C’est pourtant à cette fausse conception de lui-même qu’il subordonne son activité. […] Victime d’une fausse conception de sa sensibilité, il l’est aussi d’une fausse conception de son intelligence. […] Aussi la fausse conception qu’elle prend d’elle-même va-t-elle se traduire par de toutes autres conséquences. […] Il semble en effet parfois que la fausse conception qu’elle prend d’elle-même et des choses suffise à causer son aversion pour toute réalité. […] D’une façon essentielle elle se méconnaît, elle se forge une fausse conception de son pouvoir, visant des buts qu’elle ne peut toucher, se réalisant toujours selon des formes qu’elle n’avait pas prévues.
Et si la loi venait un jour à être reconnue fausse ? […] Mais si nous pouvons dire que le fait en question est faux, n’est-ce pas justement parce qu’il n’est pas une création libre et arbitraire de notre esprit, une convention déguisée, auquel cas il ne serait ni vrai ni faux ? […] Sans doute, on pourra découvrir que la loi est fausse. […] Cela alors est une loi qui peut être vraie ou fausse, mais qui ne se réduit plus à une convention. […] Il n’est pas vrai ou faux, il est commode.
mais il est de fausses traditions. […] Il n’y a donc ni vrai ni faux d’une manière absolue ; il n’y a que ce qui paraît vrai ou ce qui paraît faux à chacun de nous. […] comment l’homme aurait-il le droit de préférer le faux au vrai ? […] Donner au cœur le droit de juger entre le vrai et le faux, le bien et le mal, c’est dire que le cœur est le juge du cœur, ce qui implique une sorte de pétition de principe. […] Telle est par exemple la situation de ceux qui croient à de fausses religions.
En cela, elle n’a qu’à suivre les indications que lui donne l’opinion elle-même, un instant attachée à de fausses beautés, mais qui finit toujours par s’en dégager, et ne conserve dans ses admirations que ce qui est solidement vrai et solidement beau. De là le prix qu’il faut attacher à la tradition en littérature, non sans réserve toutefois, car il peut arriver que la tradition ne soit que la continuation irréfléchie d’un faux goût. […] Il poursuit toutes les fausses beautés partout où il les rencontre, et nous donne les raisons pour lesquelles elles ont succombé. […] Ils attaquaient, direz-vous, la fausse discipline, la fausse autorité ; ils y substituaient la vraie. Il y a donc une vraie et une fausse discipline, et qui juge entre elles ?
Il paroît que les pensées de M. de la Rochefoucauld roulent sur un systême qui en rend plusieurs fausses, & quelques autres outrées. […] Il s'ensuivroit de ce principe, qu'un tel sentiment, qu'on ne peut regarder que comme un amour-propre désordonné, seroit commun à tous les hommes, qu'il seroit le premier ressort de toutes leurs démarches, & qu'il ne pourroit jamais mourir qu'avec chacun de nous ; ce qui est démontré faux par expérience. […] Aucune vertu, même momentanée, qui, selon lui, ne soit produite par un orgueil sensible ou déguisé ; & c'est sur ce faux principe qu'il établit ses réflexions chagrines contre la Nature humaine. […] Nous pensons y être d'autant plus obligés, que la plupart des jeunes gens, & même des Auteurs, faute de réfléchir, se sont laissé séduire, & se sont même servis de ce témoignage imposant, pour appuyer des idées fausses, absurdes, & quelquefois dangereuses.
En littérature, comme en toute chose, il n’y a que le bon et le mauvais, le beau et le difforme, le vrai et le faux. Or, sans établir ici de comparaisons qui exigeraient des restrictions et des développements, le beau dans Shakespeare est tout aussi classique (si classique signifie digne d’être étudié) que le beau dans Racine ; et le faux dans Voltaire est tout aussi romantique (si romantique veut dire mauvais) que le faux dans Calderon. […] Certainement ce défaut a été bien funeste, puisqu’il a introduit en France je ne sais quel genre faux, qu’on a fort bien nommé le genre scholastique, genre qui est au classique ce que la superstition et le fanatisme sont à la religion, et qui ne contre-balance aujourd’hui le triomphe de la vraie poésie que par l’autorité respectable des illustres maîtres chez lesquels il trouve malheureusement des modèles. On a rassemblé ci-dessus quelques exemples pareils entre eux de ce faux goût, empruntés à la fois aux écrivains les plus opposés, à ceux que les scholastiques appellent classiques et à ceux qu’ils qualifient de romantiques ; on espère par là faire voir que si Calderon a pu pécher par excès d’ignorance, Boileau a pu faillir aussi par excès de science ; et que si, lorsqu’on étudie les écrits de ce dernier, on doit suivre religieusement les règles imposées au langage par le critique, il faut en même temps se garder scrupuleusement d’adopter les fausses couleurs employées quelquefois par le poëte.
A une époque comme celle-ci, où la marche est libre, dégagée, où il ne s’agit point de renverser le mauvais, mais seulement de ne plus le reconstruire, où les passions ardentes et aveugles ont cédé à une raison calme, patiente et vigoureuse, il faut se garder des fausses analogies ; et, puisqu’on a tout loisir d’étudier le passé, de le comparer avec le présent et d’en tirer des leçons, puisque l’expérience est invoquée à chaque instant, il importe de ne point s’abuser sur ces réponses de l’histoire, et que le passé, au lieu de nous éclairer, ne nous embrouille pas. […] Si ce n’était de leur part qu’une erreur rationnelle, qu’une fausse vue historique, il serait encore bon mais peu urgent de les combattre. Le malheur est que cette fausse vue, cette erreur d’observation et de jugement, combinée chez beaucoup d’hommes publics avec les intérêts et l’amour-propre, peut avoir pour conséquences pratiques d’entraver le libre et prompt développement des principes émis en lumière en juillet. […] A ces gens-là, tous les souvenirs historiques sont tournés en préjugés ; toute leur expérience s’est pétrifiée en fausses analogies ; les intérêts les ont achevés. […] Au reste, les conséquences des bonnes idées ne manquent pas ; assez d’esprits logiques les déduiront ; et, malgré les fausses vues, les indécisions et les intérêts qui viendront à la traverse, notre révolution pacifique d’aujourd’hui aura son cours, ainsi que l’autre révolution turbulente a eu le sien, il y a quarante ans.
Nous nous élevions contre une Cabale qui se croyoit triomphante ; nous combattions les usurpations du mauvais goût ; nous réduisions à leur juste valeur des mérites équivoques ; nous vengions le vrai mérite des atteintes de l’ignorance & de l’envie ; nous déclarions, en un mot, la guerre à la Philosophie, à la fausse Littérature, à la vanité, à la prévention, à tous les préjugés dominans ; nous rappellions les esprits à la Religion, à la raison, aux vrais principes, à la justice, à la vérité. […] A-t-on eu plus de raison de triompher sur quelques fausses dates ou sur de légeres omissions ? […] Elle peut entasser Libelles sur Libelles ; le dépit peut emprunter toutes les formes, éclater ouvertement, parler à l’oreille, affecter le ton d’une fausse bénignité ; la haine & la vengeance peuvent tout imaginer & tout tenter, prêter toutes leurs bouches au mensonge ; elles ne fermeront jamais la nôtre à la vérité…. […] Oui, malgré les hurlemens de l’orgueil & de la médiocrité ; malgré le persifflage des esprits frivoles & libertins ; malgré les froids raisonnemens des ames pusillanimes ; malgré l’indifférence de ces caracteres isolés qui ne prennent part à rien ; malgré les faux jugemens, les fausses critiques, les fausses imputations ; malgré son imperfection même, nous ne craindrons pas de l’avouer, nous avons vu notre Ouvrage accueilli & défendu par les personnes les plus respectables, estimé par les Littérateurs les plus distingués ; nous l’avons vu se répandre chez l’Etranger, mériter les éloges des plus sages Souverains, être réimprimé en plusieurs endroits, par un empressement général à se le procurer. Nous avons vu en même temps, par son moyen, d’heureuses révolutions s’opérer dans les esprits ; les Adorateurs du faux goût rendre hommage au véritable, & murmurer contre l’Ecole qui les avoit égarés ; des Sectateurs de l’impiété ouvrir les yeux sur la supercherie de leurs oracles, & détester leurs dogmes corrupteurs ; des Zélateurs de la Philosophie abjurer ses chimeres & convenir de ses dangers ; des Philosophies même rendre secrétement justice à notre zele, & nous faire de singulieres confidences sur les motifs de leurs engagemens dans la Secte qu’ils paroissoient favoriser.
Rien de plus fatigué, de plus monotone, de plus faux comme littérature et comme art. […] Ce qu’il y avait de vrai dans Franklin est poussé ici au faux par la rigueur de la déduction, et ne se tempère par aucun attrait. […] Il est désormais plus humble, plus circonspect ; il se méfie de ce désir de savoir et de ce besoin de croire, lesquels, combinés dans la jeunesse avec le besoin d’aimer, peuvent se prendre à des idoles et à de faux prophètes : et Rousseau, selon lui, a été un faux prophète. […] Le côté faux de certaines de ses opinions choquait peu alors ; son mérite réel et positif était dans tout son jour. […] Cette simplification systématique de Volney est encore une idée de l’an III, et qui marque une vue exagérée et fausse.
Le mal, le bien, le vrai, le faux, les découvertes, les erreurs, tout vient chez lui de la même source, et dans l’homme que nous avons décrit, on pouvait prévoir le philosophe que nous décrivons. […] Dire que la sensibilité se répand et se porte vers la pêche, c’est faire une métaphore fausse. […] Point d’analyse plus fausse que celle du mouvement attractif. […] Encore l’auteur fausse le fait, en l’attribuant à la sensibilité, quand il appartient à entendement. […] Ceci peut s’appeler la métaphysique des métaphores ; des fautes de style font ici des fautes de science ; le langage faux produit la pensée fausse ; en comparant des qualités et des pouvoirs à des êtres, on les change en êtres ; l’expression pervertie pervertit la vérité.