Il l’est par son culte pour les images, par ses pompes extérieures, sa dévotion luxueuse, son caractère artistique, son adoration, car il les adore, quoiqu’il en dise, de saints régionaux et de vierges locales, qui sont de véritables dieux. […] Le dieu des philosophes antiques, très vague du reste, est fini encore ; il est d’ordinaire conçu surtout comme un démiurge, comme une intelligence supérieure qui a trouvé de la matière sous sa main, qui l’a organisée, mise en branle et qui, plus ou moins, la surveille. […] Le Diable qui tourmentait Saül est nommé esprit mauvais de dieu. […] S’il avait deux volontés, il serait deux Dieux, celui d’avant son changement et celui d’après. […] Dans le monde littéraire il trônait plutôt comme un dieu que comme un roi.
L’Archidruide Katmor, je fais bon marché de lui, et de Bélen, son dieu solaire. […] Pénélope croit que les dieux l’avertissent de n’être pas frivole. […] Apollon la vit, dieu galant, et la rechercha. […] Un jour, ce fut Apollon et la petite Xantho : le dieu pleurait Daphné, mais il priait Xantho de le consoler. […] Elle le traite comme un dieu.
Il s’en affranchit davantage encore quand il substitua des dieux faits à son image aux divinités vagues, diffuses, « ambiantes » en quelque sorte, dont il se sentait enveloppé et qui lui représentaient les forces naturelles. […] Il réduit des dieux ou des héros à n’être que de simples hommes, tout au contraire de Virgile qui fera de César une sorte de pasteur idéal, presque divin, Daphnis23. […] Le chœur des Dieux infernaux dans Alceste est conçu suivant le même principe. […] Trois pierres noires, que bordait un cercle jaune, figuraient trois prunelles à son front, et, comme pour beugler, il levait dans un effort terrible sa tête de taureau163. » Au reste, si l’on veut voir les idoles « de toutes les nations et de tous les âges, en bois, en métal et en granit, en plumes, en peau cousue », où n’a qu’à se référer à la Tentation de saint Antoine, car toutes les divinités du paganisme y défilent depuis le Bouddha, mieux encore, depuis les idoles antérieures au déluge jusqu’aux dieux étrusques et romains, Tagès, Janus, Summanus, Testa, Bellone, le dieu Terme, les dieux rustiques, Sartor, Sarrator, Vervactor, Collina, Vallona, Hostilius, les dieux du mariage, Domiduca, Educa, Potina, Fabulinus, Camaena, Consus : Flaubert nous renseigne à leur endroit avec une abondance d’érudition qui fait honte à la sobriété des Decharme et des Gaston Boissier. […] « Courbet qui n’a pas vu les dieux, qui ne connaît que les hommes, excelle à rendre la beauté physiologique, au sang riche, à la vie puissante et calme183. » M.
Un dieu sans monde serait pour l’homme comme s’il n’était pas ; un monde sans dieu est une énigme incompréhensible à sa pensée et pour son cœur un poids accablant. […] Dans l’Inde, nous avons vu qu’il n’y a point d’histoire, par la raison qu’il n’y a point de liberté, que les hommes ne se prenant au sérieux, ni eux ni leurs actions, ne songent guère à les enregistrer, et que les chefs des peuples représentant les dieux, étant dieux eux-mêmes, la chronologie se confond avec la mythologie, et l’histoire ne peut arriver à une existence indépendante. […] Dieu, considéré sans rapport avec le monde et l’humanité, est déjà sans doute, il est tout entier dans les profondeurs de son essence79 ; mais ce n’est pas encore le dieu du monde et de l’humanité, le dieu que les hommes adorent et bénissent sous le nom de Providence. […] L’homme, ne se croyant pas digne de mémoire, abandonne le monde à l’action des forces de la nature, et l’histoire aux dieux, qui la remplissent seuls. […] Enfin, dans le troisième âge, l’homme sort du héros comme le héros est sorti du dieu, et la société civile arrive à sa forme indépendante.
Mais d’autre part, — nous l’avons vu et nous le verrons mieux encore, — il est nourri de Rousseau, qu’il considère comme un dieu, et dont l’Émile lui paraît un « livre sublime ». […] Il disait, à propos d’Épiménide : « Il bâtit des temples aux dieux, leur offrit des sacrifices et versa le baume de la religion dans le secret des cœurs. […] Chateaubriand a préféré la seconde donnée, sans doute parce que la lutte de la nature et de la foi, la lutte des dieux et de Dieu devait avoir plus de grâce et de poésie dans une âme de jeune fille. […] Dans ces pages écrites pour démontrer la supériorité du merveilleux chrétien, les diables ne sont intéressants que s’ils ressemblent aux dieux païens. […] Si les dieux sont des démons, si les péchés sont les dieux de l’Olympe, les péchés sont splendides.
Mais ces dieux, que commandent-ils ? […] Elle est née de la terreur des dieux. Elle est née de la croyance aux dieux, de la crainte des dieux, et de cette tendance bien naturelle d’imaginer les dieux semblables à des hommes, et de ce raisonnement élémentaire qu’ils doivent commander aux hommes ce que les hommes commandent à ceux qu’ils dominent et qui les craignent. […] L’impératif catégorique de Kant, la conscience, le devoir, sont des dieux. […] A cela près, et c’est-à-dire à rien près, ce sont des dieux.
« L’Empereur avança un peu sa tête de dieu bestial. […] Paon, l’oiseau Paon est mort, le dieu Pan l’a pleuré ! […] Horace n’eût pas pensé autrement si les dieux lui avaient infligé de voir le xixe siècle. […] Portés sur les ailes des Valkyries, les brouillards du Nord envahissent notre ciel, amenant les dieux scandinaves qui combattent les dieux de l’Olympe, pendant que des régions brûlantes accourent les divinités de l’Inde, aux bras multiples, aux trompes d’éléphants. […] Maurras sur l’exactitude du fait qu’il rapporte, disant que l’immortel statuaire croyait si bien aux Dieux qu’il pria Jupiter de lui faire savoir s’il était satisfait de son image et que le maître des Dieux lui répondit « oui » par un coup de tonnerre ; d’autres ajouteront qu’effectivement il fut accusé d’impiété, mais sortit triomphant de cette calomnie.
On voulait voir des héros partout, on exagérait les traits de Triboulet, on creusait ses rides, on exaltait ses passions, afin d’en faire un dieu. […] voilà une race que vous avez murée pendant des siècles dans les ghettos immondes, à laquelle vous avez interdit toute jouissance un peu noble, que vous avez obligée à vivre les yeux perpétuellement fixés sur des tas d’or et l’esprit sur la vengeance à tirer de vos orgueils… voilà des gens que vous ne faisiez sortir de leurs ruelles infâmes où ils croupissaient, les uns dans l’or, les autres dans l’ordure, que pour les conduire au bûcher au nom de votre dieu d’amour, et vous vous étonnez que ces gens-là n’aient pas une âme héroïque et claire de chevaliers ! […] Cela est le don relatif à chaque poète. — Mais quand vous décrétez que tous les laboureurs, tous les ouvriers, — ceux qui forgent le fer et ceux qui travaillent la pierre, — sont des héros ou des dieux, je trouve cette interprétation plus artificielle que si vous voyiez en l’un d’eux le symbole d’un de vos sentiments.
Les horizons qui s’ouvrent à nous sont si beaux que je doute qu’à aucune époque l’homme ait eu plus de raisons de vivre d’une vie sublime : pas même en cette magnifique Renaissance dont on ne peut trop admirer le génie, pas même en ce siècle héroïque de Périclès, où les hommes nous paraissent ressembler à des dieux ! […] Il y a le printemps, les étoiles d’or ou d’argent, les roseaux chantants, et l’antienne aux dieux. Les dieux sont morts, c’est de l’encens perdu.
La chaleur brûlante des tropiques et la couleur noire du teint semblèrent inséparables. « Les Éthiopiens », chantait l’ancien poète tragique Théodecte de Phasélis, “doivent au dieu du soleil, qui s’approche d’eux dans sa course, le sombre éclat de la suie dont il colore leurs corps”. […] Puis vient Lucrèce qui chante la nature, son dieu.