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1427. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

Elle n’ouvrait pas la bouche, et cependant elle semblait parler à son tour, tant ses traits mobiles avaient d’expression ! […] Le vers français, dont nous avons accusé ailleurs le vice et la puérilité trop musicale dans notre poésie rimée, est cependant la dernière expression de la condensation, de l’harmonie, de la vibration, de l’image, de la grâce ou de l’énergie dans la parole humaine. […] Son attitude (sur le char) était noble et modeste ; on apercevait bien qu’elle était contente d’être admirée, mais un sentiment de timidité se mêlait à sa joie et semblait demander grâce pour son triomphe ; l’expression de sa physionomie, de ses yeux, de son sourire, intéressait pour elle, et le premier regard fit de lord Nelvil son ami, avant même qu’une impression plus vive le subjuguât.

1428. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre I. Le quatorzième siècle (1328-1420) »

Rien n’est moins éternel que la littérature du xive  siècle, tantôt expression de sentiments épuisés ou factices, tantôt forme vide et laborieux assemblage de signes sans signification, où rien n’est réel, solide et viable, pas même la langue : car ce n’est pas encore la langue moderne, et ce n’est plus la langue du moyen âge. […] Rendre l’idée par l’expression la plus éloignée de l’idée, la moins nécessaire et la moins attendue, voilà le résumé de toutes les règles, et c’est pour cela que l’allégorie triomphe et s’étale insolemment, ennuyeusement, dans les écrits du xive  siècle : elle est devenue surtout classique et obligatoire depuis le Roman de la Rose. […] C’est comme dans les lais, virelais, ballades et pastourelles de Froissart : les jolies pièces abondent ; c’est quelque chose de fin, de vif, de charmant, une fantaisie discrète, une forme sobre ; mais une ingénuité d’opéra-comique dans les paysanneries, et partout une fausse naïveté, une adroite contrefaçon du sentiment, une grâce qui inquiète comme expression d’une incurable frivolité et puérilité d’esprit.

1429. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre II. Le quinzième siècle (1420-1515) »

On peut dire que la moitié des pages éloquentes ou des émotions poétiques du xve  siècle (comme déjà du xive ) est un produit du patriotisme, l’expression d’un amour nouveau de la France, et de la tendresse ou de l’indignation que les misères des humbles et des laborieux excitent. […] Le détail de son style est d’un artiste : il a le sentiment de la puissance de la sobriété : il serre l’idée dans l’image, courte, franche, saisissante : c’est un maître de l’expression nerveuse et chaude. […] Leur œuvre, qui tient à leur temps essentiellement, tire sa valeur littéraire de la qualité individuelle de leur nature, et de cette qualité seule : on y cherche l’expression personnelle d’une âme chez Villon, d’une intelligence chez Commynes.

1430. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Paul Verlaine et les poètes « symbolistes » & « décadents ». »

Je trouve des « grils sculptés qu’alternent des couronnes » et « des éclairs distancés avec art », et de très nombreux vers comme celui-ci, qui unit d’une façon si choquante une expression scientifique et des mots de poète : L’atmosphère ambiante a des baisers de sœur. […] Il échange avec le Christ des sonnets pieux, des sonnets ardents et qui, si l’on n’était arrêté çà et là par les maladresses et les insuffisances de l’expression, seraient d’une extrême beauté. […] Ce qui rend le sonnet difficile à saisir, c’est que l’expression de sentiments assez clairs en eux-mêmes y est coupée de menus détails, tirés précis, mais dont on ne sait d’où ils viennent ni à quoi ils sont empruntés.

1431. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

La loi, toute sévère qu’elle est, est l’expression de l’homme tout entier. […] Les religions qui ne prétendent pas s’appuyer sur une révélation, si inférieures comme machines d’action aux religions organisées dogmatiquement, sont, en un sens, plus philosophiques, ou plutôt elles ne diffèrent de la religion vraiment philosophique que par une expression plus ou moins symbolique. Ces religions ne sont, au fond, que l’État, la famille, l’art, la morale, élevés à une haute et poétique expression.

1432. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Additions et appendice. — Treize lettres inédites de Bernardin de Saint-Pierre. (Article Bernardin de Saint-Pierre, p. 420.) » pp. 515-539

[NdA] Expression familière à Bernardin de Saint-Pierre qui aime ces images de la sagesse orientale. […] [NdA] Je prie de remarquer cette belle expression, qui se rapporte à la maladie physique et morale dont j’ai parlé. […] Bernardin de Saint-Pierre, en écrivant à ses amis, cherchait peu à varier ses expressions, et il se répétait volontiers.

1433. (1772) Éloge de Racine pp. -

Le premier il mit de la noblesse dans notre versification ; il éleva notre langue à la hauteur de ses idées, il l’enrichit des tournures mâles et vigoureuses qui n’étaient que l’expression de sa propre force. […] C’est lui qui sut marquer par des nuances sensibles cette différence de langage qui tient à la différence des sexes : il n’ôte jamais aux femmes cette décence, cette modestie, cette délicatesse, cette douceur touchante, qui distinguent et embellissent l’expression de tous leurs sentimens, qui donnent tant d’intérêt à leurs plaintes, tant de grace à leurs douleurs, tant de pouvoir à leurs reproches, et qui ne doivent jamais les abandonner, même dans les momens où elles semblent le plus s’oublier. […] Son expression est toujours si heureuse et si naturelle, qu’il ne paraît pas qu’on ait pu en trouver une autre, et chaque mot de la phrase est placé de manière qu’il ne paraît pas qu’on ait pu le placer autrement.

1434. (1856) Cours familier de littérature. I « Digression » pp. 98-160

(Expression de lord Byron à la même place.) […] Un peintre n’aurait pas choisi pour la peindre une attitude, une expression et un jour plus conforme à sa grandiose beauté. […] Épilogue du IIe entretien Je prie ceux de mes honorables abonnés qui me permettent de voir en eux une famille d’amis, et qui m’adressent des lettres d’affection si nombreuses et si émues, de recevoir ici l’expression collective de ma reconnaissance.

1435. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre V : Règles relatives à l’explication des faits sociaux »

D’ailleurs, cette action que le corps social exerce sur ses membres ne peut rien avoir de spécifique, puisque les fins politiques ne sont rien en elles-mêmes, mais une simple expression résumée des fins individuelles73. […] Puisque, d’autre part, la constitution du milieu social résulte du mode de composition des agrégats sociaux, que même ces deux expressions sont, au fond, synonymes, nous avons maintenant la preuve qu’il n’y a pas de caractères plus essentiels que ceux que nous avons assignés comme base à la classification sociologique. […] Nous avons eu le tort, dans notre Division du travail, de trop présenter la densité matérielle comme l’expression exacte de la densité dynamique.

1436. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Taine » pp. 305-350

Certainement, il y a encore de grandes et vigoureuses qualités d’expression et de couleur dans le livre actuel de M.  […] L’expression étincelante y brille à nombre de places sur le fond étoffé de cette phrase pesante comme les plis du velours, mais ce velours qui traîne ne s’enlève jamais sous les souffles irrésistibles qui donnent tant de grâce aux grands écrivains. […] Taine adore dans Montesquieu comme certaines prudes adorent la décence dans l’expression et l’indécence dans la pensée.

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