Nul, dans l’histoire de la pensée de ces cent cinquante dernières années, ne saurait être comparé à ces deux hommes, de Maistre et Bonald, pas même Burke, le bouillonnant et vaste Burke, qui eut un jour quelque chose de leur esprit prophétique quand il jugea, seul de toute l’Angleterre, un instant affolée de la Révolution française, les délirants débuts de cette Révolution… Philosophes chez qui, heureusement pour elle, l’Histoire dominait la Philosophie, le comte de Maistre et le vicomte de Bonald, ces observateurs qui avaient des griffes dans le regard et appréhendaient le fond des choses, quand ils en regardaient seulement la surface, de Maistre et Bonald, ces Dioscures du même ciel et du même religieux génie, sont d’une supériorité si haute et si éclatante qu’aucun esprit ne peut être placé à leur niveau, ni pour l’élévation, ni pour la lumière ! […] C’est moins une histoire — comme le dit, du reste, son sous-titre, — qu’un Cours tout entier philosophique et critique de l’histoire moderne ; c’est une démonstration en sens contraire de tous les problèmes agités, à cette heure, par l’esprit révolutionnaire, et dont la solution dernière serait, sous le nom imposteur de progrès, de faire rétrograder la civilisation du monde… Après avoir, dans ses premières pages, comme donné le dictionnaire de la langue qu’il va parler en fixant l’origine et en déterminant la grandeur de la Monarchie française, en traitant de « la providence des dynasties inamovibles », de la propriété, du droit divin, dont il dit : « La primogéniture, le droit successif, la légitimité, le droit divin, ne sont qu’une même expression, une même vérité, une loi de raison », le métaphysicien politique aborde vaillamment l’Histoire. […] Les idées qu’il exprime, ces verba novissima du dernier peut-être des royalistes purs, — si vraies qu’elles soient et en raison même de leur vérité, — ne sont pas capables d’arrêter le torrent des idées contraires qui emportent le monde vers d’autres ruines, lesquelles, certainement, nous vengeront de celles-ci !
contre la politique avouée du dernier descendant des Rois de France ; mais la vérité avant tout pour cette grande conscience de chrétien ! […] Catholique du Syllabus, — du Syllabus qui n’est pas une nouveauté de ces derniers temps, mais l’expression dernière du catholicisme éternel, — il n’a pas craint de regarder à la clarté fixe de cette lumière les choses d’une époque où la société, désespérée, est à l’extrémité de tout, et où l’on peut jeter sans inconvénient une dernière fois le dé de la vérité à travers les dés pipés d’une partie à peu près perdue, et qu’il est peut-être impossible maintenant de gagner !
Alfred de Vigny ne s’est pas pressé pour mettre une dernière main et laisser tomber un dernier coup d’œil sur l’œuvre entière de sa vie. […] Walter Scott, pour prendre un grand nom, c’est toujours Harold ou Marmion, ou la Dame du lac, ou le Lay du dernier Ménestrel, et il l’est dans les romans les plus supérieurs à ses poèmes.
Charles Didier n’a point attendu les dernières circonstances pour écrire de l’Italie et sur l’Italie. […] Arrivé aux dernières lignes de son ouvrage : « Ainsi finit, dit M. […] Didier nous a modulé les derniers marivaudages, la comtesse ordonne à ces messieurs de raconter chacun son histoire, sous l’expresse condition cependant que cette histoire sera une histoire italienne, ayant sa scène en Italie.
Les derniers devoirs rendus, l’orateur montait à la tribune et prononçait l’éloge funèbre. […] « Non, votre maison n’est pas solitaire : vos enfants ne sont plus, mais leur gloire y habite avec vous, elle répandra son éclat sur vos derniers jours. » Ensuite adressant la parole aux frères et aux enfants des morts : « Une grande carrière vous est ouverte, dit-il : vous avez l’exemple de vos pères et de vos frères, mais ne vous flattez pas d’atteindre à leur renommée ; car tant que l’homme est vivant, il a des rivaux, et la haine qui le poursuit cherche sans cesse à lui arracher sa gloire : mais on rend justice à celui qui n’est plus. […] Il suppose que lui-même était alors présent, et qu’il a reçu le testament de mort de ces guerriers, et leurs dernières paroles pour ceux qui leur sont chers.
Puis vient en dernier lieu l’histoire, l’histoire, qui, telle que celle du Consulat et de l’Empire, de M. […] Cependant M. de Talleyrand devina, dès l’aurore de la révolution, que la paix était la première des véritables idées révolutionnaires, et fut fidèle à cette pensée jusqu’à son dernier jour. […] Les hommes du dernier ministère de Louis XVI avaient envoyé à Londres M. de Chauvelin, jeune et ardent révolutionnaire, fils d’un favori de cour, dont le seul titre était sa défection à la cour. […] Cette fille de l’Autriche, sur le trône de France, défiant son père de la détrôner, et s’offrant comme un gage de paix entre Napoléon et l’Europe, lui paraissait un dernier expédient de négociation qu’il fallait garder pour le jour suprême. […] Grâce à son zèle véritable, et on pourrait dire instinctif, pour la paix du monde, il sortit vainqueur, triomphant, honoré, de sa longue lutte de vieillard contre l’esprit de désordre, de violence, de discorde européenne ; et, après la signature du dernier protocole des conférences de Londres, il put dire : « J’ai vaincu le monde, et je l’ai vaincu par la raison.
Béranger, que j’ai beaucoup connu et aimé dans nos derniers jours, était, selon moi, mille fois supérieur comme homme à ce qu’il était comme poète. […] Il me dit qu’il avait été obligé de quitter un peu sa Nuit de Walpurgis, pour finir sa dernière livraison d’Art et Antiquité. […] Ce fut là son dernier acte comme ministre des beaux-arts ; ce fut la dernière fois qu’il écrivit son nom. […] » furent, dit-on, les derniers mots que l’on put entendre tomber des lèvres de cet homme qui, toute sa vie, avait été l’ennemi des ténèbres de toute nature. […] Le duc de Weimar meurt après cinquante ans d’amitié, mais sa femme et son fils survivent, et la faveur du grand homme revit tout entière en eux jusqu’à son dernier jour.
À sa mort, les professeurs de l’université s’étaient rassemblés chez lui, selon l’usage, pour accompagner leur collègue à sa dernière demeure. […] Ceux des derniers livres ne portent que sur les pages 78-9, 81-2, 84, 133, 138-140, 143-4. […] Nous n’avons ni les lettres qu’il écrivit à ces trois derniers ni leurs réponses. […] Vico n’a point laissé d’école ; aucun philosophe italien n’a saisi son esprit dans tout le siècle dernier ; mais un assez grand nombre d’écrivains ont développé quelques-unes de ses idées. […] Chez tous les écrivains que nous venons d’énumérer, les idées de Vico sont plus ou moins modifiées par l’esprit français du dernier siècle.
Cowper, avec son tour d’imagination frappée, y voyait non seulement des avertissements divins et des châtiments infligés au monde, mais encore des signes précurseurs de la fin des temps et du Jugement dernier. […] … La pièce la plus considérable qu’il ait composée dans les dernières années, et qui est d’une imagination aussi forte qu’élevée, a pour titre Le Chêne de Yardley ; elle lui avait été inspirée par un chêne antique qu’il avait vu dans ses promenades autour de Weston, et qui était réputé contemporain de la conquête des Normands. […] On a dit que, dans les dernières années, il croyait voir un abîme ouvert à ses côtés ; si cela est exact, c’était une pure sensation physique dont il n’était pas la dupe et qu’il repoussait. […] On n’a jamais lutté avec plus de constance et de suite qu’il ne l’a fait contre une folie aussi présente et persistante, « une des plus furieuses tempêtes, disait-il, qui ait été déchaînée sur une âme humaine, et qui ait jamais bouleversé la navigation d’un matelot chrétien. » Une de ses dernières pièces de vers, intitulée Le Rejeté, est la peinture d’un matelot tombé en pleine mer pendant le voyage de l’amiral Anson, et s’efforçant de suivre à la nage le vaisseau d’où ses compagnons lui tendent en vain des câbles, et qu’emporte la tempête : il y voyait une image lugubre de sa destinée. C’est plutôt avec le coin de manie et de folie qui s’était logé avant dans l’esprit de Rousseau pendant les dernières années, qu’il y aurait lieu de comparer la maladie de Cowper, si compatible avec d’admirables preuves de talent.
Il n’eut d’autre malheur que de se survivre un peu dans les dernières années et de baisser en esprit avant de s’éteindre. […] douce, simple, m’aimant uniquement, crédule sur ma conduite qui était un peu irrégulière, mais dont la crédulité était aidée par le soin extrême que je prenais à l’entretenir, et par l’amitié tendre et véritable que je lui portais. » Mme Du Deffand est très bien traitée dans ces Mémoires, et s’y montre presque sans ombre, sous ses premières et charmantes couleurs ; mais la personne évidemment que le président a le plus aimée est Mme de Castelmoron, « qui a été pendant quarante ans, dit-il, l’objet principal de sa vie. » La page qui lui est consacrée est dictée par le cœur ; il y règne un ton d’affection profonde, et même d’affection pure : « Tout est fini pour moi, écrit le vieillard après nous avoir fait assister à la mort de cette amie ; il ne me reste plus qu’à mourir. » On raconte que dans les derniers instants de la vie du président et lorsqu’il n’avait plus bien sa tête, Mme Du Deffand, qui était dans sa chambre avec quelques amis, lui demanda, pour le tirer de son assoupissement, s’il se souvenait de Mme de Castelmoron : Ce nom réveilla le président, qui répondit qu’il se la rappelait fort bien. […] Vers l’âge de cinquante ans (1735), le président fit une maladie grave, et Mme de Castelmoron en profita pour déterminer sa conversion ou tout au moins sa résipiscence ; il fit une confession générale et prit dès lors le parti de la dévotion qu’il soutint assez bien, et où il se fortifia dans les dernières années. […] On sait que dans les dernières années de Louis XIV, à l’instant le plus critique de la guerre de la succession (1709), le duc d’Orléans noua en Espagne une intrigue politique restée assez obscure, et qu’un homme de sa confiance, Flotte, fut arrêté porteur de papiers. […] [NdA] On trouve dans les Lettres d’Horace Walpole quelques traits qui peignent le président Hénault sous sa dernière forme et dans sa décrépitude.