Les théogonies indienne, persane, égyptienne, biblique même, qui toutes présentent au commencement une sorte de matière confuse et inorganique, nommée chaos, sur laquelle Dieu opère, en apparaissant, la forme, la vie, l’ordre, la lumière, la beauté, ont donné l’exemple de cette erreur. […] Il attribue la ruine future de son institution à l’erreur des magistrats, qui n’auront pas suffisamment bien accouplé les pères et les mères des générations à naître. […] Dans toutes les erreurs sociales du monde, vous retrouverez une réminiscence de Platon !
Mais plus de mesure dans l’attaque, l’art de s’y faire des auxiliaires, plus de vérités de détail parmi les mêmes erreurs, des idées justes sur les arts écrites dans une prose aisée, l’honneur d’avoir travaillé sous Colbert aux merveilles de Versailles, des contes où le précieux même n’est pas sans grâce, tout cela, sans rendre la cause meilleure, diminue le ridicule de l’avocat. […] On sent dès ce temps-là l’homme qui aimera mieux la vérité que l’erreur, mais qui préférera toujours ses aises à la vérité. […] Le doute de Bayle ne s’impose pas, ne régente personne, honore dans les opinions la liberté de la pensée, dans les erreurs le droit de chercher la vérité, ne blâme que les persécuteurs, et prend plaisir à tout.
Quelle erreur ! […] Erreur de fait, non de principe, et ridicule aussi, un peu moins grave pourtant. […] Ses erreurs de métrique sont bien à lui. […] Brunetière a imaginé cette définition du romantisme qui est devenue un cliché, et a toujours été une erreur. […] La science, qui détruit tant d’erreurs, nous fait donc avancer, et non piétiner sur place.
Je ne parle que pour mémoire de la comédie de Regnard, — Les Ménechmes, Les Folies amoureuses, Le Légataire universel, — dont la moindre erreur est de se croire nouvelle en retournant, après cinquante ans, aux lazzi et aux imbroglios de la comédie italienne. […] Cousin a jetées dans la circulation littéraire. — Que la diversité de ces interprétations ne procède : — que de l’état de mutilation où nous sont parvenues les Pensées ; — de l’erreur que l’on commet en y voulant voir une espèce de « confession » de Pascal, tandis qu’elles ne sont que les matériaux d’une « Apologétique » ; — et du peu d’attention que l’on donne à la succession des époques de la vie de Pascal. […] Pourquoi il convient d’en étudier d’abord la langue, et qu’il y en a deux raisons au moins ; — parce que c’est presque le seul point sur lequel on « chicane » encore aujourd’hui Molière ; — et puis, parce que c’est d’abord comme écrivain qu’il fait contraste avec tous ceux qui l’ont précédé, sauf Pascal. — Erreur d’Alexandre Dumas quand il croit qu’on reprocherait à Molière l’enchevêtrement de ses qui et de ses que [Cf. préface d’Un père prodigue]. — On lui reproche au contraire — de n’avoir pas le style organique [Scherer] ; — de s’embarbouiller dans ses métaphores [Scherer, Fénelon, La Bruyère] ; — de cheviller « abominablement » [Scherer] — et d’être souvent incorrect [Vauvenargues, Bayle, La Bruyère]. — On peut répondre : que beaucoup de ses incorrections n’en sont pas, non plus que celles que Voltaire trouve à blâmer dans Corneille [Cf. son Commentaire] ou Condorcet dans Pascal [Cf. […] Segrais, Les Divertissements de la princesse Aurélie]. — 2º L’imitation de la réalité vivante se substitue aux combinaisons du romanesque. — Du mot de Fontenelle sur les caractères des personnages de Racine, « qui ne sont vrais, dit-il, que parce qu’ils sont communs » ; — et qu’en voulant critiquer Racine on ne saurait mieux le louer. — Les héros de Racine nous ressemblent ; — son invention est plus hardie que celle de Corneille de tout ce que ses sujets ont de plus ordinaire ; — de plus voisin de nous ; — de plus semblable à ce qui se passe autour de nous tous les jours. — D’une erreur de Taine à ce sujet [Cf. […] Le Dictionnaire historique et critique. — La première intention du Dictionnaire [Cf. le projet de 1692] ; — et qu’elle était d’un pur érudit ; — n’ayant en vue que de dépister et de rectifier les erreurs des autres Dictionnaires. — Mais le projet se transforme en avançant ; — des rancunes s’y mêlent ; — et Bayle s’avise que « la découverte des erreurs n’est ni importante ni utile à la prospérité des États ». — Il contracte en outre, dans une étude plus approfondie des systèmes et de l’histoire, l’espèce de scepticisme que cette étude engendre ; — et, à cet égard, comparaison de Bayle et de Montaigne. — Mais il est encore plus frappé, — depuis que Descartes a passé par là, — des obstacles que les préjugés, la coutume, la tradition, — opposent aux progrès de la raison ; — et, insensiblement, d’une « chambre d’assurances de la république des lettres contre l’erreur » ; — le Dictionnaire devient l’arsenal du rationalisme.
« Ce n’est pas le monde en soi, c’est le monde en tant que représentation, donc en tant qu’erreur, qui a de l’intérêt pour nous. […] Tous les jours de sa vie, le malheureux s’est imaginé qu’il était enfin guéri de l’erreur et de l’incertitude3. […] Freeman injuriait ; Froude répliquait le plus galamment du monde, signalant seulement à son adversaire telle ou telle erreur qu’il venait de commettre. […] La vérité est qu’en douze volumes, j’ai laissé passer cinq erreurs ; et chacun de ces malheureux en commet au moins douze pour découvrir une des miennes. » Cinq erreurs, sur douze volumes, ce n’était, guère, en effet ; mais peut-être Froude, en affirmant cela, commettait-il une erreur de plus. […] Mais, chose singulière, ces erreurs de détail s’accompagnent chez Froude d’une netteté et d’une justesse d’impression admirables.
Etienne n’a donc pas toute l’exactitude qu’on a droit d’attendre d’un si grand homme ; c’est que les esprits les plus éclairés peuvent encore tomber dans l’erreur, mais ils ne doivent rien perdre pour cela de la considération qui est dûe aux talens. […] L’erreur que nous combattons ici n’est pas nouvelle ; elle prend sa source dans les ouvrages des anciens grammairiens. […] Cette maniere d’envisager l’hellénisme, peut faire tomber les jeunes gens dans la même erreur qui a déjà été relevée à l’occasion du mot gallicisme ; savoir que les hellénismes ne sont qu’en latin. […] Cet adjectif n’est pas le seul mot qui puisse occasionner cette espece d’erreur : car, comme l’a très-bien remarqué M. d’Alembert, article […] L’hypallage ne [doit] pas prêter son nom aux contre sens & aux équivoques ; autrement tout seroit confondu, & cette [prétendue] figure deviendroit un azile pour l’erreur & pour l’obscurité ».
Dans une de ses poésies écrites loin de Milly, Lamartine avait parlé par erreur d’un lierre qui tapissait le mur de la maison ; il n’en existait point : par une inspiration délicate, sa mère planta le lierre absent et fit du mensonge une vérité. La foule, aidée par le temps, agit comme cette mère : elle achève l’œuvre du poète, elle fait des vérités de ses erreurs. […] La plupart de ses erreurs consistent, en somme, à antidater les manifestations particulièrement honorables de son génie et de son âme, à se voir déjà semblable, dans le passé, à ce qu’il est dans le présent. […] Et, sauf erreur, c’est bien ce qu’on appelle le symbolisme, et c’est ce que Lamartine offre presque à chaque instant. […] Seulement, nous en sommes loin, très loin… Lamartine est de ceux qui ont le plus fortement cru et le plus répété que la civilisation industrielle est la grande erreur, le grand péché de l’humanité.
L’expérience a beau dire « c’est faux » et le raisonnement « c’est absurde », l’humanité ne s’en cramponne que davantage à l’absurdité et à l’erreur. […] Qui sait même si les erreurs où elle a abouti ne sont pas les déformations, alors avantageuses à l’espèce, d’une vérité qui devait apparaître plus tard à certains individus ? […] Seule, la perception de la cage vide l’eût tirée de son erreur ; mais cette perception serait arrivée trop tard, l’acte consécutif au raisonnement juste étant déjà commencé. […] Les formes intermédiaires, qui se développèrent dans les civilisations antiques, ne pourraient qu’induire en erreur la philosophie de la religion si elles faisaient croire qu’on a passé d’une extrémité à l’autre par voie de perfectionnement graduel : erreur sans doute naturelle, qui s’explique par le fait que la religion statique s’est survécu en partie à elle-même dans la religion dynamique. […] Il n’est pas d’erreur ni d’horreur où ne puisse conduire la logique, quand elle s’applique à des matières qui ne relèvent pas de la pure intelligence.
Mais un égotiste, avec une éducation moins civique et plus sentimentale ne comprendrait pas cette beauté fruste et naturiste, car à la moindre parole que prononcerait notre homme, il se montrerait aussitôt extrêmement froissé par ses erreurs de langage. […] Dans ses justes revendications, comme dans ses erreurs, il fut exalté et sincère, passionné jusqu’à la souffrance. […] Le poète d’Eurythmie, des Lavandières, des Étoiles Filantes possède ce rare privilège d’avoir été l’instigateur d’un mouvement dont il ne tolère pas les erreurs. […] Mais qu’importent les erreurs d’une époque, puisque seules, les œuvres demeurent, et que Zola et Cézanne, Manet et Monet ont illustré les temps modernes d’une gloire impérissable. […] Ce sera la grande erreur du naturalisme, de nous avoir décrit des aspects provisoires, et de s’être attaché à la pittoresque exactitude des détails.
Erreur peut-être ! — Soit, répond Hugo : — « Prendre pour devoir une erreur sévère, cela a sa grandeur144. » Mais, selon lui, c’est le devoir qui, loin d’être l’erreur, est la révélation même du vrai : Regarde en toi ce ciel profond qu’on nomme l’âme : Dans ce gouffre, au zénith, resplendit une flamme ; Un centre de lumière inaccessible est là. […] Que sert de chicaner ses erreurs, son chemin, Ses retours en arrière, à ce nuage humain, A ce grand tourbillon des vivants, incapable, Hélas ! […] — « Qui n’a vu que la misère de l’homme n’a rien vu, il faut voir la misère de la femme ; qui n’a vu que la misère de la femme n’a rien vu, il faut voir la misère de l’enfant. » On dit que l’esclavage a disparu de la civilisation européenne ; c’est une erreur, répond Hugo : il existe toujours ; « mais il ne pèse plus que sur la femme, et il s’appelle prostitution. » Qui a vu les bas-reliefs de Reims se souvient du gonflement de la lèvre inférieure des vierges sages regardant les vierges folles. « Cet antique mépris des vestales pour les ambubaïes, dit Hugo, est un des plus profonds instincts de la dignité féminine230… » Quand il parle de la hardie fille des rues, Eponine : « Sous cette hardiesse, dit-il, perçait je ne sais quoi de contraint, d’inquiet et d’humilié.