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398. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre I. Succès de cette philosophie en France. — Insuccès de la même philosophie en Angleterre. »

Et je ne parle pas seulement de la littérature secrète, des livres extraordinaires que lit Mme d’Andlau, gouvernante des enfants de France et qui s’égarent aux mains des filles de Louis XV460, ni d’autres livres plus singuliers encore461 où le raisonnement philosophique apparaît comme un intermède entre des ordures et des gravelures, et que des dames de la cour ont sur leur toilette avec ce titre : Heures de Paris. […] Quel débouché pour les facultés comprimées, pour la riche et large source qui coule toujours au fond de l’homme et à qui ce joli monde ne laisse pas d’issue   Une femme de la cour a vu près d’elle l’amour tel qu’on le pratique alors, simple goût, parfois simple passe-temps, pure galanterie, dont la politesse exquise recouvre mal la faiblesse, la froideur et parfois la méchanceté, bref des aventures, des amusements et des personnages comme en décrit Crébillon fils. […] Ce vertueux sauvage sauve le fils du roi sur lequel un grand-prêtre levait le poignard, puis, désignant tour à tour le grand-prêtre et lui-même, il s’écrie : « Voilà l’homme civil ; voici l’homme sauvage. » Sur ce vers, applaudissements, grand succès, tellement que la pièce est demandée à Versailles et jouée devant la cour. […] Nouvelle Héloïse , passim, et notamment la lettre extraordinaire de Julie, Deuxième Partie, n° 15. — Émile, discours du précepteur à Émile et à Sophie, le lendemain de leur mariage. — Lettre de la comtesse de Boufflers à Gustave III, publiée par Geffroy (Gustave III et la cour de France). « Je charge, quoique avec répugnance, le baron de Cederhielm de vous porter un livre qui vient de paraître : ce sont les infâmes mémoires de Rousseau, intitulés Confessions. […] Voyez déjà dans Marivaux ( La double inconstance ) la satire de la cour, des courtisans et du grand monde gâté, opposé aux petites gens qui ont conservé la bonté primitive, villageois et villageoises.

399. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (5e partie) » pp. 65-128

« En débouchant de l’escalier sur la cour, elle aperçut la charrette des condamnés, vers laquelle les gendarmes dirigeaient sa marche. […] XIX « Ainsi mourut cette reine, trop confiante peut-être dans la prospérité, mais sublime dans l’infortune, intrépide sur l’échafaud ; idole de cour mutilée par le peuple, longtemps l’amour, puis l’imprudent conseil de la royauté, puis l’adversaire de la Révolution. […] Un embarras de rue ou un raffinement de cruauté fit arrêter un moment la charrette sur la place du Palais-Royal, devant la cour de sa demeure. […] Il jouit peut-être avec une satisfaction coupable de l’abaissement et des terreurs d’une reine et d’une cour qui l’avaient humilié. […] Le roi l’accueillait, mais les insultes des courtisans et les antipathies de la cour le repoussèrent.

400. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — II. (Fin.) » pp. 110-133

La plupart des lettres des littérateurs et beaux esprits du temps de Balzac sont taillées sur son patron : ainsi celles de Maynard, de M. de Plassac, du chevalier de Méré ; mais plus on se rapproche de la Cour et de Voiture, plus le badinage et une certaine familiarité recherchée s’y mêlent et tendent à corriger la solennité du premier maître. […] Parlant du premier président Molé qui appuie la Cour, il dira sa « brigue » et sa « cabale ». […] Il a contre la Cour et tout ce qu’elle renferme une horreur de classe et de race ; il distingue peu entre prince et prince, entre le Grand Condé ou le duc de Beaufort, sinon qu’il a peut-être un faible pour ce dernier. […] Il croit qu’il y a un parti des honnêtes gens dont il est, et de l’autre il place ses adversaires, Guenault en tête, les chimistes et empiriques, médecins de cour et « enjôleurs de belles dames », avides de lucre à tout prix.

401. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — II. (Fin.) » pp. 180-203

Lassay raconte au long cette tracasserie ; il s’en plaignit à Mme de Maintenon brouillée alors avec Mme de La Fayette, et en laquelle il cherchera désormais un appui en cour et une patronne en toute circonstance. […] C’est cette même marquise de Lassay pour laquelle Chaulieu, qui en était épris, et qui la rencontrait sans cesse dans la petite cour de Mme la Duchesse à Saint-Maur, a fait une foule de jolis vers, et ceux-ci entre autres où il parle de son cœur d’un ton presque aussi ému que l’eût pu faire La Fontaine : Il brûle d’une ardeur désormais éternelle ; Et, livré tout entier à qui l’a su charmer, Il sert encore un Dieu qu’il n’ose plus nommer51. […] — La Bruyère avait dit plus brièvement en concluant son chapitre « De la Cour » : « Un esprit sain puise à la Cour le goût de la solitude et de la retraite. » 56.

402. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — I »

Cependant son noviciat ne s’acheva pas : il s’ennuya d’attendre un bénéfice qu’on lui promettait toujours ; et, laissant là les chanoines et la province, il revint à Paris, où son ode de la Renommée aux Muses lui valut une nouvelle gratification, son entrée à la cour, et d’être connu de Despréaux et de Molière. […] Nous sommes pourtant loin de reconnaître que, même en ceci, tout l’avantage au théâtre soit du côté de Racine ; mais, lorsqu’il parut, toute la nouveauté était pour lui, et la nouveauté la mieux accommodée au goût d’une cour où se mêlaient tant de faiblesses, où rien ne brillait qu’en nuances, et dont, pour tout dire, la chronique amoureuse, ouverte par une La Vallière, devait se clore par une Maintenon. […] Cette pièce de Bérénice fut commandée à Racine par Madame, duchesse d’Orléans, qui soutenait à la cour les nouveaux poëtes, et qui joua cette fois à Corneille le mauvais tour de le mettre aux prises, en champ-clos, avec son jeune rival. […] Cette vie si pleine, où, sur un grand fonds d’étude, s’ajoutaient les tracas littéraires, les visites à la cour, l’Académie à partir de 1673, et peut-être aussi, comme on l’en a soupçonné, quelques tendres faiblesses au théâtre, cette confusion de dégoûts, de plaisirs et de gloire, retint Racine jusqu’à l’âge de trente-huit ans, c’est-à-dire jusqu’en 1677, époque où il s’en dégagea pour se marier chrétiennement et se convertir.

403. (1892) Boileau « Chapitre IV. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » » pp. 89-120

Par une délicatesse pareille d’honnête homme et de Français, après avoir si bien dit au poète comique Que la nature donc soit votre étude unique, il l’enferme presque aussitôt dans un champ d’expériences étroitement délimité, en écrivant : Étudiez la cour et connaissez la ville. […] la cour et la ville : c’est-à-dire la noblesse et la haute bourgeoisie, le monde, ce qui se rassemble dans les salons. […] La comédie, enfin, n’imitera que les mœurs de cour et de salon, ce qu’il y a de plus convenu, extérieur et accidentel, ce qu’il y a de moins humain dans l’homme. […] Mais comment peut-il trouver son idéal réalisé dans Térence, qui n’a point songé à étudier la cour ni la ville ?

404. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre III. Montaigne »

Et ainsi il nous oblige à songer que ce nom patronymique d’Eyquem, de toute antiquité porté par sa race, il a été le premier à le quitter : que son père avait sans doute fait les guerres d’Italie, puisqu’il le dit, mais plus sûrement encore avait siégé à la cour des aides de Périgueux ; que cette terre de Montaigne, dont il se nomme, cette fortune, dont il jouit, avaient été gagnées par des générations de bons bourgeois, siégeant derrière leur comptoir, et qu’enfin le grand-père Eyquem avait bien pu vendre du hareng, comme disait Scaliger, parmi tant de marchandises dont il chargeait des vaisseaux. […] Biographie : Michel Eyquem de Montaigne, d’une famille de commerçants bordelais, fils de Pierre eyquem qui fut conseiller à la Cour des aides de Périgueux, prévôt de la ville, jurat et maire de Bordeaux, naquit à Montaigne en Périgord le 23 février 1533, l’aîné de quatre frère et trois sœurs qui vécurent. Il sorti du collège de Guyenne en 1546, étudia le droit, et devint conseiller à la Cour des aides de Périgueux dans le siège de son père, puis, cette cour étant supprimée en 1557, conseiller au Parlement de Bordeaux.

405. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre X. La littérature et la vie de famille » pp. 251-271

La grande Mademoiselle, qui n’a pas encore rencontré Lauzun, craint aussi de se donner un maître sous le nom de mari, et quand elle rêve de transformer les dames et les officiers de sa cour en bergers et en bergères vivant aux champs et gardant des moutons enrubannés, elle entend que le mariage soit interdit dans cette société idéale. […] Chez toutes sans exception persistent une liberté d’opinions et une franchise de style qui distinguèrent ce qu’on appela, dans l’entourage du jeune roi Louis XIV, l’ancienne cour ; il n’est pas jusqu’à la délicate aventure de la Princesse de Clèves où l’on ne retrouve quelque chose de Cornélien. […] On peut choisir comme exemple le second tiers du xviiie  siècle alors que des seigneurs de la cour, souvent capitaines ou colonels, la figure rasée, la tête poudrée, portaient des dentelles et des manchons, se piquaient d’exceller dans le parfilage ou la broderie, se présentaient dans les salons avec des ciseaux et des aiguilles d’or. […] Hors de la famille, il a sa cour ; il a ses journaux qui paraissent tout exprès pour lui ; il a une armée de conteurs qui travaillent à l’amuser et à l’instruire ; il a des artistes pour le peindre, des poètes pour le chanter, et parmi ceux-ci vous trouverez les plus grands.

406. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — III. (Fin.) » pp. 162-179

Le président, en effet, n’avait qu’un fils, le baron de Montjeu, qui, selon les uns, était un des cavaliers les plus braves et les plus accomplis de la Cour, mais qui n’était guère digne de son père, selon les autres. […] Une injustice qu’on fit à son gendre détermina le vieillard à sa retraite de la Cour et des affaires ; il avait plus de quatre-vingts ans. […] [NdA] Et puisqu’il est question de ces relations à demi amicales de Jeannin et de Sully, je citerai encore ce passage d’une lettre du président au cardinal Du Perron, écrite avant le voyage de Hollande : Notre Cour est ce qu’elle était à votre départ ; votre ami (Sully) y tient le haut bout, et surmonte tout le reste en autorité et crédit.

407. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Tallemant et Bussy ou le médisant bourgeois et le médisant de qualité » pp. 172-188

Qui eût dit à Bussy, à ce bel esprit et cette belle plume de l’armée et de la Cour, qu’il avait en son temps un rival et un maître de narration aiguisée et naïve dans ce bourgeois gausseur qu’on rencontrait partout et qui n’était déplacé nulle part, celui-là l’eût certainement fort étonné, et il ne l’aurait pas cru. […] madame, il ne tient qu’à vous que je ne passe pour être le plus honnête homme de France. » — Le marquis de Sévigné de même, qui laissait sa charmante femme pour Ninon, était persuadé « qu’on ne peut être honnête homme sans être toujours amoureux. » Ce qu’on voyait pendant les hivers, ce n’étaient donc pas seulement les distractions bruyantes et faciles de toute jeunesse guerrière, c’était une rare émulation chez quelques-uns qui se piquaient d’honnêteté, et des gageures de cette sorte : « Le duc de Candale, qui était l’homme de la Cour le mieux fait, crut qu’il ne manquait rien à sa réputation que d’être aimé de la plus belle femme du royaume ; il résolut donc à l’armée, trois mois après la campagne, d’être amoureux d’elle (Mme d’Olonne) sitôt qu’il la verrait, et fit voir, par une grande passion qu’il eut ensuite pour elle, qu’elles ne sont pas toujours des coups du ciel et de la fortune. » On s’embarquait de parti pris avec quelqu’un, avec quelqu’une, pour se faire honneur dans le monde, pour faire parler de soi, et « parce que les femmes donnaient de l’estime aussi bien que les armes ». […] Pour s’être donné le malin plaisir de faire un livre de Régence et de Directoire, qui est bien de la date où le surintendant Fouquet faisait collection de ses billets doux, et dressait une liste de ses bonnes fortunes, il manque le grand siècle, les guerres de Flandre, celle de Franche-Comté qui vient passer presque sous ses fenêtres ; tous ses compagnons d’armes y seront : « Il vient de passer dix mille hommes à ma porte (à la porte de son château de Bussy) : il n’y a pas eu un officier tant soit peu hors du commun qui ne me soit venu voir ; bien des gens de la Cour ont couché céans. » Vite il écrit au roi pour demander à servir cette campagne, et le roi impassible répond : « Qu’il prenne patience !

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