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243. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

Dans les forêts de l’équateur, la scène est la même, ou peu s’en faut, tous les jours de l’année, ce qui rend d’autant plus intéressante l’étude du cycle quotidien : chaque jour voit apparaître des bourgeons, des fleurs et des fruits ou tomber des feuilles dans une espèce ou dans l’autre. […] La nature entière se réveille ; de nouvelles feuilles, de nouvelles fleurs poussent à vue d’œil. Où on n’apercevait la veille qu’une masse informe de verdure, on découvre le lendemain un arbre en fleur, une cime, un dôme paré de vives couleurs et créé, pour ainsi dire, par la baguette d’un magicien. […] Les feuilles, si humides et si fraîches à l’aube, deviennent flasques et pendantes ; les fleurs perdent leurs pétales. […] On navigue au gré des lames aplanies ; le coup de vent qui a fait avancer les navigateurs en aveugles sur l’océan Indien, leur laisse entrevoir à distance l’île de Ceylan couverte de ses forêts étranges, et approcher d’un continent à fleur d’eau, où un fleuve immense confond ses fanges avec les roseaux de la mer.

244. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, le 8 décembre 1885. »

Elle se sait chérie de Sachs : — Ce motif caractérise l’espoir d’obtenir Eva : « Serait-ce un jour de noce », dit Sachs à David qui apporte des fleurs ; autre part, c’est sur ce motif que Sachs reconnaît que Walther est aimé, et c’est encore pendant qu’il sonne magnifiquement à l’orchestre qu’il lui recommande de s’habiller de façon à faire honneur à Eva. […] » Il réapparaît enfin une dernière fois quand Sachs, au troisième acte, plein d’une douce mélancolie ne sait pas encore s’il doit renoncer à Eva, tout grisé par l’odeur des fleurs, l’air-si heureux d’un restant d’espoir, que David lui dit qu’il serait volontiers garçon d’honneur, plutôt que son héraut à la fête. […] Eva l’emploie pour rendre l’espoir à Walther, et Sachs quand il demande à David chargé de ses fleurs si par hasard ce serait jour de noce. […] Motif 39 (p. 334, 335, 336). — Le voilà encore, ce même souffle printanier de jeunesse et d’ardeur, c’est lui, la danse : les fleurs, les rubans et les filles tournent dans sa ronde vive et brillante, gaie et douce. […] Le 47 surtout que nous avons placé du côté d’Eva, représente la belle couronne de fleurs que chantent ironiquement les apprentis autour de Walther.

245. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE IX »

Elle ressemblait, dans sa grâce flétrie et voluptueuse encore, à une fleur foulée sous les pieds d’un bal ; et n’était-ce pas en effet, le bal cruel des vices et des voluptés parisiennes qui avait meurtri, sous sa danse effrénée, cette jeunesse ternie, ce cœur effeuillé, cette âme éteinte dans un corps usé ? […] Si vous avez jamais eu pitié de l’agonie d’une fleur ou de l’évaporation d’un parfum, si la matière, languissante et blessée sous une forme exquise, a parfois éveillé en vous une de ces vagues sympathies qui ferait croire à des affinités inconnues, vous comprendrez peut-être l’étrangeté de cette sensation confuse. […] Il faut dire aussi qu’elle mourut jeune et que la jeunesse la plus souillée, choisie par la mort, se couronne, à l’instant même, des fleurs et des bandelettes tragiques du sacrifice, et tombe sous le coup qui la frappe comme sous le fer d’une immolation sacrée. […] Il ne réhabilite pas la courtisane, il en a pitié ; il se souvient du miséricordieux proverbe de l’Inde : « Une femme, eût-elle péché cent fois, ne la frappez pas, même avec une fleur. » Et quelle entente innée de la scène ! […] » — Penchons-nous encore, comme font les bergers d’Arcadie, dans le tableau du Poussin, pour lire la fine inscription gravée par Philodème sur l’urne légère d’une danseuse : — « Ici gît le corps délicat de Tryphée, petite colombe, la fleur des lascives hétaïres, dont les ébats et les causeries étaient pleins d’enjouement ; qui, plus qu’aucune autre, aima les orgies que célèbrent les femmes ; qui, trois fois de suite, vidait, d’un trait, la coupe de vin pur.

246. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Œuvres complètes de Molière »

À la longue, « on se rassasie même du miel, dit Pindare, même des fleurs enchanteresses d’Aphrodite. […] Il est partout, il se glisse, il est aux aguets ; le ver est dans le fruit, le serpent est sous la fleur. […]  » Dans le milieu d’un autre panneau est le meuble fait comme un grand coffre, que nous appelons encore bahut et dont les ferrures étaient presque toujours curieusement historiées ; ce bahut, posé sur un pied de bois de noyer « marqueté et marbré », est couvert de « tapisserie à l’aiguille, à fleurs, rehaussée de soie. […] À côté de ces meubles et le long des murs sont rangées six grandes chaises à dossier très élevé « couvertes de tapisserie à fleurs, rehaussée de soie.

247. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Leckzinska (suite et fin.) »

On remarque ici de petites mains charmantes qui sont plus en vue ; de l’une la reine tient une petite fleur blanche, de l’autre un éventail. […] Les accessoires sont largement entendus : sur une console aux pieds dorés, un buste de Louis XV pose près d’un coussin fleurdelisé et à côté d’un vase de fleurs. La reine, qui a une magnifique robe à ramages, porte sur les épaules le grand manteau royal de velours bleu semé de fleurs de lis d’or, et dont la doublure d’hermine roule à ses pieds : derrière elle, le fauteuil du trône. […] On se le représentera facilement, si l’on pense que cette reine aimait à la passion son époux, qu’elle le voyait lui échapper entièrement, dans la fleur encore de sa jeunesse à lui, et à l’âge où elle-même elle commençait à se flétrir ; qu’elle avait pour dames du palais, nommées pour l’accompagner et la servir, précisément ces mêmes sœurs rivales qui lui enlevaient à tour de rôle le cœur du roi et se le disputaient entre elles, de manière à compromettre aussi le salut éternel de son âme.

248. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « HISTOIRE de SAINTE ÉLISABETH DE HONGRIE par m. de montalembert  » pp. 423-443

Ce tableau a de la grandeur et de la solennité en ce qui regarde les figures d’Innocent III, de Grégoire IX et de l’empereur Frédéric II ; il a de la beauté et de la grâce en ce qui touche saint Louis, saint François d’Assise, le culte de la Vierge alors dans toute sa fleur, les épopées chevaleresques et religieuses dans leur premier et chaste épanouissement. […] Étonné de la voir ainsi ployant sous le poids de son fardeau, il lui dit : « Voyons ce que vous portez ; » et, en même temps, ouvrit, malgré elle, le manteau qu’elle serrait, tout effrayée, contre sa poitrine ; mais il n’y avait plus que des roses blanches et rouges, les plus belles qu’il eût vues de sa vie ; cela le surprit d’autant plus que ce n’était plus la saison des fleurs. […] L’auteur d’ordinaire termine ses chapitres par quelque vocation élevée, quelque réflexion affectuese, ni sur le don des larmes qu’on avait en ces temps, et qui semble de jour en jour tarir ; sur les mariages chrétiens à la fois si passionnés et si chastes, et dont celui d’Élisabeth et du landgrave est comme un type accompli ; sur ce que le souvenir de Luther, au château même de la Wartbourg a détrôné celui de l’humble Élisabeth, dont le nom toutefois est resté à une fleur des champs. […] Pour couronne de ce livre qu’il dédiait à la mémoire de sa sœur, il a rencontré dans un mariage chrétien, par une découverte aussi imprévue que touchante, une noble fleur issue de la tige même d’Élisabeth.

249. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Florian. (Fables illustrées.) » pp. 229-248

Une jeune fille, vêtue de même, soutenait avec moi une grande corbeille pleine de fleurs. » Le petit Florian chanta ensuite avec sa bergère une chanson en dialogue, composée par Voltaire en l’honneur de Mlle Clairon : Je suis à peine à mon printemps, Et j’ai déjà des sentiments… Mais ne voilà-t-il pas, dès l’entrée, toute une vie qui se dessine ? […] Il joue à l’Iliade, il la traduit en fleurs de pavots, et la fait tenir dans un carré de parterre : cela promet Numa Pompilius. […] Il l’aborda de préférence par le genre des pastorales et des nouvelles, et lui emprunta Galatée (1783), qu’il traita avec liberté d’ailleurs, et qu’il accommoda selon le goût du temps, en y donnant une teinte plus récente de Gessner : « J’ai tâché, écrivait-il à ce dernier, d’habiller la Galatée de Michel Cervantes comme vous habillez vos Chloés : je lui ai fait chanter les chansons que vous m’avez apprises, et j’ai orné son chapeau de fleurs volées à vos bergères. » Ce roman pastoral, mêlé de tendres romances, réussit beaucoup : toutes les jeunes femmes, tous les amoureux en raffolèrent ; les sévères critiques eux-mêmes furent fléchis : « C’est un jeune homme d’un esprit heureux et naturel, écrivait La Harpe parlant de l’auteur de Galatée, et qui aura toujours des succès s’il ne sort pas du genre où son talent l’appelle. » Il est vrai que, peu de temps auparavant, le chevalier de Florian avait adressé au même M. de La Harpe des vers d’enthousiasme, au sortir de la représentation de Philoctète : Je ne sais pas le grec mais mon âme est sensible ; Et, pour juger tes vers, il suffit de mon cœur ! […] Il se plaît en réalité avec les animaux ; lui aussi, il vit avec eux à sa manière : Vous connaissez ce quai nommé de la Ferraille, Où l’on vend des oiseaux, des hommes et des fleurs : À mes fables souvent c’est là que je travaille… On nous le montre aussi logé à l’hôtel de Toulouse, ayant sa bibliothèque tout près d’une volière peuplée d’une multitude d’oiseaux, sujets vivants de ses Fables.

250. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Histoire du chancelier d’Aguesseau, par M. Boullée. (1848.) » pp. 407-427

Une autre raison très fine, très judicieuse, et qui va au fond du caractère, c’est que, dans ce long usage du parquet, d’Aguesseau, esprit étendu et lumineux, s’était accoutumé à ramasser, à examiner, à peser et à comparer en tout les raisons des deux parties, « à étaler, dit Saint-Simon, cette espèce de bilan devant les juges avec toutes les grâces et les fleurs de l’éloquence », et de plus, selon la recommandation voulue, « avec tant d’art et d’exactitude, qu’il ne fût rien oublié d’aucune part, et qu’aucun des nombreux auditeurs ne pût augurer de quel avis l’avocat général serait, avant qu’il eût commencé à conclure ». […] Aimant passionnément les lettres et n’ayant pu exclusivement s’y livrer, il en parle avec un redoublement de forme et de fleurs, comme dans une fête cérémonieuse. […] C’est dans les pages mêmes du fils qu’il faut apprendre à aimer l’expression modérée, continue et pleine, de cette belle vie antique de M. d’Aguesseau le père ; c’est là qu’il faut voir briller, sous des cheveux de plus en plus blancs, la vertu toujours égale du vieillard dans toute la fleur de sa première innocence. […] Malgré ces incertitudes, malgré ces tâtonnements et ces faiblesses, et bien que la plupart de ses qualités se tiennent elles-mêmes en échec, le nom de d’Aguesseau s’est transmis l’un des plus beaux et l’un des plus vénérés dans la mémoire française ; les années lui ont ajouté plutôt qu’enlevé de cet éclat et de cette fleur de renommée que, vers la fin, tous les contemporains ne lui reconnaissaient plus avec un égal respect.

251. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers libre  »

Dans les foins où les fleurs qui meurent Sont douces comme un vain regret ; Sous les saules qui pleurent et effleurent L’eau qui dort comme une morte à leurs pieds ; Elles vont vers l’automne et babillent Avec des mots de poète : La vie est faite et défaite Comme un bouquet aux mains d’une fille. […] Dix-sept syllabes bien unies peuvent faire un vers qui réponde encore à la définition : n’être qu’un seul mot : Dans les brassées d’épis joyeux et les tapis de fleurs lu[mineuses.] […] Ils virent les nefs dorées s’amarrer à l’aval du pont où veillent les statues de saints, puis ils virent l’eau couler et les hommes passer, dans les chaudes clairières, sous le soleil d’été les fées et les lutins qui leur baisaient les seins, et ils entendirent le cor enchanté par les forêts en source et les fleurs des taillis. […] Si discrète qu’il faut la chercher, redevenue fleur, sous le feuillage des mots.

252. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Brizeux. Œuvres Complètes »

Marie, sa Marie, sa douce dédaigneuse, il ne l’a peut-être autant aimée que parce qu’elle lui réfléchissait et lui symbolisait la Bretagne ; parce qu’il pouvait les appeler toutes deux dans celui de ses vers qui a le plus de cette inexprimable chose qu’on nomme le charme, faute d’y rien comprendre : Cette grappe du Scorff, cette fleur de blé noir ! […] … Le poète bucolique de Marie, devenant le poète lyrique de La Fleur d’or, de cette fleur qui veut être encore le genêt des landes abandonnées, mais qui ne l’est plus, Brizeux perdit le naturel de sa manière, et en le perdant il perdit tout, car il n’avait que cela. […] Il fallait s’attacher à ce sol, rester dans la poussière de ce sol, et ne pas croire qu’en passant une fleur de genêt à sa boutonnière, comme les Athéniens mettaient une cigale d’or dans leur cheveux, pour dire qu’ils étaient autochtones, on était assez Breton comme cela ! […] celui d’une fleur des landes jusque-là irrespirée et celui de l’adolescence sur une joue que le premier amour venait de mouiller de sa première larme.

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