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1246. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLe entretien. L’homme de lettres »

Pendant qu’elle parlait ainsi, M. de Saint-Pierre avait bien de la peine à lui cacher les siennes ; il admirait comment la seule confiance en Dieu empêchait cette bonne vieille de sentir son malheur, et il l’entendait avec surprise, du sein de la plus profonde misère, remercier la Providence de ses bienfaits. […] Il débarqua à Madagascar vers la mauvaise saison, qui commence à la mi-octobre ; et peu de temps après son arrivée il y mourut des fièvres pestilentielles, qui y règnent pendant six mois de l’année, et qui empêcheront toujours les nations européennes d’y faire des établissements fixes. […] Dans les villes d’Europe, une rue, un simple mur, empêchent les membres d’une même famille de se réunir pendant des années entières ; mais dans les colonies nouvelles, on considère comme ses voisins ceux dont on n’est séparé que par des bois et des montagnes. […] Je dis à ces deux dames qu’il convenait, pour l’intérêt de leurs enfants, et surtout pour empêcher l’établissement de quelque autre habitant, de partager entre elles le fond de ce bassin, qui contient environ vingt arpents.

1247. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1871 » pp. 180-366

Cette nuit, je passe une partie de la nuit à ma fenêtre, empêché de dormir par la canonnade et la fusillade autour d’Issy. […] Il a fait nommer les bons enfants : c’est-à-dire des officiers qui, lorsqu’ils n’encouragent pas tout, n’empêchent rien. […] Le canon m’avait empêché de dormir toute la nuit, et j’étais encore sous mes draps, dans un engourdissement de fatigue. […] Le gros peintre Marchal, que le siège n’a pas fondu, empêche, costumé en garde national, les voitures de passer. […] Il déclare qu’il a dû combattre et empêcher une proposition qui voulait se produire : — une proposition demandant la destruction de Notre-Dame-de-Paris.

1248. (1932) Les idées politiques de la France

Et, que nous le disions aujourd’hui, n’empêche que le fait ne remonte beaucoup plus loin, au temps où des laïques catholiques ont commencé à prendre sur le public catholique, en des matières qui sont de la religion ou qui y touchent, une influence sensible. […] » Et ni l’un ni l’autre ne nous empêchent de tenir à nos idées et à nos amis. […] Entre le traditionalisme et lui, il y a cependant cette différence, que les systèmes traditionalistes, appartenant à l’idéologie conservatrice ou restauratrice, ne contractent d’union matérielle, ne fondent de foyer, n’ont des enfants, qu’avec les classes aristocratiques et bourgeoises ; ils trouvent, depuis Bonald jusqu’à Maurras, leur milieu le plus favorable soit dans la grande propriété, soit dans le loisir, ou dans des lettres (ce qui ne les empêche pas d’attirer une frange, toujours un peu extérieure, d’éléments prolétariens). […] Dans l’hétairocratie de gauche un fait capital est ceci : que les comités socialistes qui sont à gauche des comités radicaux en aspireraient une fraction notable, si les radicaux s’alliaient aux modérés, exactement comme la participation des socialistes au pouvoir, souhaitée en haut par une partie des chefs, fut empêchée par la majorité des cadres, lesquels eussent vu une partie de leurs militants les quitter pour aller sinon aux cellules, tout au moins aux attitudes et aux votes communistes (demain aux pupistes). […] Certaine faiblesse idéologique de la démocratie chrétienne, qui la condamne un peu à l’oratoire, et la laisserait souvent flotter dans l’incertain, ne saurait l’empêcher de jouer sa partie dans la vie politique.

1249. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

Attachée à la aime d’un arbre, elle empêche les fruits de tomber prématurément. […] Les unes empêchent la conception, et les autres la favorisent. […] Il l’utilise comme le principe même de la concurrence ; elle joue dans son état idéal le rôle que peut jouer, dans un état réel, une opposition active et intelligente ; elle empêche le pouvoir de s’endormir. […] Cela n’empêche pas que l’on ne puisse, en de tels traités, aphoristiques ou méthodiques, logiques ou décousus, faire preuve de talent, d’ingéniosité, de philosophie. […] Ceux-ci défendent à leurs concurrents l’approche des rois, et de même les préjugés empêchent les vérités de parvenir jusqu’à l’esprit, de peur de perdre l’empire qu’ils usurpent sur lui. » Un des préjugés les plus répandus est qu’il est impossible d’atteindre le bonheur ; comme cela ne nous empêche pas de le désirer, une telle idée corrompt la vie et la rend souvent insupportable.

1250. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

On nous avait fort dissuadés d’entreprendre ce voyage, nous assurant qu’à cette époque de l’année le froid serait terrible sur les hauteurs, et surtout que nous y trouverions un brouillard qui nous empêcherait de rien voir. […] nos pieds nous ne voyons d’abord qu’un épais massif de hêtres qui, comme au temps de Laffi, et malgré l’absence de feuilles, nous empêche d’apercevoir l’ancien hospice, situé cependant à peine à un quart de lieue. […] Rien n’empêche, d’autre part, qu’un des auteurs qui ont travaillé à notre poème, ou un pèlerin qui lui aura conté son voyage, ait vu et remarqué, en franchissant le col, un pin près de la chapelle de Charlemagne. Mais, à vrai dire, rien n’empêche non plus que le pin de la chanson soit tout bonnement un « arbre poétique », et n’ait déployé son dôme de sombre verdure que dans l’imagination d’un poète inconnu. […] Ce qui me consolait un peu de ma déconvenue, c’est ce que notre ami nous avait rapporté : l’entrée du couloir souterrain est aujourd’hui fermée par une énorme pierre, placée là, nous dirent les naturels du pays, pour empêcher les fées de sortir.

1251. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

… » Les humanistes sont encore ceux qui, en assistant à un drame, ne peuvent s’empêcher de songer que tout de même la tragédie avait plus de tenue. […] La baronne de Il ne faut jurer de rien est trop attentive à sa partie de whist ou trop occupée à chercher son peloton de laine pour empêcher sa fille de recevoir des billets doux ou de courir la nuit à un rendez-vous. […] Il y a des systèmes d’éducation où tout est combiné pour empêcher l’enfant de devenir un homme. […] Mais cela n’empêche pas qu’elle ne soit précieuse, utile et telle qu’on pouvait la souhaiter. […] Les meilleures pièces de Verlaine sont gâtées par ces défaillances de l’expression : cela suffirait à les empêcher de durer.

1252. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

Mme Valmore ne peut s’empêcher d’y applaudir ; elle ne se raisonne pas, elle suit son élan ; elle a l’âme populaire ; elle était pour les souffrants, pour les opprimés et les mitraillés à Lyon, en 1834 ; elle était de tout temps pour les condamnés politiques, sans distinction de parti, que ce fût M. de Peyronnet ou Raspail, pour tous ceux dont elle entendait la plainte à travers les barreaux ; elle est pour eux encore le jour où elle se figure que le peuple triomphe et se délivre ; elle a son hymne du lendemain : « (1er mars 1848)… L’orage était trop sublime pour avoir peur ; nous ne pensions plus à nous, haletants devant ce peuple qui se faisait tuer pour nous. […] Rien ne se guérit dans mon triste cœur : mais aussi rien n’y sèche, et tout est vivant de mes larmes. » Cette dernière sœur elle-même mourait ; la mesure des deuils était comblée, et il y eut des moments où, dans sa plénitude d’amertume, l’humble cœur sans murmure ne put s’empêcher toutefois d’élever des questions sur la Providence, comme Job, et de se demander le pourquoi de tant de douleurs et d’afflictions réunies en une seule destinée : « (30 janvier 1855)… J’ai depuis bien longtemps la stricte mesure de mon impuissance ; mais tu comprends qu’elle se fait sentir par secousses terribles quand je sonde l’abîme de tout ce qui m’est allié par le cœur et par la détresse.

1253. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « MÉLEAGRE. » pp. 407-444

Pourtant, lorsque je lis ces noms nouveaux de Rufinus, de Paul le Silentiaire, du consul Macédonius et de bien d’autres, je me sens toujours en garde ; malgré le dédain persistant et la prévention bien établie du goût grec contre l’influence romaine, je ne puis m’empêcher de soupçonner le mélange. […] et qu’est-ce qui empêche d’entr’ouvrir de la sorte, non dans la forme savante et philologique qu’on laisse à qui de droit, mais à la vieille manière française, légèrement rajeunie, bien des coins jusqu’ici réservés ?

1254. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Charles Labitte »

Je ne puis m’empêcher de remarquer que cette libre éducation, si peu semblable à la discipline de plus en plus stricte d’aujourd’hui, sous laquelle on surcharge uniformément de jeunes intelligences, est peut-être celle qui a fourni de tout temps aux lettres le plus d’hommes distingués : l’esprit, à qui la bride est laissée un peu flottante, a le temps de relever la tête et de s’échapper çà et là à ses vocations naturelles. […] Je ne puis m’empêcher d’abord de remarquer l’espèce de superstition ou de pédanterie (on l’appellera comme on voudra) qui devient une des manies de ce temps-ci : c’est de vouloir tout traiter et tout remettre en question à l’aide de pièces dites positives, de documents et de procès-verbaux.

1255. (1875) Premiers lundis. Tome III « Les poètes français »

Qu’on relise ses deux ou trois charmantes Épîtres, il n’y a pas d’ode, d’épopée, de grands et sublimes vers qui puissent empêcher cela d’être agréable et joli, et de plaire à des Français. […] Le Roman de la Rose, je l’ai dit, avait jeté l’esprit français dans une route de traverse, où il était empêché depuis près de deux siècles.

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