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1766. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE PONTIVY » pp. 492-514

On y verra, en une situation simple, toute l’ardeur et toute la subtilité de ce sentiment éternel ; on y verra surtout la force de vie et d’immortalité qui convient à l’amour vrai, cette impuissance à mourir, cette faculté de renaître, et cette jeunesse de là passion recommençante avec toutes ses fleurs, comme on nous le dit des rosiers de Pœstum qui portent en un an deux moissons. […] A force de voir Mme de Pontivy, de s’intéresser à ce mari en fuite, de chercher du moins à maintenir les biens, à force de visiter les gens du roi convoqués à l’Arsenal, et de rapporter son peu de succès à la cliente qu’il voulait servir, il l’aima, et ne put plus en douter un soir que son cœur, comme de lui-même, se trahit. […] Il lui prit une main avec force et respect, et, sans lever les yeux vers elle : « A toujours !

1767. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

Tous ces vers que l’on sait par cœur, et qui ont immortalisé leurs victimes, d’où en est venue la force ? […] Boileau est un réaliste dans toute la force, ou, si l’on veut, dans toute l’étroitesse du terme : si nous séparons dans son œuvre ce qui est virtuosité acquise de ce qui était don naturel, nous ne trouvons rien autre chose en lui. […] Et nulle part, la pièce ne fait tant d’effet que lorsque l’idée générale se laisse oublier à force d’insignifiance et de banalité.

1768. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre V. Le roman »

Il a réussi peut-être encore mieux dans Sapho, sujet scabreux et navrant, qu’il a traité avec une délicatesse, une force, une sûreté incomparables. […] Il voit l’homme assez laid, médiocre, brutal en ses appétits, exigeant en son égoïsme, fort ou rusé selon son tempérament et sa condition, et, par force ou ruse, chassant au plaisir ou au bonheur : les satisfactions physiques et les biens matériels sont les objets presque toujours de cette chasse. […] Il veut représenter les apparences de la vie, faisant entendre par les mouvements, par les actes, les ressorts et les forces intimes de la conscience.

1769. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Octave Feuillet »

Elles effrayent et elles attirent, et, comme elles cachent une âme démente, mue par des forces aveugles et irrésistibles, dans des corps délicieux de patriciennes, elles sont à la fois redoutables et charmantes. […] Il est certain que la foi religieuse apporte à certaines âmes un surcroît de force et de sécurité ; mais à quelles âmes et dans quelle mesure ? […] Feuillet, par une singulière inconséquence, fait de M. de Camors la proie d’une de ces passions furieuses auxquelles un homme ne résiste guère, à moins d’une force morale que la foi ne donne pas, qu’elle peut seulement augmenter.

1770. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

Le vin a une âme lorsqu’on croit qu’une force divine y fermente ; c’était cette âme que buvait Eschyle, et dont il enflammait son esprit. […] Il aimait les silentiaires et les taciturnes. — Prométhée se tait, pendant que la Puissance et la Force le clouent sur le sommet du Caucase. […] Il semble même les préférer aux nouveaux parce qu’ils sont plus près des forces premières et que la majesté des choses éternelles transparaît mieux à travers leur obscurité.

1771. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chansons de Béranger. (Édition nouvelle.) » pp. 286-308

c’est dommage : ces rois qu’on déifie, ces maîtres exigeants ne viennent là qu’à toute force et par la nécessité du refrain. […] Béranger a beau vouloir élever le génie de la chanson, il n’y parvient que jusqu’à un certain point ; on ne force pas la nature des choses, ni ce qu’il y a d’inhérent dans les genres. […] J’ai vu un jour Carrel revenir outré de Passy, pour avoir reçu de Béranger force conseils qu’il ne lui demandait pas.

1772. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame Émile de Girardin. (Poésies. — Élégies. — Napoline. — Cléopâtre. — Lettres parisiennes, etc., etc.) » pp. 384-406

L’actrice était belle et dans son rôle ; il y avait des scènes à effet, bien théâtrales, des tirades éblouissantes, un vernis tout frais et tout nouveau, quelques mouvements qui accusaient la force et l’impétuosité de la muse, un peu de Sapho, pas mal de Phèdre. […] Elle se dit que la force, le péril, l’influence, étaient là. […] Dans les romans de Mme de Girardin, on retrouverait le même genre d’esprit que dans ses feuilletons, des portraits et des scènes de société, des observations fines, force paradoxes, quelque charge, peu d’émotion, peu d’action, une grande science du monde à la mode, l’art et jusqu’au métier de l’élégance.

1773. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. Anecdotes. » pp. 123-144

Ils ont établi que l’honnêteté de l’âme consistait à louer tout ce qui n’était pas louable, à applaudir de toutes ses forces lorsqu’on s’ennuyait. […] La Harpe n’eut pas dans le goût la fermeté et la force de sentir cela, ni de se retrancher net ses prétentions contestables, pour se tenir à sa seule et véritable vocation. […] Vous savez que je suis un peu prophète ; je vous le répète, vous la verrez. » Ici les convives se récrient ; on plaisante Cazotte ; on le harcèle, on le force à dire qu’il sait, dans cette Révolution future, ce qui en arrivera pour chacun.

1774. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — II. (Suite.) » pp. 220-241

À l’arrivée du premier brigand, j’ai senti battre mon cœur avec force. […] En voyant accourir le second bandit, un froid subit a concentré mes forces, etc. […] que peuvent quelques La Harpe clairsemés, quelques froids et minces Suard, fussent-ils aussi nombreux qu’ils sont rares, contre un jouteur de la force et de l’entrain de Beaumarchais ?

1775. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Mémoires de Daniel de Cosnac, archevêque d’Aix. (2 vol. in 8º. — 1852.) » pp. 283-304

La première que je demandai fut celle de faire les fonctions de maître de chambre… » Il arrive, à force d’adresse, à obtenir cette faveur un jour de cérémonie, et à se la conserver par la suite, quoiqu’il y eût bien des envieux et un titulaire. […] En s’opposant de toutes ses forces à ce qu’on livrât la place de Bordeaux à Cromwell avec qui l’on avait ouvert des négociations, en s’opposant vers la fin à l’incroyable faiblesse du prince de Conti qu’on avait presque décidé à conduire sa belle-sœur, la princesse de Condé, en Espagne, Cosnac rendit un service et à son prince et au roi, et ici sa vue s’élève un peu ; on entrevoit quelque chose de cette moralité politique qui va mettre en première ligne la patrie ; c’est par ce côté que nous le trouverons digne plus tard de comprendre et de servir Louis XIV. […] Mme de Sévigné le peignait ainsi à sa fille quand il avait près de soixante ans : « L’archevêque (d’Aix) a de grandes pensées ; mais plus il est vif, plus il faut s’approcher de lui comme des chevaux qui ruent, et surtout ne rien garder sur votre cœur. » Le prince de Conti lui-même, un jour qu’il s’agissait d’emporter de vive force une grâce auprès du cardinal Mazarin et que Cosnac s’en chargeait, lui disait tout bas au départ : « Mais je vous défends les moulinets. » Il appelait ainsi les gestes de l’abbé et ses emportements.

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