le centre et le sens de la vie finissent par se transporter insensiblement de l’individu qui va s’éteindre à la famille qui rayonne autour de lui ». […] Faire beaucoup d’enfants mâles : voilà une manière toute simple et très bonne de prendre possession de l’avenir ; il y a dans cette sorte de conquête quelque chose de noble aussi et de grand qui impose le respect et qui imprimera toujours, en dépit des rieurs, je ne sais quel caractère auguste et sacré à tous les chefs d’une famille nombreuse. […] Rabelais, Sterne, Balzac ont avancé, d’une façon plus ou moins explicite, l’idée paradoxale d’une influence des noms de famille ou de baptême sur l’esprit, le caractère, le génie, la destinée des individus qui les portent. […] S’il y a dans son cas un fait d’atavisme, nous pourrons fonder un peu plus d’espoir pour sa carrière sur la perspicacité de ses parents, dont l’attention doit être tenue en éveil par quelque tradition de famille. […] Il faudrait bien pourtant y ajouter au moins les études, la famille et, en outre, la cause mystérieuse qui fait que, l’éducation et l’hérédité ayant été les mêmes, Thomas Corneille ne fut que Thomas, tandis que Pierre Corneille fut Pierre106.
De toutes les parties de la vie humaine58, tapages de taverne et conseils de ministres, bavardages de cuisine et processions de cour, tendresses de famille et marchandages de prostitution, nulle n’est trop petite, ou trop haute ; elles sont dans la vie, qu’elles soient sur la scène, chacune tout entière, toute grossière, atroce et saugrenue, telle qu’elle est, il n’importe. […] Bianca, croyant Césario ruiné, vient s’offrir à lui comme épouse, et, apprenant qu’il n’en est rien, renonce à lui à l’instant sans une plainte. « Ne m’aimez plus ; je prierai pour vous afin que vous ayez une femme vertueuse et belle, et quand je serai morte, pensez à moi quelquefois, avec un peu de pitié pour ma témérité… J’accepte votre baiser, c’est un cadeau de noces sur une tombe de vierge91. » La duchesse de Brachiano est trahie, insultée par son mari infidèle ; pour le soustraire à la vengeance de sa famille, elle prend sur elle la faute de la rupture, joue exprès la mégère, et, le laissant libre avec sa courtisane, va mourir en embrassant son portrait. — Aréthusa se laisse blesser par Philaster, arrête les gens qui veulent retenir le bras du meurtrier, déclare qu’il n’a rien fait, que ce n’est pas lui, prie pour lui, l’aime en dépit de tout, jusqu’au bout, comme si toutes ses actions étaient sacrées, comme s’il avait droit de vie et de mort sur elle. — Ordella s’offre afin que le roi son mari puisse avoir des enfants92 ; elle s’offre au sacrifice, simplement, sans grands mots, tout entière93 ; quoi que ce soit ; « pourvu que ce soit honnête, elle est prête à tout hasarder et à tout souffrir. » — Lorsqu’on la loue de son héroïsme, elle répond qu’elle fait « simplement son devoir. — Mais ce sacrifice est terrible !
Il ne me cacha pas les difficultés de l’entreprise à laquelle mes amis Gabriel Hanotaux et Henry Houssaye m’encourageaient, ainsi qu’Albert Vandal, avec qui j’avais des relations de famille. […] Les relations de longue date avec la famille de Mlle Amé me valaient d’être assez régulièrement invité à venir dîner rue Saint-Guillaume où habitaient à cette époque les Amé.
À côté de moi, vous peindrez ma femme avec sa quenouille ; derrière nous, allant et venant, mes filles qui préparent notre souper de famille. […] Il est important que vous peigniez l’air de satisfaction dont je jouis à cet instant de la journée, en contemplant à la fois ma famille et ma richesse augmentée du labeur d’une journée !
Il vient de lire l’Ode à Marie de Médicis, et il écrit : « Au lieu de l’insupportable et fastidieux amas de galanterie dont Malherbe assassine cette pauvre reine, un poète fécond et véritablement lyrique, en parlant à une princesse du nom de Médicis, n’aurait pas oublié de s’étendre sur les louanges de cette famille illustre, qui a ressuscité les lettres et les arts en Italie, et de là en Europe. […] Est-ce que, sur ces derniers mots, par un paradoxe imité de lui-même, je veux faire de l’auteur du Dictionnaire historique un théoricien de la famille de Hobbes ou de Spinosa ? […] Comme il ne résulte rien de ceux-ci qui intéresse notre opinion sur la scolastique ou sur la réforme, de même, nous penserons des autres tout ce que nous voudrons, sans qu’il en dérive une conception nouvelle du mariage ou de la famille. […] Mais les religieuses, qui veillaient, et sa noble famille, avertie, les ayant séparés, elle résolut de se soustraire à un joug odieux, et elle se fit enlever… par un autre, qui l’épousa.
Voilà le secret de cette élégie tragique de la Jeune Captive, qui ne ressemble en rien à cette famille d’élégies grecques que nous avons lues plus tard dans ses œuvres. […] Il faisait métier de s’introduire dans le secret des familles, d’en pénétrer, sous couleur d’attachement et de services, le plus intime et le plus délicat ; après quoi, c’était à beaux écus qu’il fallait acheter son silence, et qui ne se fût exécuté, eût connu tout le poids des plus odieux propos, sa femme outragée, ses mère ou sœur ou fille, traînées dans la fange, et tout cela asséné d’une assurance hautaine et du plus infernal esprit. […] Ils appelaient à haute voix, les uns leurs parents, d’autres leurs enfants, ou ils essayaient de les reconnaître au son de leur voix ; ceux-ci déploraient leur sort ;’ ceux-là le sort de leur famille ; quelques-uns par peur de la mort invoquaient la mort ; beaucoup levaient leurs mains vers les dieux ; un plus grand nombre déclaraient qu’il n’y avait plus de dieux, et que c’était la dernière nuit du monde, la nuit éternelle… Il apparut une faible lueur qui nous semblait annoncer, non le jour, mais l’approche du feu. […] Il n’est pas même besoin d’appartenir à cette famille d’esprit hors ligne pour rencontrer soi-même, à l’occasion, ces petits bonheurs de style ; ils nous viennent parfois même dans le dialogue le plus abandonné, et à plus forte raison, lorsque, la plume à la main, nous tendons fortement tous les ressorts de notre esprit.
L’un d’eux, Gaucher de Ruppes, lui jura « sur sa bonne foi et l’ordre de chevalerie » qu’un oncle de son père affirmait y avoir été, et que dans la famille on était convaincu qu’il y était retourné : Antoine pourrait sans doute lui en donner de sûres nouvelles. […] Un reste de l’ancien récit se retrouve dans ce fait qu’Ahasvérus sait à fond ce qui est arrivé depuis la Passion en Orient : c’est qu’il avait habité l’Arménie sous le nom de Cartaphilus. — Enfin les derniers traits nouveaux imaginés par le copiste sont d’avoir doté le Juif d’une famille, de lui avoir fait parler toutes les langues (ce qui était indispensable à son nouveau genre de vie), et de lui avoir attribué cette horreur profonde pour les blasphémateurs, que l’auteur avait sans doute la louable intention de faire ainsi renoncer à leur mauvaise habitude. […] La bonne leçon devait résulter de la comparaison des deux familles entre elles : je n’entre pas dans le détail de cette comparaison ; je dirai seulement qu’elle donne comme résultat un texte qu’on peut regarder comme partout satisfaisant. […] C’est la première forme qui est la plus authentique : le Minnesinger dont nous ignorons le prénom n’était désigné, de son temps, que par le nom de la famille des Tannhausen, à laquelle il appartenait.
Il était retenu dans des liens de famille et de corporation qui lui imposaient des devoirs. […] Sans famille, sans amis, sans patrie, errant de pays en pays, de condition en condition, opprimé par tout l’ensemble d’un monde où il n’était pour rien, Rousseau conçut un esprit de révolte, une fierté intérieure qui s’exaltèrent jusqu’au délire. […] La société, en donnant à l’homme des liens de famille et de patrie, des mœurs, des lois, a restreint ses affections ; mais aussi elle les protège, et dispose tout, autour d’elles, afin qu’elles puissent avoir un libre cours. […] Le culte rendu à sa mémoire embrasse et consacre le culte que tant de familles doivent aux parents que l’échafaud leur a ravis.
Sous la signature de Néanthos, l’Almanach des familles publia l’une de ses œuvres, « la Fille du Nord » ; et il paraît que cette fille du Nord était, dans la réalité quotidienne, une chanteuse allemande. […] Mais, à une telle boutique aventureuse, opposons l’une de ces maisons provinciales où a bien et doucement duré l’existence longue d’une famille. […] La bibliothèque est chargée des livres auxquels se plurent, parfois et à tour de rôle, les membres de la famille : il y en a pour tous les âges et pour les plus dissemblables journées. […] La seule famille des Atrides alimenta des centaines de tragédies.
Il a, ce Molière, toute l’honnêteté bourgeoise, toute la probité, toute l’humeur laborieuse de sa famille ; il a la science, la mesure, le goût du beau, l’amour du bien, la soif inassouvie du bonheur, le courage dans la souffrance, il a surtout la pitié, cette vertu suprême, cette vertu des grands cœurs, et l’on ne peut s’empêcher de l’aimer après l’avoir admiré. […] Il prétend instruire, conduire, former et déformer la nation à son gré, modeler de son coup de pouce dévot la cervelle de l’enfance, tenir la femme sous son pouvoir, et par ces deux puissances faites de faiblesses, — la femme et l’enfant, — guider l’homme à sa fantaisie et faire de la famille ce que bon lui semblera. […] « Après la mort de M. de Molière, le Roi eut dessein de ne faire qu’une troupe de celle qui venait de perdre son illustre chef et des acteurs qui occupaient l’hôtel de Bourgogne, mais les intérêts des familles des Comédiens n’ayant pu s’accommoder, ils supplièrent Monsieur d’avoir la bonté de laisser les troupes séparées comme elles étaient, ce qui leur fut accordé ; à la réserve de la salle du Palais Royal, qui fut destinée pour la représentation des opéra en musique.