Les détails circonstanciés qu’il donne pendant son séjour à Vienne ou à Schœnbrunn sur l’éducation et les progrès de la jeune archiduchesse destinée à être dauphine, sont une preuve suffisante de son zèle et ne manquent pas d’intérêt en eux-mêmes : « J’espère que Votre Excellence, écrit l’abbé au comte de Mercv, sera à bien des égards enchantée de Mme l’archiduchesse. […] La catastrophe étant donnée, il y aurait eu bien vite un parti pris absolu, une unité souveraine de couleur et de ton sur les précédents de cette destinée : c’eût été la satire ou l’apothéose qui eût prévalu ; on eût eu une première Antoinette, toute divine et adorable ou tout odieuse et détestable, tout une ou tout autre, selon le courant d’opinion qui eût soufflé et régné : il n’y aurait pas eu de milieu.
A travers toute la bagarre de fabrique littéraire qui, par moments, rompt la vue ; au milieu de toute cette boue fréquente, hideuse, qui nous éclabousse les pieds, et que l’avenir, j’espère, ne verra pas, voilà des signes originaux qui distingueront peut-être assez noblement ce siècle, si préoccupé entre tous de son ambitieuse destinée. […] On assiste à tous les détails de l’enfance et des fiançailles de la jeune Élisabeth, à ses ruses innocentes parmi ses compagnes pour se mortifier à leur insu et prier, à ses premières joies si courtes et qu’on sent qui vont s’évanouir : « Ainsi Dieu, dit l’auteur, donne à sa créature cette rosée matinale, pour qu’elle sache résister ensuite au poids et à la chaleur du jour. » — « Élisabeth, » raconte-t-il plus tard en un endroit, « aimait à porter elle-même aux pauvres, à la dérobée, non-seulement l’argent, mais encore les vivres et les autres objets qu’elle leur destinait.
Il n’y aurait guère d’inconvénient au premier abord, car l’article de M.Arnould Fremy, intitulé André Chénier et les Poëtes grecs, qui a paru dans la Revue indépendante du 10 mai, ne semble pas destiné, quel qu’en puisse être le mérite, à exercer une vive séduction ni à obtenir un grand retentissement. […] Puis de nouveaux fragments furent publiés, le recueil se grossit par degrés, et l’on put craindre de voir s’étendre indéfiniment l’héritage d’une destinée poétique dont le fil avait été sitôt tranché.
Les dieux lui destinaient à son insu moins de bonheur et une autre gloire : le monde à enseigner, et la gloire immortelle pour héritage. […] Voilà l’abrégé de l’histoire d’Homère ; elle est simple comme la nature, triste comme la vie ; elle consiste à souffrir et à chanter : c’est en général la destinée des poètes.
En rapport aussi avec lui étaient les déclamations des jongleurs un peu plus relevés ; nous n’avons qu’à interroger les mœurs contemporaines pour saisir le lien qui unit à la comédie des chansons, des contes ; en général toute pièce destinée à la récitation publique tend vers la forme dramatique, par le surcroit sensible d’effet qu’on obtient en caractérisant les personnages et en les costumant. […] Egalement destinées à la récitation dramatique sont certaines pièces de forme narrative et lyrique du même écrivain : ici le fabliau se réduit presque en farce dialoguée, là une altercation bouffonne s’enferme dans le cadre d’une ballade, « à jouer de personnages149 ».
Naturellement, selon les lois de l’éloquence et du lyrisme, leurs développements des situations particulières et des sentiments individuels tendent à l’universel, au lieu commun : d’autant mieux que, ne comprenant rien à la nature propre du drame, ils sont amenés fort logiquement à le prendre comme une allégorie morale, destinée à l’instruction : pourquoi raconterait-on ces choses extraordinaires, si ce n’est pour l’exemple ? […] Ce n’est pas tout : le Cid pose cette loi, que le héros tragique fait sa destinée par les déterminations de sa volonté : il ne reçoit pas l’impulsion du dehors ; le hasard et l’accident sont exclus (en principe) de l’intrigue tragique.
Thierry en 1827, une histoire de France qui reproduise avec fidélité les idées, les sentiments, les mœurs des hommes qui nous ont transmis le nom que nous portons, et dont la destinée a préparé la nôtre ? […] Michelet est un des écrivains de notre siècle qui me semblent destinés à grandir dans l’avenir, quand dans son œuvre trop riche on aura fait une part à l’oubli, à la mort : le reste, et un reste considérable, une fois allégé, n’en montera que plus haut.
Le mensonge individuel est celui dont l’individu prend l’initiative et qui est destiné à servir son égoïsme personnel. […] Le mythe de Putois est un bon exemple pour faire comprendre la nature des mythologies à l’usage des groupes et destinées à théorétiser et à justifier la suprématie du groupe sur l’individu.
Le protagoniste du drame, Alfred Dreyfus, s’est montré effroyablement inférieur à sa destinée. […] Bergeret, et vous demanderiez pour vous le supplice d’une Danaïde qui fait passer des fleuves par son tonneau sans fond plutôt que la destinée aimable de l’enfant dont la moindre fontaine remplit l’urne légère.
Quoiqu’il ne soit pas de ces écrivains destinés jamais à devenir populaires, la publication première de ses deux volumes de Pensées et de Lettres, en 1842, a suffi pour le classer, dès l’abord, dans l’estime des connaisseurs et des juges ; il ne s’agit que d’étendre un peu le cercle de ses lecteurs aujourd’hui. […] elle n’était que trop réellement atteinte, et elle-même avait peu à faire pour hâter sa destinée.