Qu’on se figure les Contrebandiers chantés dans la montagne du Jura, Jeanne la Rousse chantée dans un village des Ardennes, le Vieux Vagabond aux guinguettes des barrières, et le Pauvre Jacques dans chaque bourgade ? […] L’attente était grande, bruyante, mais non orageuse ; des sentiments divers planaient en rameur sur cette multitude passionnée ; on demandait le Chant du Départ, on chantait la Marseillaise ; puis la toile, se levant avec lenteur, découvrit une vue merveilleuse de Venise que saluèrent mille applaudissements : « Admirable jeunesse, me disais-je, qui trouves place en toi pour toutes les émotions, qui aspires et t’enflammes à tous les prestiges ; va, tu seras grande dans le siècle, si tu sais ne pas trop t’égarer, si tu réalises bientôt le quart seulement de ce que tu sens, de ce que tu exhales à cette heure !
— « Divines branches », — chantait la foule, — « qui portez des figues et des pains friands ! […] Ils chantaient ses louanges à tue-tête, sur le mode boiteux de l’Iambe qui simulait les titubations de l’ivresse ; ils mimaient les épisodes glorieux ou douloureux de ses mythes. […] Le Dithyrambe se lasse de tourner le pressoir sanglant et capiteux de Bacchus ; il rompt sa chaîne festonnée de pampres, jette son lierre au vent, et va chanter et pleurer, souffrir et s’émouvoir chez les hommes, Le fameux cri de détresse que répéteront longtemps les vieux pontifes du passé : Ουδεν προς Διόνυτον ?
Tandis que dans Rome Tacite écrivait l’histoire, que Pline célébrait Trajan, que Quintilien professait l’éloquence, que Martial cultivait la poésie légère, que Stace chantait les héros, et Juvénal, ardent et sombre, poursuivait, avec le glaive de la satire, les crimes des Romains, à l’autre extrémité de l’empire, dans l’Ionie, la Grèce et une partie de l’Asie, les orateurs grecs, qu’on nommait sophistes, jouaient le plus grand rôle, et remplissaient quelquefois de l’admiration de leur nom les villes et les provinces ; ce qui les distinguait, c’était l’art de parler sur-le-champ avec la plus grande facilité. […] Il chantait les Antonins, comme Achille chantait les héros ; et ce qui était tout à la fois plus difficile et plus grand, il les imitait.
« Je chanterai la Terre, mère universelle, base inébranlable, qui nourrit toute chose ici-bas. […] Ce nom continua de vivre dans la mémoire poétique de la Grèce, souvent blâmé par les philosophes, mais cité, chanté dans toutes les fêtes : et, lorsque la Grèce libre et parlant à la tribune et sur le théâtre eut cessé, lorsque sa langue et son génie ne furent plus qu’un luxe de cour et une étude de cabinet dans Alexandrie et les villes grecques d’Asie, nul monument de l’art antique ne fut plus imité, plus commenté que le hardi génie d’Archiloque. […] Il en avait fait la musique comme les paroles, et le chanta lui-même aux fêtes olympiques, où il obtint la palme vers la quinzième olympiade, près de deux siècles avant Pindare, au temps duquel ce poëme se redisait encore à l’ouverture des jeux.
Tous chantaient exclusivement l’amour, cette éternelle inspiration du cœur. […] Quels que soient les innombrables défauts de ce poème épique du Dante dans la fable, on ne peut nier que ce ne fût, à l’époque où il vivait, et encore à la nôtre, le seul véritable texte d’une vaste épopée qui restât à chanter aux hommes. […] Je comprends comment il fut amené par la force et par la justesse de son esprit à chanter le monde invisible. […] Le ciel païen, les héros fabuleux, l’Olympe, la terre, la mer, la guerre, les naissances et les chutes d’empires, la nature physique et la nature morale avaient été décrites et chantées par les poètes prédécesseurs de l’époque chrétienne. […] Pour comprendre le poème du Dante, il faudrait ressusciter toute la plèbe florentine de son époque (qui l’exila, le brûla en effigie et rasa sa maison) ; car ce sont les croyances, les popularités et les impopularités de cette plèbe qu’il a chantées.
Cela, avec la mort de sa mère (Catherine de Médicis), me ferait bien chanter le Cantique de Siméon. » On voit que Henri ne dissimule point ses premiers mouvements, et qu’il écrit quelquefois ce que le bon goût du moins commanderait de retenir. […] Contremont vont les grands bateaux jusques à Niort, où il y a douze lieues ; infinis moulins et métairies insulées ; tant de sortes d’oiseaux qui chantent ; de toute sorte de ceux de mer : je vous en envoye des plumes. […] qu’il y fait bon chanter ! […] Je sais ce qu’on doit à Pline et à ce dieu révéré du Clitumme, avec ce petit temple de marbre blanc et ces chapelles d’alentour que l’on voyait étinceler à travers les bouquets de verdure, — fond de paysage du Poussin ; — mais y a-t-il rien d’aussi doux et d’aussi pénétrant au cœur que ce pays tout naturel, cette petite Hollande et cette Venise sans nom, cette humble marine bocagère, où il fait si bon chanter, où l’on se peut réjouir avec ce qu’on aime, et plaindre une absence ?
La musique se mariait à ses vers ; on le chantait sur les instruments, et il devenait aussi populaire qu’il pouvait l’être : « Quand notre Mabile de Rennes, lit-on dans les Contes d’Eutrapel, chantait un lai de Tristan le Léonnais sur sa viole, ou une ode de ce grand poète Ronsard, n’eussiez-vous juré que celui-ci, sous le désespoir de sa Cassandre, se voulût confiner et rendre en la plus étroite observance et ermitage qui soit sur le Mont-Serrat ?… » Ainsi chanté par Mabile, Ronsard faisait reflet d’un amoureux passionné. […] Tu t’es mis dès lors au plain-chant de la messe ; mais depuis ce temps-là ce n’est plus ta muse, c’est ta messe qui chante.
Il ne se peut de contraste plus grand dans l’inspiration et dans le motif de chanter, j’y insiste, qu’entre M. […] Quand l’auteur des Épaves dit à son jeune ami : Vis et chante à l’écart ; dans tes rimes heureuses, Réfléchis les splendeurs du tranquille univers ; A la fleur, à la femme, à ces choses trompeuses, Ne prends que les parfums qu’il te faut pour tes vers ; quel poëte voudrait suivre à la lettre ce conseil après avoir lu M. […] Lui aussi il a aimé, il a souffert, et il chante. […] Lerambert j’aurais bien plutôt à représenter qu’après avoir souffert il ne suffit pas de chanter purement, mélodieusement, avec sensibilité et avec goût, qu’il faut encore, pour être entendu, hausser le ton et le pousser même jusqu’au cri.
Je cite quelques passages essentiels de cette préface : « Aux temps primitifs, … l’homme chante comme il respire… Il est jeune, il est lyrique. […] Elle chante les siècles, les peuples, les empires. […] L’ode chante l’éternité, l’épopée solennise l’histoire, le drame peint la vie… L’ode vit de l’idéal, l’épopée du grandiose, le drame du réel. […] La société, en effet, commence par chanter ce qu’elle rêve, puis raconte ce qu’elle fait, et enfin se met à peindre ce qu’elle pense… Une observation importante : nous n’avons aucunement prétendu assigner aux trois époques de la poésie un domaine exclusif, mais seulement fixer leur caractère dominant.
Le public a trouvé fort bons les couplets en style montagnard chantés par madame Casimir (Rendez-moi ma patrie) Je ne veux pas gêner le public. […] Il me semble pourtant, — et la chose ne date pas de si loin pour que j’en aie perdu la mémoire, — que Berlioz chantait une autre gamme, le soir de la réouverture de l’Opéra. […] Jourdan et de madame Meillet, qui ont, dit-il, parfaitement chanté leurs soli de l’Enfance du Christ. […] Rovray-Tant mieux a pris sa lyre et chanté un dithyrambe en l’honneur de Verdi ; Fiorentino-Tant pis s’est armé d’un fleuret moucheté (encore je n’en voudrais pas répondre !) […] Baudillon qui, ce jour-là, n’était pas en fond d’épithètes flamboyantes, se borna à enregistrer un succès « sans exemple » à l’Opéra-Comique, et à dire que mademoiselle Lefebvre avait joué comme Saint-Aubin et chanté comme Persiani.