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243. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre v »

Les documents que je possède sur l’élite morale des israélites ne me font connaître que des consciences qui paraissent vidées de leur tradition religieuse13. […] Sous le feu allemand, il se livre avec volupté à des examens de conscience dont ses lettres nous donnent le dessin. […] A voir les avions se chercher, foncer l’un sur l’autre, se mitrailler, reprendre le large, revenir à la charge jusqu’à ce que l’un des deux s’enfuie ou tombe, je retrouve tout pur le plaisir passionnant des courses de taureaux : émotion pareille, l’arène est en haut. »‌ Tout cela se résume dans cette profession de foi :‌ Au risque de vous paraître fou, je déclare en mon âme et conscience que j’aime être ici ; j’aime la tranchée de première ligne, comme un « pensoir » incomparable ; on y est ramassé sur soi-même, toutes ses forces rassemblées ; on y jouit d’une entière plénitude de vie. […] Les documents que je possède sur l’élite morale des israélites ne me font connaître que des consciences qui paraissent vidées de leur tradition religieuse… ‌ Là-dessus, un jeune officier israélite, industriel lorrain, qui a été l’objet d’une belle citation à l’ordre de l’armée, m’écrit une lettre intéressante qui commence par ces mots : « Je suis juif, sincèrement croyant et attaché à ma religion… » J’en détache quelques fragments :‌ « Prenons comme exemple, me dit cet officier, un israélite de ce que l’on appelle la bonne bourgeoisie, c’est-à-dire le sous-lieutenant qui vous écrit… J’ai eu une instruction moyenne (études classiques à Carnot, puis commencement de droit). […] Sur le même sujet une lettre signée d’un nom important dans la société parisienne :‌ Je ne voudrais pas vous laisser croire que les consciences des Israélites morts pour la France avec amour « sont vidées de leur tradition religieuse ».

244. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre septième »

Notre conscience croit se décharger en confessant la vérité de ces peintures. […] Il semble qu’il répugne à sa conscience si droite de faire des spéculations arbitraires sur le mal dont l’homme est capable ; il ne révèle que ce que le confessionnal lui en a appris. […] L’imagination n’y vient pas distraire la conscience, et le plaisir de voir des singularités n’y trouble pas la résolution de faire le bien. […] Elle lui vint pourtant plus d’une fois ; mais ce fut sous la forme de remercîments adressés au directeur efficace par des consciences malades, que ses soins avaient rétablies. […] La morale de Bossuet, de Bourdaloue, de Massillon, n’y serait-elle plus la loi des consciences ?

245. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre onzième »

On dirait comme une voix lointaine et mystérieuse de leur conscience. […] Rousseau n’avait jamais vu un enfant se réconciliant avec ses parents après une faute avouée et pardonnée, ni ses bras jetés autour du cou de sa mère, ni ces douces larmes que lui fait verser sa conscience soulagée ! […] Dans tous les débats entre sa conscience et son orgueil, sa conscience n’a jamais le dernier mot. […] C’est une sorte de conscience d’apparat que se donnent tous ceux qui n’ont pas sujet d’être contents de leur véritable conscience. […] Il y était soutenu et comme porté par la conscience du genre humain, par tout ce que ses illusions et ses fautes avaient laissé d’intact dans la sienne, par tout ce que son esprit reçut jamais de pures lumières.

246. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (3e partie) » pp. 5-79

Sous le bâton, sous la chaîne, au cachot, à la fatigue, sous l’ardent soleil du bagne, sur le lit de planches des forçats, il se replia en sa conscience et réfléchit. […] Avait-il bien conscience de tout ce qui s’était passé en lui et de tout ce qui s’y remuait ? […] Un écrivain digne d’être le secrétaire de la conscience pouvait seul l’inventer et l’écrire. […] se dit-il, mot sublime de caractère, répondu dans sa conscience par un mot plus sublime encore : Dieu ! […] Est-ce que vous ne pouviez pas réserver à un homme éclairé d’en haut et franchement vertueux ce rôle impossible dans un bandit, qui ne sait pas même le nom de conscience ; qui ne fait que ruminer, assassiner, voler, parader, gagner de l’argent et afficher l’hypocrisie de la probité utile ?

247. (1890) L’avenir de la science « X » pp. 225-238

Une telle science serait sans doute plus difficile et plus hypothétique que celle qui se borne à constater l’état présent de la conscience. […] Les phénomènes, par exemple, qui signalèrent l’éveil de la conscience se retracent dans l’éternelle enfance de ces races non perfectibles, restées comme des témoins de ce qui se passa aux premiers jours de l’homme. […] Du moment que l’humanité est conçue comme une conscience qui se fait et se développe, il y a une psy-chologie de l’humanité, comme il y a une psychologie de l’individu. […] Je puis affirmer sur ma conscience qu’il n’y a pas de besogne plus assommante, de spectacle plus monotone, de page plus pâle et moins originale dans l’histoire littéraire. […] Ceci est surtout choquant quand il s’agit des langues anciennes, lesquelles n’avaient pas de règles à proprement parler, mais une organisation vivante, dont on avait encore la conscience actuelle.

248. (1900) L’état actuel de la critique littéraire française (article de La Nouvelle Revue) pp. 349-362

Tout cela est fait avec une conscience et une intelligence très grandes, mais sans pouvoir malgré tout suffire à l’énorme analyse qu’il faudrait. […] Un homme capable de constater des analogies et des liens abstraits qu’on ne soupçonnait pas entre des formes et des images de la nature ; or, le critique véritable peut être ce poète, dans le domaine idéologique, et c’est parce qu’elles se sont élevées à cette haute compréhension de la critique que de grandes consciences poétiques comme Baudelaire, Carlyle, Mallarmé, ont été aussi des organismes critiques de premier ordre. […] Paul Adam, outre l’abondante et luxuriante fresque de ses romans byzantins ou modernes, donne depuis quelques années aux journaux une Critique des mœurs et des articles de politique générale autant que l’idéologie pure, qui témoignent d’un esprit supérieurement armé pour l’essai critique ; sa lumineuse intelligence touche à toutes choses, c’est un incomparable associateur d’analogies, une conscience pour la critique comparée. […] Jules de Gaultier révèle une conscience critique du plus noble avenir, et aussi ceux de M. 

249. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Crétineau-Joly »

Une ligue se forma dont les agents furent des hommes d’État sans génie, sans conscience du pouvoir, tombé, fourvoyé dans leurs mains. […] Le parlement soutint les jansénistes jusqu’au viol de la conscience humaine. […] Il est des historiens qui, dans des intentions honorables, ont cherché gravement le mot de la conscience du cardinal Ganganelli lorsqu’il écrivit son fameux billet au roi d’Espagne. […] Dans ces luttes avec la conscience du Pontife qui gouvernait l’Église, il accablait jusqu’à ses nerfs. […] L’ambition humaine souffre de cela, mais la conscience religieuse, avec sa foi inaliénable et profonde, en souffre bien davantage.

250. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre II. De la rectification » pp. 33-65

Illusion psychologique à propos de la conscience. — Nous sommes tentés de prendre la connaissance de notre état actuel pour un acte simple et spirituel. — La représentation, conception ou idée reconnue comme telle n’est que le même fait en ses deux moments, à l’état d’illusion et à l’état d’illusion réprimée. — Procédé commun par lequel s’édifient toutes nos espèces de connaissances. […] En cet état, on s’oublie, on a perdu conscience du présent ; on est devant la fantasmagorie intérieure comme au théâtre devant une bonne pièce. […] Cette fois encore, nous saisissons sur le fait une illusion de la conscience. — Quand un psychologue observe un de ses actes de mémoire, il remarque d’abord que c’est une connaissance, et, posant que toute connaissance exige deux termes, un sujet connaissant et un objet connu, il se dit que dans le souvenir il y a deux termes, la sensation passée et la connaissance que nous en avons. […] Là-dessus, la conscience, dupe d’elle-même, déclare que, dans le souvenir comme dans la perception extérieure, l’esprit fait un acte sui generis, simple, irréductible à tout autre, mystérieux, merveilleux, ineffable ; ce qui ajoute un nouveau fil à la toile d’araignée sans cesse rompue, sans cesse refaite, dans laquelle les sciences morales, depuis tant de siècles, viennent s’empêtrer. […] Cette science ou connaissance s’appelle conscience, parce que son objet est interne et présent ; elle s’oppose ainsi aux connaissances dont l’objet n’est point présent ou n’est point interne ; à ce titre, on la sépare de la perception extérieure et de la mémoire, et l’on fait d’elle un département distinct, auquel on prépose une faculté distincte.

251. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « II. M. Capefigue » pp. 9-45

Les principes, la conscience, les questions morales qui dorment sous le sol de l’histoire, et qui en sont le feu central et la vie, tous ces profonds problèmes, qui forment le sens même de la Destinée humaine, ne lui importent guère. […] Cette préface, malgré une mise en scène assez rusée et assez joliette, cette préface est, d’un bout à l’autre, le cri d’une conscience inquiète qui croit s’imposer silence à elle-même en se parlant haut. […] pour s’établir sur la conscience le calmant de raisons pareilles ! […] Capefigue l’a abordée, malgré les petits tremblements de conscience qui lui restent, continue, sans beaucoup les varier, les justifications pâlottes et impuissantes de la préface. […] À quoi bon, en effet, ces fouilles acharnées qui asphyxient l’esprit quand ce n’est pas la conscience ?

252. (1879) L’esthétique naturaliste. Article de la Revue des deux mondes pp. 415-432

Victor Hugo et au romantisme ; si l’on ne voit pas après cela que les pieds du colosse sont d’argile, l’apôtre a accompli son devoir et sa conscience n’a rien à lui reprocher. […] La littérature s’était appliquée jusqu’ici à montrer les ravages de la passion et les désordres s’accomplissant dans la conscience, les luttes du moi intérieur, les tentations, les faiblesses, les entraînements et les remords ; on nous étale aujourd’hui les troubles et les révoltes des sens, on nous montre la domination tyrannique des tempéraments, l’humanité esclave de la chair. […] Ce qui me préoccupe moi, c’est de savoir quels effets vont sortir de son amour furieux, quels ravages cet amour exercera sur sa conscience, et si l’innocent Hippolyte périra. […] Si les drames humains se passent surtout dans la conscience, si c’est là qu’est le véritable intérêt littéraire, ces drames sont particulièrement attachants là où la conscience est la plus complexe et la plus développée. […] depuis vingt-cinq ans, nos nerfs n’ont été que trop agités, nos consciences aujourd’hui ne sont que trop ébranlées.

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