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441. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Nouveaux voyages en zigzag, par Töpffer. (1853.) » pp. 413-430

Le présent volume, digne du précédent, contient trois excursions pédestres, l’une ancienne, de 1833, à la Grande-Chartreuse, l’autre à Gênes et à la Corniche ; mais surtout on y voit la dernière grande excursion que Töpffer a conduite au cœur de la Suisse, la plus importante, celle du moins où, comme en prévision de sa fin prochaine, il a rassemblé le plus de souvenirs, de résultats d’observation ou d’expérience, son Voyage de 1842 autour du Mont-Blanc et au Grimsel. […] Cependant, peu à peu, il s’enhardira ; et lui qui, au fond de son cœur, peut se dire : Je suis peintre aussi ! […] Là même où il s’élève jusqu’à cette troisième et haute région où tout semble écraser l’homme et où la vie sous toutes ses formes se retire, Töpffer trouve encore un sens correspondant au cœur en ces effrayantes sublimités. […] De bonne heure j’ai voulu écrire, et j’ai écrit ; mais sans me faire illusion sur ma médiocrité et mon impuissance, uniquement pour ce charme de composer, d’exprimer, de chercher aux sentiments, aux pensers, aux rêves de choses ou de personnes, une façon de les dire à mon gré, de leur trouver une figure selon mon cœur. […] Mais à l’hospice du Saint-Bernard, c’est différent : l’hospitalité cordiale l’a gagné, et aussi l’aspect de l’humble foule agenouillée le jour de la fête du couvent l’a pris au cœur.

442. (1899) Le préjugé de la vie de bohème (article de la Revue des Revues) pp. 459-469

Tout soulève le cœur dans ce récit. Les tours de rapins y sont plus grossiers que comiques, les tirades sentimentales et amoureuses y sont d’une platitude amphigourique tout à fait digne des rez-de-chaussée de petits journaux, les rares expositions d’idées artistiques y font pleurer par leur insignifiance ; ces artistes parlent comme des coiffeurs et ne produiront jamais rien ; ils sont fainéants et même sans cœur. […] Si quelqu’un doit être expert en attitudes simples et naturellement nobles, en nuances du cœur et de l’esprit, en charme, en propreté de tenue et de caractère, en goût sûr et sobre, c’est l’être qui, éloigné de tout sport brutal, de tout négoce et de toute violence, sert des intérêts abstraits, fait de la pensée et de la plastique sa principale étude. […] L’homme nouveau, riche de pensées, sobre de gestes, est fait pour réserver sa vie intime, haïr la vedette personnelle, et frapper la médiocratie en plein cœur par l’audace réfléchie, la résolution logique de ses idées, en soustrayant son visage à tout examen. […] Maint scandale ainsi survenu nous serra douloureusement le cœur.

443. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — II. (Fin.) » pp. 206-223

Mme de Krüdener, qui n’était encore à cette date qu’une ambassadrice et une jolie femme, se mit à copier et à apprendre par cœur de longs passages d’Anacharsis ; Mme de Staël, qui venait d’écrire ses Lettres sur Jean-Jacques Rousseau et qui naissait à la célébrité, adressait à l’abbé Barthélemy, dans un souper, des couplets où résonnaient les noms de Sapho et d’Homère. […] Si vous voulez faire parler Platon au Sunium (ce qui est difficile), inspirez-vous de lui à l’avance, remplissez-vous de son esprit et de ses formes ; et alors, si l’imagination vous le dit, parlez de source et en toute abondance de cœur, improvisez un moment ; mais ne venez point citer de mémoire des centons cousus ensemble de ses pensées. […] Barthélemy, en voulant se forcer, confond tous les tons ; il s’y ressouvient, en commençant, des chœurs d’Esther et des psaumes hébreux de la captivité ; puis il parle au nom des cœurs sensibles de tous les temps et de tous les pays. […] J’applaudis de grand cœur à ces importations quand elles sont consciencieuses et fidèles, en me disant toutefois qu’elles sembleraient annoncer, en récidivant, une certaine disette originale, et qu’il ne les faut point prolonger. […] Chacun sait qu’il a célébré M. et Mme de Choiseul dans son ouvrage, sous les noms d’Arsame et de Phédime ; mais on n’a pas remarqué qu’il les loue en trois passages différents, au premier chapitre, à l’avant-dernier, et de plus au milieu et au cœur de l’ouvrage (chap. 

444. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « G.-A. Lawrence »

Après avoir lu ce mâle début de Lawrence dans l’observation du cœur humain et de la vie des classes élevées en Angleterre, je suis convaincu que je tiens là — non pas entièrement venu, mais très apparent déjà, — un maître dans l’ordre du roman, et, s’il n’a pas la conscience de cela, il faut que la Critiqué la lui donne. […] Et cependant l’admiration que nous avons pour le grand poète saigne dans nos cœurs quand nous voyons, en ses Mémoires, cette glace d’une magique beauté mais qui nous l’a tant rapetissé en le réfléchissant, qu’il eût pu, s’il avait voulu, arracher encore aux riens de son existence de dandy assez d’heures pour achever le Don Juan, ou pour nous écrire quelque autre poème comme Lara ou le Giaour. […] L’auteur de Guy Livingstone est idéal de sentiment et d’expression, de société et de caractère, dans un temps où nous nous mourons du mal de cœur de la réalité, qu’on nous donne pour l’art ou la vie ; il est idéal parce qu’il est un byronien d’abord et ensuite un dandy, préoccupé, comme tout dandy, de la beauté des attitudes de son orgueil ; il l’est encore parce que tous les caractères de son roman sont pris dans un milieu humain et social exceptionnel, parce que le high life est la vie des classes supérieures, qui valent mieux que les autres de cela seul (comme le mot le dit) qu’elles sont au-dessus. […] Ce Richard cœur de lion et articulation de lion, qui n’a pas, lui, les immensités d’une Croisade, comme les lions ont pour leurs bonds terribles les immensités du désert ; ce Plantagenêt civilisé, idéal de cette société mélangée de Saxon et de Normand qu’on appelle la société anglaise, mais bien plus Anglais de race et de physique que les héros de Lord Byron, dont le défaut peut-être est de n’avoir pas assez de physionomie historique ; Guy Livingstone a cependant, comme les héros de Byron, ce charme de la goutte de lumière dans l’ombre et d’une seule vertu parmi plusieurs vices qui a toujours ensorcelé l’âme des hommes et qui l’a transportée d’enthousiasme, bien plus, hélas ! […] à tout propos, les vers sublimes du poète : « Un soupir pour ceux qui m’aiment, un sourire pour ceux qui me haïssent, et, quel que soit le ciel au-dessus de ma tête, un cœur prêt pour tous les destins ! 

445. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « G.-A. Lawrence » pp. 353-366

Lawrence dans l’observation du cœur humain et de la vie des classes élevées en Angleterre, je suis convaincu que je tiens là, — non pas entièrement venu, mais très-apparent déjà, — un maître dans l’ordre du roman, et, s’il n’a pas la conscience de cela, il faut que la Critique la lui donne. […] Et cependant l’admiration que nous avons pour le grand poëte saigne dans nos cœurs quand nous voyons, en ses Mémoires, cette glace d’une magique beauté, mais qui nous l’a tant rapetissé en le réfléchissant, qu’il eût pu, s’il avait voulu, arracher encore aux riens de son existence de dandy assez d’heures pour achever le Don Juan ou pour nous écrire quelque autre poème, comme Lara ou le Giaour. […] L’auteur de Guy Livingstone est idéal de sentiment et d’expression, de société et de caractère, dans un temps où nous nous mourons du mal de cœur de la réalité, qu’on nous donne pour l’art ou la vie ; il est idéal, parce qu’il est un byronien d’abord et ensuite un dandy, préoccupé, comme tout dandy, de la beauté des attitudes de son orgueil ; il l’est encore parce que tous les caractères de son roman sont pris dans un milieu humain et social exceptionnel, parce que la high life est la vie des classes supérieures qui valent mieux que les autres, de cela seul (comme le mot le dit) qu’elles sont au-dessus. […] Ce Richard cœur de lion et articulation de lion, qui n’a pas, lui, les immensités d’une Croisade, comme les lions ont pour leurs bonds terribles les immensités du désert ; ce Plantagenêt civilisé, idéal de cette société mélangée de Saxon et de Normand, qu’on appelle la société anglaise, mais bien plus Anglais de race et de physique que les héros de lord Byron, dont le défaut peut-être est de n’avoir pas assez de physionomie historique, Guy Livingstone a cependant, comme les héros de Byron, ce charme de la goutte de lumière dans l’ombre et d’une seule vertu parmi plusieurs vices qui a toujours ensorcelé l’âme des hommes et qui l’a transportée d’enthousiasme, bien plus, hélas ! […] à tout propos, les vers sublimes du poëte : « Un soupir pour ceux qui m’aiment, un sourire pour ceux qui me haïssent, et, quel que soit le ciel au-dessus de ma tête, un cœur prêt pour tous les destins ! 

446. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

J’arracherai de mon cœur toute fibre qui n’est pas raison et art pur. […] que de souvenirs charmants je devrai arracher de mon cœur  ! […] J’irai plus loin, déesse orthodoxe, je te dirai la dépravation intime de mon cœur. […] Cette race a au cœur une éternelle source de folie. […] Revoir celui qu’elle avait vu officier de nuit chez elle, dans de si tragiques circonstances, lui faisait battre le cœur.

447. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre ix »

Chacun y peut songer, s’attendrir, s’enchanter à sa guise, et quand le prêtre entame le Pater noster, qui donc fermerait son cœur ? […] Comment se refuserait-il la douceur de répéter avec la foule, avec les meilleurs, le long des siècles, ce que son cœur lui suggère ce soir : Adveniat regnum tuum, Fiat voluntas tua.‌ […] Les privilégiés de la veille se voyaient dépouillés, devenus chacun unus multorum, un dans la foule, mais en même temps débarrassés, purifiés, guéris de la sécheresse de cœur. […] La France comprit l’unité de son cœur.

448. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

Il a été son amant de cœur et son protecteur en titre. […] Par moments le cœur réclame. […] car c’est l’optimisme qui est sans cœur. […] Coppée a mis ou laissé le plus de son cœur. […] Brunetière, et de grand cœur.

449. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

Les cœurs de pierre se sont fondus, les voilà devenus aussi tendres que de la chair. […] —  La liberté est un glorieux festin. —  Les cœurs ont été bâties pour les poltrons, —  les églises pour plaire au prêtre. […] James, si vous saviez comme mon cœur est fier, vous me plaindriez doublement ! […] Pour écrire un poëme indien, il faut être panthéiste de cœur, un peu fou et assez habituellement visionnaire ; pour écrire un poëme grec, il faut être polythéiste de cœur, païen à fond et naturaliste de métier. […] Sitôt qu’on lui avait récité une ballade du Border, il la savait par cœur.

450. (1940) Quatre études pp. -154

Il ignorait les effusions du cœur, les élans, et ces moments magnifiques où le poète n’a plus qu’à laisser conduire sa plume par son démon intérieur. […] Par l’art, les emportements d’un cœur qui veut s’enivrer de la beauté des choses seront surveillés et restreints. […] J’y découvre une Déesse majestueuse, qui d’un seul de ses regards se rend maîtresse de mon cœur. […] Elle renaîtra, parce qu’il y a toujours, au fond des cœurs, une demande de poésie. […] L’homme de sentiment est un tourmenté, un anxieux : il sent au fond de son cœur une perpétuelle agitation ; il est travaillé par le désir.

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