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420. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite) »

Comme je ne sais si j’aurai la patience de l’attendre ou le courage de la hâter, j’explique ici mes volontés dernières. » Des idées de suicide, on le voit, n’avaient cessé de traverser ou d’obséder son esprit74. […] Il explique lui-même, au reste, ses contradictions intérieures, les éléments divers et contraires qui s’agitent, qui se heurtent en lui, et desquels se compose son essence ; et voulant rassurer son ami, il se dépeint et se développe soudainement à nos yeux dans un magnifique portrait : « (5 février 1784). […] Ducis, sans doute, n’a que des parties de poète ; mais celui qui s’en explique comme il vient de le faire a, certes, de grandes parties.

421. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset. »

Le ministre français près la Diète de Ratisbonne, M. de Verjus, recevait de Louvois l’ordre de répondre de la bonne sorte aux plaintes des Allemands, — c’est-à-dire de ne rien répondre à la Diète en corps, et de ne daigner s’expliquer qu’à l’oreille des amis en particulier : « Le droit de Sa Majesté est si bien établi par le Traité de Munster, qu’il ne sera rien dit pour le justifier. Dans les discours familiers que le sieur de Verjus pourra avoir avec les députés bien intentionnés de la Diète, Sa Majesté a jugé avec beaucoup de raison qu’il serait bon qu’en même temps que ledit sieur de Verjus s’expliquerait avec la hauteur et la fermeté nécessaires pour faire connaître au corps de la Diète qu’elle n’est pas pour rien changer aux ordres qu’elle a donnés, il fut en état de faire connaître que Sa Majesté garde toute la modération et toute la justice que l’on peut raisonnablement désirer d’elle. » Louvois, en donnant ainsi des ordres à un envoyé diplomatique, empiétait d’ailleurs sans façon sur son collègue M. de Croissy, qui avait succédé lui-même au trop mou et trop modéré Pomponne dans le département des Affaires étrangères : il faisait acte de dictature diplomatique. […] Louvois écrivait là-dessus à Ravaux pour le bien mettre au peint de vue et lui expliquer au liste ce qu’on exigeait de lui sous toutes les apparences de la légalité.

422. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise par M. Taine. »

J’aimerais à pouvoir lui appliquer sa propre méthode à lui-même, pour le présenter et l’expliquer de mon mieux à nos lecteurs. […] Je ne sais si je m’explique bien : c’est là le point vif que la méthode et le procédé de M.  […] Nous tous, partisans de la méthode naturelle en littérature et qui l’appliquons chacun selon notre mesure à des degrés différents18, nous tous, artisans et serviteurs d’une même science que nous cherchons à rendre aussi exacte que possible, sans nous payer de notions vagues et de vains mots, continuons donc d’observer sans relâche, d’étudier et de pénétrer les conditions des œuvres diversement remarquables et l’infinie variété des formes de talent ; forçons-les de nous rendre raison et de nous dire comment et pourquoi elles sont de telle ou telle façon et qualité plutôt que d’une autre, dussions-nous ne jamais tout expliquer et dût-il rester, après tout notre effort, un dernier point et comme une dernière citadelle irréductible.

423. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

Mérimée, sans phrases, sans système, avec ce sentiment continu de la réalité et ce besoin qu’il a en tout de s’expliquer les choses comme elles se sont passées, nous a donné un récit instructif, enchaîné, attachant, et qui jette, chemin faisant, la plus grande clarté sur l’ensemble de l’organisation romaine. […] Caïus Gracchus, je l’avoue, ne m’est pas suffisamment expliqué encore par les alternatives perpétuelles de témérité et d’indécision que dénonce en lui l’historien. […] Prétendre expliquer à chacun pourquoi il y a pris plaisir, c’est trancher du docteur en agrément.

424. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre dixième »

On expliquait alors les idées par la table rase où s’impriment les images que transmettent les sens. […] Il les gourmande ou les loue ; singulière contradiction dans un livre qui explique l’âme des bêtes par un système d’ébranlements organiques de la mécanique animale ! […] C’est ce qui explique qu’aux époques où fleurit cette manière d’écrire, elle ait tant d’imitateurs.

425. (1890) L’avenir de la science « XVI »

Je l’appelle volontiers synthèse, dans le sens spécial que je vais expliquer. […] La langue de l’enfant, en apparence plus simple, est en effet plus compréhensible et plus resserrée que celle où s’explique terme à terme la pensée plus analysée de l’âge mûr. […] Ce tour, particulier au génie allemand, explique la marche singulière des idées en ce pays depuis un quart de siècle environ, et comment, après les hautes et idéales spéculations de la grande école, l’Allemagne fait maintenant son XVIIIe siècle à la française ; dure, acariâtre, négative, moqueuse, dominée par l’instinct du fini.

426. (1886) De la littérature comparée

Des écrivains, comme Villemain d’abord, puis comme Sainte-Beuve, ne se contentèrent plus de proclamer leur jugement sur les œuvres et sur les hommes, mais cherchèrent à les expliquer et s’appliquèrent à déterminer, non plus leur valeur absolue, mais leur « sens historique ». — À mesure qu’il avance dans sa carrière d’écrivain, Sainte-Beuve tend à rapprocher davantage la critique de l’histoire : ses études, dont le recueil constitue un document si précieux pour l’histoire des lettres modernes, s’écartent de plus en plus du point de vue essentiellement esthétique de ses devanciers et de ses contemporains ; ses appréciations s’entourent de notes sur les ascendants de l’auteur, qu’il examine, sur sa famille, sa ville, sa province, sa race ; puis sur son enfance, sur l’éducation qu’il a reçue, sur les influences qu’il a subies ; puis il recherche quelles ont pu être ses opinions sur les matières les plus importantes : quelles étaient ses croyances religieuses ? […] Dans son « Introduction à l’histoire de la littérature anglaise », il explique avec une clarté parfaite sa méthode et son but : les documents historiques, parmi lesquels il compte les œuvres littéraires et les œuvres d’art, ne sont pour lui « que des indices au moyen desquels il faut reconstruire l’individu visible ». […] Et en 1209, un Concile provincial, réuni à Paris, interdit de lire ou d’expliquer dans les écoles publiques ou privées de la ville la Physique d’Aristote et les commentaires de ce traité.

427. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « De la retraite de MM. Villemain et Cousin. » pp. 146-164

Guizot raconte dans sa préface comment, en 1820, sortant des affaires où il était entré en seconde ligne avec ses amis les doctrinaires d’alors, il crut devoir entreprendre d’expliquer dans son cours l’origine et les principes du gouvernement que lui et ses amis avaient essayé de pratiquer : même quand il fait de l’histoire, M.  […] On s’expliquerait peu, en lisant ces volumes de M.  […] je crains que La Rochefoucauld, bien compris, n’ait en définitive raison ; car, sans nier l’élan de l’amour-propre sous sa forme sublime et glorieuse, et en se bornant à l’expliquer, c’est précisément au solennel qu’il en veut dans l’habitude de la vie, c’est à toutes les comédies même sérieuses, à toutes les emphases et à tous les charlatanismes ; il les voit, il les perce à jour, il les remet à leur place d’un mot.

428. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre III : La littérature du xviiie et du xixe  siècle »

Une si puissante action ne peut s’expliquer que par un grand génie, génie auquel ont manqué la sérénité, la pureté, le naturel, mais qui ne doit pas être classé au dernier rang des grands hommes. […] Ainsi le principe des vérités générales explique les beautés de nos écrivains, il en explique aussi les défauts.

429. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Seconde partie. Des mœurs et des opinions » pp. 114-142

Cette réconciliation cesse, par une raison contraire à celle qui plaça, dans les sociétés anciennes, les mœurs et les opinions sur deux lignes différentes, et que la suite de cet écrit expliquera. […] Ce que je dis ici n’est point pour accuser la noblesse française ; car, si je voulais approfondir la question, j’aurais trop de choses à expliquer : il faudrait remonter à toutes nos origines, montrer que notre système social fut, dès son berceau, fondé sur des données toutes différentes de celui de l’Angleterre ; énumérer tous les privilèges des provinces et des corporations, qui venaient continuellement tempérer chez nous tous les dédains d’une constitution purement féodale, et en renverser les barrières ; il faudrait enfin en venir à apprécier toutes nos libertés antérieures à la révolution. […] Cette digression sur la noblesse m’a écarté un peu de ma route : je voulais seulement mettre sur la voie d’expliquer pourquoi cette différence entre les mœurs et les opinions se fait sentir avec une telle puissance.

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