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412. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Féletz, et de la critique littéraire sous l’Empire. » pp. 371-391

Le public des honnêtes gens (entendez ce mot aussi largement que vous voudrez) est disposé à lui prêter main-forte. […] Il me semble entendre un de ces personnages du troisième ordre dans Molière, un de ces bons bourgeois qui s’en donnent à gorge chaude, et à qui la gueule, comme on disait alors, ne fait pas faute. […] Pourtant il l’entendait. […] On trouverait pourtant de justes remarques de lui dans ce qu’il dit des romans de Walter Scott, pour lesquels on était alors fort monté sans vouloir entendre à aucune restriction. […] Sa politesse extrême, que ses nombreuses relations entouraient de mille liens, n’empêchait pas la raillerie, quand elle avait à sortir, de se glisser dans ses articles je ne sais comment, dans le tour, dans la réticence ; il savait faire entendre ce qu’il ne disait pas.

413. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. » pp. 103-122

On ajoutait que sa mère l’avait mis au monde au coin d’une borne dans la rue de La Harpe, faisant entendre que c’était de là que lui venait son nom. […] Dans une prière ou Élévation à Dieu, on l’entend s’écrier : « À qui aviez-vous fait plus de bien qu’à moi, ô mon Dieu ? […] C’est de sa prison qu’il adressait une certaine Épître à Zélis, qu’on nous donne pour la première en date de ses compositions poétiques ; il finissait en invoquant la nuit pour remède à ses maux et en appelant quelque songe consolateur ; Ô Zélis, tu ne m’entends pas, Mais j’oublierai mon infortune En la pleurant entre tes bras ! […] Dès qu’on veut entrer à son tour dans ce genre de littérature un peu convenu et circonscrit du xviiie  siècle pour en juger en détail et avec proportion, on ne saurait mieux faire que d’entendre La Harpe ; j’en ai mille fois profité. […] Entendons-nous bien : ne demandons à La Harpe aucune de ces vues supérieures qui sortent de certaines habitudes et de certaines limites, et qui supposent des comparaisons neuves et étendues.

414. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — I. » pp. 322-340

J’étais alors substitut à Tours ; on vint me chercher de Véretz au milieu de la nuit ; j’arrivai à l’aube… » Et j’entendis alors un récit vrai, simple, attachant, dramatique, qui me remit en mémoire cette singulière et originale figure, et qui me tente aujourd’hui de la retracer. […] En général, il ne faut prendre ces maximes, ces aphorismes littéraires de Courier que comme les saillies extrêmes d’un goût excellent ; c’est au jugement de chacun ensuite à les entendre sobrement et à les réduire. […] Tranchons le mot : il y a un héroïsme et une géométrie qui s’entraident l’une l’autre, et qu’il n’entend pas. […] Des personnes, qui ont vu ces pièces, en ont emporté une impression qui est un peu autre, m’assure-t-on, que celle des lecteurs de la brochure ; les simples lecteurs, en effet, qui n’entendent qu’une des parties, ont peine à ne pas donner raison à Courier. […] [NdA] Quand je dis que Courier est plus hardi que Gray, cela doit s’entendre de la hardiesse à se produire et à tenir tête au monde ; car, en ce qui est du goût, Gray a plus de hardiesse que Courier.

415. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le président de Brosses. Sa vie, par M. Th. Foisset, 1842 ; ses Lettres sur l’Italie, publiées par M. Colomb, 1836. » pp. 85-104

Cette diverse et joyeuse bande prit tout d’une voix de Brosses pour secrétaire, le chargeant d’écrire les détails du voyage aux amis de Dijon, à toute une aimable et franche coterie bourguignonne, le gros Blancey, le bon Quintin et d’autres encore, même d’aimables dames, qui savaient, comme autrefois, être de très honnêtes femmes et entendre le mot pour rire. […] Les Italiens modernes eux-mêmes, quand ils s’en mêlent, lui paraissent entendre le faste mieux que les Français : Ce que nous appelons le plus communément en France, dit-il, faire une grande figure, avoir une bonne maison, c’est tenir une grande table. […] Ce genre de vanité n’est-il pas mieux entendu que l’autre ? […] De même en littérature, le poète qu’il aime par-dessus tout est l’Arioste : L’Arioste fait mes délices perpétuelles ; je ne puis le quitter depuis que je suis en état de l’entendre. […] Là-dessus il m’arrêta en me disant que César entendait mieux le dénouement que Molière ; qu’il avait eu l’esprit de se faire tuer au moment du comble de sa gloire, dans le temps qu’il allait peut-être la risquer contre les Parthes, et qu’il était mort la montre à la main.

416. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une préface abandonnée » pp. 31-76

… il est facile de prouver que, si Hugo n’avait point écrit Hernani, Baudelaire n’aurait pas fait des queues de six heures devant la Porte-Saint-Martin pour entendre le chef-d’œuvre ; si Baudelaire n’avait pas fait queue, il ne serait point entré ; et, s’il n’était pas entré, il n’aurait pas entendu. […] Attendez-vous, quand il portera sa dernière chemise au mont-de-piété, à l’entendre s’écrier dans une attitude théâtrale : « Vertu, tu n’es qu’un nom !  […] Il serait temps cependant de s’entendre sur la portée exacte de cette expression. […] me voilà forcé d’expliquer ce que j’entends par le style. […] nous sommes bien loin du réalisme et bien près de la poésie), dont l’originalité consiste dans le coudoiement perpétuel de l’esprit et du sentiment : ils vont toujours de compagnie à travers son œuvre, — l’un prodiguant ses éclats de rire ironiques, et l’autre ses intarissables pitiés, — comme dans Alfred de Musset et dans Alphonse Karr, avec des diversités, bien entendu.

417. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Marsolleau, Louis (1864-1935) »

La chair et l’âme se font entendre à la fois dans son livre très personnel et où le poète s’est mis lui-même tout entier sans arrière-pensée, avec la sincérité de sa jeunesse. […] Laurent Tailhade Louis Marsolleau qui, si vigoureusement, fit entendre aux oreilles du mufle agrégé en société la trompette vengeresse de l’immanente justice et des prochaines revendications.

418. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Perroneau » p. 172

Un mot là-dessus suffit à qui sait entendre, une page de plus n’apprendrait rien aux autres ; c’est une chose à sentir. […] Il est ressemblant, mais il a l’air ivre, ivre de vin, s’entend ; et l’on jurerait qu’il lit quelques chants de sa neuvaine à des filles.

419. (1940) Quatre études pp. -154

Puisque la nature fait entendre sa propre voix, et que cette voix n’est pas d’accord avec les appels, les plaintes, et les sanglots des hommes, il la renie. […] Il répond à tous les messages de l’immense nature ; il entend ses mélodies ailées ; il vit avec la terre, avec la lumière, avec l’éther, père de toutes choses. […] Évanoui, il entend des voix qui racontent son histoire, et qui disent que son expiation n’est pas finie. […] La Fiction survint bientôt avec les Figures : j’entends les Figures hardies, et telles que l’éloquence n’oserait les employer. […] Au contraire, il entend jouir du voyage, d’abord, dans une allégresse commune à sa chair et à son esprit.

420. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « Mme DESBORDES-VALMORE. (Pauvres Fleurs, poésies.) » pp. 115-123

Il y a des souvenirs d’enfance, la Maison de ma Mère : Et je ne savais rien à dix ans qu’être heureuse ; Rien que jeter au ciel ma voix d’oiseau, mes fleurs ; Rien, durant ma croissance aiguë et douloureuse, Que plonger dans ses bras mon sommeil ou mes pleurs ; Je n’avais rien appris, rien lu que ma prière, Quand mon sein se gonfla de chants mystérieux ; J’écoutais Notre-Dame et j’épelais les cieux, Et la vague harmonie inondait ma paupière : Les mots seuls y manquaient ; mais je croyais qu’un jour On m’entendrait aimer pour me répondre : Amour ! […] Témoin des troubles civils de Lyon en 1834, Mme Valmore a pris part à tous ces malheurs avec le dévouement d’un poëte et d’une femme : Je me laisse entraîner où l’on entend des chaînes ; Je juge avec mes pleurs, j’absous avec mes peines ; J’élève mon cœur veuf au Dieu des malheureux ; C’est mon seul droit au ciel, et j’y frappe pour eux Elle frappa à d’autres portes encore ; et son humble voix, enhardie dès qu’il le fallut, rencontra des cœurs dignes de l’entendre quand elle parla d’amnistie.

421. (1874) Premiers lundis. Tome I « M.A. Thiers : Histoire de la Révolution française Ve et VIe volumes — I »

Que si l'on entend par là désigner l’absence de tout pouvoir supérieur, de toute autorité souveraine, on se méprend fort ; car jamais gouvernement, quel qu’il fût, monarchie ou dictature, ne fut plus exigeant, ni plus obéi que la Convention d’alors et ses comités ; et, plus on avance dans cette sombre époque, ou, en d’autres termes, plus cette prétendue anarchie augmente, plus aussi la force du pouvoir se centralise et s’accélère dans sa marche irrésistible. […] Saisie par eux des affaires, elle ne se réunit que pour entendre, applaudir, adopter leurs rapports et conclusions. […] Dès qu’elles devinrent sérieuses, la Convention les réprima ; car elle n’entendait pas être distraite, ni encore moins être dépassée.

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