidoyers, avec un bien raisonnable et légitimement acquis, il le préférerait sans hésiter à un plus grand établissement, quoi que lui fissent entrevoir et espérer des gens fort qualifiés et fort accrédités qui voulaient marier sa fille. […] Racine désirait, je le trouvai de plus si formé et plein de tant de raison, de bons sentiments et de bon goût, qu’après avoir pris langue du père et de la mère qui m’applaudirent, je fis la proposition à M.  […] Il n’en est point sorti depuis, mais il lui faut quelques jours pour se former.

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