Il aimait la réflexion, l’étude, le vrai pour le vrai, le bien pour le bien ; il avait un sentiment de justice, de droiture, de cordialité que rien n’altéra, et qu’il exprime en des termes d’une sensibilité incomparable : Je suis tout accoutumé, disait-il, à cette espèce d’ingratitude ordinaire, qui est l’oubli des bienfaits, qui ne consiste qu’à ne pas rendre le bien pour le bien. […] De tout cela il lui a résulté peu de soif de la justice, et comme il ne se commande rien à lui-même, par facilité de vivre et par habitude de suivre ses penchants, il ne s’est formé aucuns principes de morale, de justice, ni de droit public ; il ne voit ces règles qu’à mesure des occurrences et de l’offre de chaque espèce, ce qui rend nécessairement cette conduite fautive et peu profonde, n’étant conduite que par l’esprit. […] Or rien n’est si à propos que de s’attirer dans le monde la même espèce de considération par où sa race est connue ; il y faut conserver les qualités comme le nom et les armes : d’où je conclus que nous sommes bien étrangers dans le monde par l’intrigue de Cour, et par ce machiavélisme italien qui réussit peu dans les grandes choses, ou y succède mal tôt ou tard.
Et que de variétés effectivement alors, dans cette moitié la plus changeante et ondoyante de l’espèce humaine ! […] — Elle faisait quelquefois à Mme de Boufflers l’honneur d’accepter un souper particulier dans son petit appartement, espèce d’entresol dans les attiques du château. […] Telle était la personne qui était généralement tenue pour l’oracle du goût et de l’urbanité, celle qui exerçait, on l’a dit, une espèce de police pour le ton et l’usage du monde, le censeur de la bonne compagnie durant les belles années de Louis XVI.
Après avoir fait un bon souper du reste de notre mouton d’El-Arich, après nous être bien couchés sur nos tartelettes de lit, après nous être laissé aller au plus délicieux sommeil, tout à coup nous nous réveillons flottants et soulevés par l’eau ; un orage affreux venait d’éclater, et, dans quelques minutes, le lieu charmant que nous avions choisi, maigre quelques charognes qui en faisaient l’ornement, se transforma en une espèce de naumachie, de laquelle nous sommes sortis de nos personnes, mais laissant tous nos effets prenant une leçon de natation. […] L’ange Gabriel ne nous eût pas fait plus de plaisir avec ses formes divines que cette espèce de Sangrado quand il nous apparut. […] je ne vois que des maisons de bois et des espèces de grosses tourtes entourées plus ou moins de chandelles qu’on appelle mosquées et minarets, mais rien de ce pittoresque, rien de cette originalité de cette belle Syrie, rien de cette brutalité de l’homme qui donne du charme et fait ressortir les œuvres de la civilisation ; tout est rond, tout est mou, c’est le sérail de la pensée ; enfin je me sens énervé, et il ne faudrait pas longtemps pour que mes idées prissent du ventre comme tous les vilains Turcs que je rencontre dans les rues. » Et dans un mouvement lyrique relevé de jurons militaires, il se met tout d’un coup à les apostropher, à les traiter comme à une descente de barrière on traiterait des Turcs de mardi gras ; c’est tout un feu d’artifice d’injures qui se couronne par un bouquet en faveur des Arabes : « Chers Arabes, votre pou, votre puce (quoique souvent incommode), valent mieux que les parfums de vos indignes ennemis !
Il y eut dix années, où, à partir de 1837, il s’empara de la curiosité publique, de la vogue ; et lui et Balzac, ils se mirent à peindre, à silhouetter dans tous les sens la société à tous ses étages, le monde, le demi-monde et toutes les espèces de mondes. ; ils prirent la vie de leur temps, la vie moderne par tous les bouts. […] Ce qui est également vrai et l’un des traits les plus essentiels à noter chez Gavarni, c’est l’humanité : il est satirique, mais il n’a rien de cruel ; il voit notre pauvre espèce telle qu’elle est et ne place pas très-haut sa moyenne mesure : il ne lui prête rien d’odieux à plaisir. […] En un mot, Gavarni résumant sa philosophie morale répéterait volontiers, pour son compte, avec ces deux bons vieux qui descendent de quelque barrière : « Vois-tu, Sophie, il n’y a que deux espèces de monde, les braves gens et puis les autres.
C’est, comme le titre l’indique, un journal, une espèce de livre de bord, exactement tenu par un homme du métier (Jean-Bon avait été marin), par un homme de bon sens, et qui rend compte jour par jour de tous les mouvements, des ordres donnés et plus ou moins bien — et souvent fort mal — exécutés, depuis la sortie de la flotte de la rade de Brest le 16 mai au soir, jusqu’à sa rentrée dans cette rade le 11 juin suivant. […] Nous traversâmes toute la ville de Smyrne au milieu d’une foule immense de peuple, qui ne se permit aucune espèce d’injures ni d’apostrophes contre nous. […] Le fanatisme le plus hostile et le plus stupide trouvait moyen de se diversifier encore à ses yeux et de lui permettre d’y mesurer des degrés : « Nous nous trouvions transplantés dans un pays barbare ; et par la bizarrerie de notre destinée, ce pays, habité par deux espèces d’hommes animés les uns contre les autres d’une haine mortelle, ne nous offrait dans tous que des ennemis également furieux contre nous.
Sans doute (et c’est lui plaire que de le dire), la renommée de son illustre frère est pour beaucoup dans cette espèce de popularité charmante qui s’en détache avec tant de contraste. Les paradoxes éloquents, la verve étincelante et les magnifiques anathèmes de son glorieux aîné ont provoqué autour de cette haute figure une foule d’admirateurs ou de contradicteurs, une espèce d’émeute passionnée, émerveillée ou révoltée, une quantité de regards enfin, dont a profité tout à côté, sans le savoir, la douce étoile modeste qui les reposait des rayons caniculaires de l’astre parfois offensant. […] Il n’en fut pas aussi satisfait que moi : la douleur aride et quelquefois rebelle du Lépreux lui paraissait, me dit-il, comme une autre lèpre qui desséchait son âme ; cet infortuné (ajoutait-il), révolté contre le sort, n’offrait guère à l’esprit que l’idée de la souffrance physique, et ne pouvait exciter que l’espèce de pitié vulgaire qui s’attache aux infirmités humaines.
Ampère, en se livrant même éperdument à ces excursions lointaines et parfois presque sauvages, dut à l’espèce d’idéal poétique que caressa toujours son imagination, de ne jamais renoncer aux monuments des grands siècles, d’en garder le goût, et d’en maintenir le culte en lui avec une religion très-tolérante sans doute, pourtant très-sincère. […] Ampère a rappelé la Chine à propos d’Ausone et de ses périphrases : « Il existe entre les lettrés, a-t-il dit, surtout quand ils écrivent en vers, une langue convenue comme celle des précieuses, et dans laquelle rien ne s’appelle par son nom. » Le Père Garasse sent si bien qu’il est sujet à cette espèce de chinoiserie de style, qu’en tête de sa Somme thèologique, voulant être grave, il avertit qu’il tâchera d’écrire nettement et sans déguisement de métaphores ; ce qui n’est pas chose aisée, ajoute-t-il, « car il en est des métaphores comme des femmes, c’est un mal nécessaire. » Le Père Lemoyne de la Dévotion aisée n’est pas moins ridicule (et dans le même sens) que le plus mauvais des rimeurs allégoriques du ive siècle. […] L’espèce de renaissance chrétienne, qui eut lieu au commencement du xviie siècle, refit comme un contraste frappant et primitif de la pensée monastique austère avec la littérature mondaine.
Enfin un respect les entoure, presque involontaire chez ceux qui le leur témoignent ; ils lisent presque à chaque instant, dans les yeux, dans les gestes, dans toute l’attitude de ceux qui les approchent et même des personnes les plus considérables, qu’ils sont d’une espèce supérieure et privilégiée. […] Dans tous les cas, les facultés dont est composé le génie d’un soldat sont presque toujours d’une espèce assez humble ; le degré seul en est quelquefois éminent. » Ainsi raisonne-t-on à l’âge heureux où l’on a toutes les impertinences. […] Et de fait, cette espèce de génie-là ne se rencontre pas plus fréquemment que les autres.
Mieux placé que la Rochefoucauld, qui, durant l’âge où se formait le trésor de ses pensées, n’avait vu que la cour et les grands seigneurs, ou cette espèce d’hommes avides ou crédules qu’on appelle les hommes de parti, La Bruyère, par son emploi, avait vue sur la cour, et, par sa condition, sur la ville, et il mêlait dans ses peintures les grands et les petits. […] C’est par ces traits communs à l’espèce humaine que chaque individu se reconnaît dans tous les caractères. […] Il n’en veut pas à ses originaux, même à ceux de la pire espèce, et, comme Tacite, à qui ne déplaisaient pas les sujets sombres où il excelle, il ne hait pas ce qu’il peint avec tant de bonheur.
Il guérit, et ne quitta son lit de moribond que pour passer au séminaire des Missions étrangères, et du séminaire aux Indes comme une espèce d’apôtre. […] Choisy a, de plus, cette espèce de courage d’esprit qui s’allie très bien avec la légèreté. […] Durant trente-sept ans que l’abbé de Choisy vécut encore (1687-1724), il ne cessa de composer et d’écrire sur toute espèce de sujets ; il le faisait sans prétention, avec un agrément qui ne sentait pas l’érudition ni l’étude, et qui n’excluait pourtant pas certaines recherches.