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195. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — III. (Fin.) » pp. 175-194

Il était en cela du même système monarchique que son maître, qui n’a jamais demandé de conseil à ces corps que pour l’apparence, et qui s’est fâché sérieusement en quelques cas, lorsque les compagnies se furent émancipées à donner avis sans en être requises. […] Il est hostile à tous officiers de plume et d’écritoire ; il veut qu’on leur fasse rendre gorge, et même qu’on les punisse par corps, sans acception ni faveur. […] Il n’a que des railleries pour l’ordre des avocats, les jours même où cet ordre obéit, par esprit de corps, à une susceptibilité des plus honorables. […] Il était de ces esprits et de ces corps infatigables qui ne prennent de repos qu’en se chargeant de travail : Cui labor ingeminat vires, dat cura quietem, a-t-on dit de lui. […] Lui-même il a dû céder quelquefois à un sentiment bien naturel de vieillard et de loyal serviteur voué au deuil, sinon en exagérant le passé, du moins en prêtant à certaines idées qui lui revenaient plus de corps qu’elles n’en avaient eu réellement.

196. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — I. » pp. 431-451

Tout ce vaste corps était uni par la paix, par les lois et par la langue. […] Tout le monde connaît sa silhouette, son profil découpé qui est en tête des Mémoires, et où il est représenté triturant sa prise de tabac, ce corps volumineux et rond porté sur deux jambes fluettes, ce petit visage comme perdu entre un front haut et un menton à double étage, ce petit nez presque effacé par la proéminence des joues. […] , puis j’ai poursuivi mon discours dans mon attitude habituelle, le corps penché en avant et le doigt indicateur en l’air. […] Ce bataillon du sud du Hampshire formait un petit corps indépendant de quatre cent soixante-seize hommes, tant soldats qu’officiers, commandé par un lieutenant-colonel et par un major, le père de Gibbon. […] Ce petit corps ne resta point confiné dans son comté, il eut pendant deux ans et demi des campements très différents, au camp de Winchester, aux côtes de Douvres, aux plaines de Salisbury.

197. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le baron de Besenval » pp. 492-510

On le voit dans la guerre de Sept Ans (1757) aide de camp d’abord du duc d’Orléans, avec le grade de brigadier ; puis, maréchal de camp, commander en 1758 sur la Meuse un corps de troupes sous ses ordres ; en 1760 il prit part à l’opération sur Wesel et au beau combat de Clostercamp, où M. de Castries commandait. […] Il provoqua une nouvelle capitulation militaire utile à la France, avantageuse à la Suisse ; il se chargea seul de toute la partie d’exécution qui se rapportait à la bonne police des corps, et amena les régiments qu’il inspectait à un point de discipline et de régularité qui piqua d’émulation les troupes françaises elles-mêmes. […] En effet, quatre ans après, ses services envers le corps helvétique étant mieux appréciés, il fut rétabli à son rang dans la place qu’il occupait au conseil ; il eut des lettres honnêtes de son souverain, et si on ne lui rendit pas son amende, c’est qu’il crut qu’il était mieux de ne la point demander. […] Malgré son mérite réel comme officier général, et quoique ensuite, en poussant de tout son crédit au ministère de la guerre M. de Ségur, il ait travaillé indirectement à remettre sur un meilleur pied l’armée française, Besenval n’était pas un de ces militaires ardents qui le sont corps et âme et avant toute chose. Brave, aimant son métier, embrassant avec ensemble et précision ce qui concernait son corps particulier de troupes, il n’avait pas cette avidité à s’instruire dans toutes les branches qui dénote une nature de général proprement dit, l’homme destiné à de grands commandements.

198. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire. »

Ducis qui, en ces années de crise, s’est fait son conseiller, son directeur ami, et qui est plus fait que personne pour comprendre cette espèce d’inquiétude indéfinissable, lui prescrit les remèdes qu’il estime les plus salutaires pour le corps et pour l’âme : nous assistons à toute une cure morale : « Versailles, 25 juillet 1775 « Votre tristesse opiniâtre m’afflige, mon ami. […] Moi. qui vous observe, j’ai pitié de votre pauvre corps que votre âme dévore. […] Répondez moi de votre corps, et je vous réponds de tout le reste. […] Cette soif insatiable de gloire au bord du tombeau, cette inquiétude fiévreuse, cette complexion voltairienne, je ne comprends rien de tout cela. » En revanche il apprend avec plaisir que son ami s’est livré, comme un bon paysan, aux travaux de la fenaison, et qu’en fatiguant le corps il a forcé au repos son âme trop active. […] Thomas, plus jeune de quelques années, est plus malade de corps que ce dernier, mais il a l’esprit tranquille, bien que souvent découragé ; lui, il ne se plaint pas : « Il semble que les âmes douces habitent dans des corps douloureux, où elles supportent leur détention sans murmure et sans emportement. » Ducis prévoit le malheur prochain de le perdre : « Nous ne vivons qu’une minute ; et, dans cette minute, que de secondes pour la douleur !

199. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 38, que les peintres du temps de Raphaël n’avoient point d’avantage sur ceux d’aujourd’hui. Des peintres de l’antiquité » pp. 351-386

La crainte que son enfant ne se fit mal en sucçant du sang au lieu de lait, étoit si bien marquée sur le visage de la mere, toute l’attitude de son corps accompagnoit si bien cette expression, qu’il étoit facile de comprendre quelle pensée occupoit la mourante. […] Ce malheureux blessé à mort d’un coup d’épée à travers le corps est assis à terre, et il a encore la force de se soûtenir sur le bras droit. […] L’attitude de toutes les parties de son corps concourt avec ses yeux, et donne à connoître ce qu’elle prétend faire. […] Cette distraction est sensible dans tout son corps, et principalement dans ses mains et dans sa tête. […] Leurs peintres avoient même plus d’occasions que les notres n’en peuvent avoir, d’étudier le nud, et les exercices qui étoient alors en usage pour dénoüer et pour fortifier les corps, les devoient rendre mieux conformez qu’ils ne le sont aujourd’hui.

200. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre III : M. Maine de Biran »

Il y a là, dit-il, une résolution de l’âme, un mouvement du corps, et une force qui attache le mouvement du corps à la résolution de l’âme ; j’aperçois à la fois et directement ces deux faits et leur rapport. […] Partout ailleurs nous ne faisons que deviner la force : ici nous apercevons la force ; partout ailleurs, quand deux faits s’accompagnent, nous n’observons que les deux faits et leur concours ; ici, par une exception merveilleuse, nous découvrons encore « ce je ne sais quoi qui s’applique aux corps, pour les mouvoir, les pousser, « les attirer20 », élément ou ingrédient particulier, vraiment « inexplicable ou ineffable, lorsqu’on veut chercher des exemples et des moyens d’explications hors du fait même de la conscience. » Il n’y a point d’autre vue semblable ; et quand vous concevez d’autres forces, c’est d’après la vôtre et sur ce modèle que vous en formez la notion. […] Pour ne pas vous embarrasser, je retiens la partie inutile, le pur phénomène, l’étendue, c’est-à-dire les habits, les gibernes, les fusils et les corps. […] Quand je dis que la vapeur comprimée est une force, j’entends simplement que le corps qui la comprime sera nécessairement poussé ou brisé. […] Quand un corps en choque un autre, il y a simplement rapprochement, mouvement, et nécessité d’un mouvement.

201. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 3, de la musique organique ou instrumentale » pp. 42-53

Elles nous calment, elles nous soulagent même dans les maladies du corps. " comme il arrive quelquefois que les maladies du corps sont causées par les agitations de l’esprit, il n’est pas surprenant que la musique en soulageant les maux de l’esprit, ait soulagé et même qu’elle ait gueri en certaines circonstances les maladies du corps.

202. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXV. Mort de Jésus. »

Mais Jésus, plus faible de corps que ses deux compagnons, ne put porter la sienne. […] Sans cela les mains se fussent déchirées et le corps se fût affaissé. […] À mesure que la vie du corps s’éteignait, son âme se rassérénait et revenait peu à peu à sa céleste origine. 11 retrouva le sentiment de sa mission ; il vit dans sa mort le salut du monde ; il perdit de vue le spectacle hideux qui se déroulait à ses pieds, et, profondément uni à son Père, il commença sur le gibet la vie divine qu’il allait mener dans le cœur de l’humanité pour des siècles infinis. […] La vraie cause de la mort était la position contre nature du corps, laquelle entraînait un trouble affreux dans la circulation, de terribles maux de tête et de cœur, et enfin la rigidité des membres.

203. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIIe Entretien. Montesquieu »

« L’homme, comme être physique, est, ainsi que les autres corps, gouverné par des lois invariables. […] Elle se maintient, se fortifie, se forme en corps d’armée, va droit à la capitale, et le chef monte sur le trône. […] Celui du corps sanglant de Lucrèce fit finir la royauté. […] Ces peuples auront donc de grands corps et peu de vivacité. […] « La chaleur du climat peut être si excessive, que le corps y sera absolument sans force.

204. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

Je ne m’adresse pas à ceux qui ne voient que des yeux du corps, je m’adresse à l’intelligence. […] Les autres esclaves ne sont pas esclaves par leur âme, mais seulement par leur corps ; toi, tu seras esclave par l’âme, et en outre tu seras plus esclave par le corps que ne le sont les autres esclaves ; tu donneras ton amour et ton corps en perpétuel esclavage à celui qu’on t’aura imposé pour mari, et tu seras fidèle à ce contrat de servitude tous les jours de ta vie (car la moindre infraction serait un crime sur la terre, un crime dans le ciel), sans que ni les infidélités, ni les vices, ni les dérèglements, ni aucun forfait, ni aucune abomination de l’homme, puissent briser ta chaîne et te séparer de ton maître. […] Quelle est la vie d’un membre séparé du corps, et ayant perdu les relations où il était dans la vie générale du corps ? C’est de pourrir, de se décomposer, pour passer ensuite, par ses éléments, dans de nouveaux corps. […] Mais celui qui contemple attentivement n’en prononce pas moins que c’est la mort du corps social, et sait en même temps que ces phénomènes sont nécessaires pour former l’unité nouvelle.

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