XIV Goethe alors conçut Werther, et personnifia ses propres sentiments dans ce personnage fantastique. […] Qu’on ait regretté dans Goethe, homme, l’absence de cette sensibilité qui fait aimer et souffrir, nous le concevons ; mais qu’on ait reproché à Goethe, artiste, son impassibilité presque divine, nous ne le concevons pas ; l’impassibilité n’est-elle pas le signe de la force ? […] L’esprit humain n’avait jamais osé, même dans l’antiquité, concevoir un pareil drame. […] XIX Quoi qu’il en soit, Goethe eut ce bonheur de trouver son drame tout conçu dans l’esprit des peuples et tout popularisé dans l’oreille même des enfants que la lanterne magique des poètes de rue familiarisait dès le berceau avec le docteur Faust et le diable.
XIII Il conçut dans son grenier une tragédie de Cromwell ; mais il n’était pas né poète, le vers l’embarrassait : il succomba sous l’effort. […] Il écrivit ses Contes drolatiques, ouvrage de mosaïque très habilement conçu et exécuté, qui lui firent une réputation de mauvais aloi et quelque argent. […] Il conçoit la Comédie humaine, sujet que nous avons tous conçu, le poème épique universel sous forme de romans successifs. […] Une jeune et aimable étrangère, une de ces femmes dont l’imagination est une puissance, conçut pour lui une ardente passion.
. — Pour essayer ce parer autant que possible aux défauts de cette pièce, il imagina, dans les premiers mois de 1851, de mettre sur la scène la jeunesse ce Siegfried (telle qu’il l’avait déjà conçue dans son Esquisse de drame), et de montrer dans cet autre opéra quelques-uns des exploits dont on parlait dans le premier ; il écrivit donc un poème d’opéra intitulé le Jeune Siegfried, qu’il termina le 24 juin 1851. […] Un exemple frappant est la mélodie conçue pour caractériser Boudha, le renonciateur (dans les Vainqueurs), qui s’épanouit maintenant dans la scène de l’évocation d’Erda, lorsque Wotan déclare renoncer au pouvoir en faveur de « l’Éternel Jeune ». […] Déjà pendant qu’il faisait la première esquisse de la musique de la Walküre, et avant qu’il n’en commençât l’instrumentation, Wagner avait conçu le drame de Tristan et Isolde ; c’était en octobre-novembre 1854 (Correspondance Liszt-Wagner, 11, 46). Lorsqu’en 1856, la partition de la Walküre étant terminée, il s’agit pour le maître de se mettre à la partition de Siegfried, il avait à lutter non seulement contre « la lassitude engendrée par ce long travail sans but visible », mais surtout contre l’obsession de ce nouveau projet de drame, Tristan, et du drame les Vainqueurs, qu’il venait de concevoir, en mai 1856. — Le 12 juillet 1856, il écrit à Liszt : « J’espère bientôt commencer Siegfried, mais au fond je préférerais de ce moment écrire des poèmes… j’ai deux magnifiques sujets de drames, Tristan et les Vainqueurs. » Toutefois Wagner se mit à la partition de Siegfried vers la fin de 1856. […] Œuvres contemporaines Je vais rapidement énumérer les principales ouvres de Wagner qui d’une façon ou d’une autre se rattachent à cette époque de trente ans, soit qu’elles aient été conçues et exécutées en entier entre 1844 et 1874, soit qu’elles aient été terminées après 1844 ou commencées avant 1874.
périsse à jamais la nuit qui m’a conçu, Et le sein qui m’a donné l’être, Et les genoux qui m’ont reçu ! […] Maintenant dans l’oubli je dormirais encore, Et j’achèverais mon sommeil Dans cette longue nuit qui n’aura point d’aurore, Avec ces conquérants que la terre dévore, Avec le fruit conçu qui meurt avant d’éclore, Et qui n’a pas vu le soleil. […] N’est-ce pas la fable de Dieu lui-même, la fable qu’il a conçue, qu’il a ourdie, qu’il a variée pendant des milliers de jours sur des myriades de créatures ? […] » est-ce que cette exclamation désespérée du poète grec peut être mise en parallèle avec ce flux blasphématoire du cœur de Job, quand il s’écrie, dans une apostrophe aussi intarissable que les douleurs de l’humanité : « Périsse le jour où il a été dit : Un homme a été conçu ! […] Je comprends, comme Job, que l’âme, irritée et indignée au commencement de son supplice, sans savoir pourquoi elle l’a mérité, appelle son Créateur en jugement devant l’éternelle équité révoltée en elle, et qu’elle lui dise : « Maudit soit la nuit où un homme a été conçu. » Le blasphème contre l’existence est un péché, mais c’est le plus noble des péchés, car c’est le plus courageux et le plus fier ; c’est le cri du supplicié interpellant et défiant son bourreau dans le supplice ; c’est le péché des braves, et non des lâches : il a sa grandeur au moins dans sa folie.
Je vais vous dire comment je devins poète, ou plutôt comment je conçus ce goût pour la poésie qui fit de moi, non pas un véritable et grand poète, mais un de ces hommes qu’on appelle en italien un dilettante, en français un amateur de poésie et de littérature ; car je ne me fais aucune illusion, et je ne me suis jamais donné à moi-même, en poésie, une autre importance et un autre nom. Un poète véritable, selon moi, est un homme qui, né avec une puissante sensibilité pour sentir, une puissante imagination pour concevoir, et une puissante raison pour régler sa sensibilité et son imagination, se séquestre complétement lui-même de toutes les autres occupations de la vie courante, s’enferme dans la solitude de son cœur, de la nature et de ses livres, comme le prêtre dans son sanctuaire, et compose, pour son temps et pour l’avenir, un de ces poèmes vastes, parfaits, immortels, qui sont à la fois l’œuvre et le tombeau de son nom. […] Si j’avais concentré toutes les forces de ma sensibilité, de mon imagination, de ma raison, dans la seule faculté poétique ; si j’avais conçu lentement, écrit paisiblement, retouché sévèrement mon épopée sur un de ces grands et éternels sujets qui touchent à la fois à la terre et au ciel ; si j’avais semé à travers les dogmes et les hymnes de la philosophie religieuse ces épisodes d’héroïsme, de martyres et d’amour qui font couler autant de larmes que de vers dans les épopées du Tasse, de Camoëns ou du Dante ; si j’avais encadré mes drames épiques dans ces grandioses descriptions du ciel astronomique ou dans ces descriptions de la nature pastorale et maritime, de la terre et de la mer ; si j’avais emprunté les pinceaux et les couleurs tour à tour des grands poètes épiques de l’Inde, d’Homère, de Virgile, de Théocrite, et si j’avais répandu à grandes effusions toute la tendresse et toute la mélancolie de l’âme moderne d’Ossian, de Byron ou de Chateaubriand, dans ces sujets ; je me flatte, sans doute, mais je crois, de bonne foi, que j’aurais pu accomplir quelque œuvre, non égale, mais parallèle aux beaux monuments poétiques de nos littératures. […] À défaut d’autres passions que mon cœur ne pressentait pas encore, je concevais une sourde et fervente passion de la nature, et, à l’exemple de mon surveillant muet, au fond de la nature j’adorais Dieu. […] « Conçoit-on bien ce que serait une scène de la nature si elle était abandonnée au seul mouvement de la matière ?
Si l’on admet par analogie que les nations sont les organes d’un vaste corps qui est l’humanité, il faudra concevoir que certains de ces organes sont à peine à la première phase de leur croissance, que d’autres se sont arrêtés dans leur évolution, que d’autres encore rétrogradent, que ceux-ci sont dans l’adolescence, ceux-là dans l’âge mûr, quelques-uns enfin tout près de la vieillesse. — Singulier animal en vérité ! […] Bien plus, comme il faut peut-être plus d’effort intellectuel pour établir entre deux idées un rapport artificiel et sophistique que pour concevoir simplement les liens naturels qui les unissent, j’en conclurais que le travail cérébral est plus considérable dans le premier cas, et qu’ainsi l’habitude du sophisme doit plutôt exercer et élargir l’organe de la pensée. […] L’humanité conçoit, obscurément d’abord, plus clairement à mesure qu’elle avance, un idéal de science, de justice, de perfection. […] De là sans doute la doctrine de la métempsychose, qui fait circuler les âmes humaines à travers toutes les formes animales ; de là, jusque chez Aristote, cette opinion étrange que les abeilles participent, comme nous, à l’intellect actif, parce qu’elles sont capables de concevoir la régularité abstraite de certaines figures géométriques ; de là ce symbolisme qui, au moyen âge, figurait les vices et les vertus des hommes, le bien ou le mal, par les habitudes vraies ou supposées des animaux. […] Mais si l’on considère la crédulité presque sans mesure de Pline, l’un des plus grands naturalistes de l’antiquité, et la puérilité des récits d’Elien ; si l’on se rappelle Roger Bacon (celui qui eut peut-être, au moyen âge, l’intuition la plus nette de la méthode scientifique), croyant encore que le regard du basilic est mortel, que le loup peut enrouer un homme s’il le voit le premier, que l’ombre de l’hyène empêche les chiens d’aboyer, que l’oie bernache riait des glands d’une espèce de chêne ; quand, en 1680, Pierre Rommel affirme avoir vu à Fribourg un chat qui avait été conçu dans l’estomac d’une femme et avoir connu une autre femme qui avait donné naissance à une oie vivante ; quand, enfin, jusqu’au XVIIIe siècle, on a cru voir dans les fossiles l’effet d’une fécondation des roches par un certaine souffle séminal s’infiltrant sous terre avec les eaux, — il est difficile de ne pas éprouver quelque admiration pour le sens critique dont fait preuve Aristote.
Il eût été incapable de concevoir et de créer le Docteur Herbeau. […] C’était une audace singulière que de concevoir un roman sans amour. […] Zola dans ses espérances, et lui faire concevoir un doute sur leur succès ? […] Mais nous ne concevons pas qu’on ait mis ici la morale en cause. […] Il a conçu le système et l’a formulé en quelques lignes nettes, claires, positives.
Dans ces initiations successives, il se dépouille de son aubier, agrandit l’horizon de sa vie, et finit par concevoir la superposition des couches humaines qui composent la société. […] Patient, actif, énergique, constant, rapide dans ses expéditions, il avait un coup d’œil d’aigle, il devançait tout, prévoyait tout, savait tout, cachait tout ; diplomate pour concevoir, soldat pour marcher. […] Combien d’espérances longtemps conçues avec mille élancements d’âme et détruites en un jour ! […] « Mon père conçut quelques doutes sur la portée de l’enseignement oratorien, et vint m’enlever de Pont-Levoy pour me mettre à Paris dans une institution située au Marais. […] Parcourez ces cent volumes de ses œuvres jetés avec profusion de sa main jamais lasse, et concluez avec moi qu’un seul homme en France était capable d’exécuter ce qu’il avait conçu, la Comédie humaine, ce poème épique de la vérité !
Marcel Schwob De petites pages comme frottées de ciguë, entre lesquelles ont séché des brins d’ancolie, semées de mots suraigus et blêmes ; des phrases aux contours rapides, semblables à de simples coups de pinceau qui suggèrent tous les gestes de la vie par une ligne grasse ; des perversités promptes et acérées, et qui entrent en agonie dès qu’elles ont été conçues ; un monde minuscule de drames brefs, haletants, qui tournoient follement ainsi que des petites toupies dans leurs derniers circuits ; des sentiments éphémères comme les renouveaux lassés des fins de passion.
Villemain n’eut pas de plus constante pensée que de faire rendre aux couvents grecs les chefs-d’œuvre qu’ils pouvaient receler encore, et, si cette investigation, conçue et dirigée par lui, prouva que les chefs-d’œuvre inédits sont devenus bien rares, elle rendit au moins à la science des textes de première importance pour l’histoire de l’esprit humain.