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405. (1911) Jugements de valeur et jugements de réalité

Nous savons aujourd’hui que non seulement l’idéal varie selon les groupes humains, mais qu’il doit varier ; celui des Romains n’était pas le nôtre et ne devait pas être le nôtre, et l’échelle des valeurs change parallèlement. […] La preuve en est qu’une même chose peut ou perdre la valeur qu’elle a, ou en acquérir une différente sans changer de nature : il suffit que l’idéal change.

406. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Prosper Mérimée »

Il se vante, il est vrai, en ces Lettres qui le changent, non plus en nourrice, mais en tombe, d’avoir été trois ans un damné mauvais sujet ; mais, outre que les passions ne sont pas plus de l’âme que les servantes ne sont leurs maîtresses, quoique les mauvais sujets les leur préfèrent souvent, un homme qui, comme feu Mérimée, passa toute sa vie à avaler des dictionnaires et des grammaires, à visiter des musées, à gratter la terre pour y trouver des antiques, à monter et à descendre des escaliers pour entrer ès Académies, à galoper et à valeter sur toutes les routes, comme un courrier de malle-poste, dans l’intérêt de l’art et des gouvernements, à rapporter au Sénat et à charader pour l’Impératrice, était attelé à trop de besognes pour avoir le temps de regarder du côté de son cœur pour s’attester qu’il en avait un… Eh bien, c’était là une erreur ! […] Pauvre homme maltraité et vexé, il se contente de grogner éternellement contre sa belle, d’un grognement monotone qui n’a jamais pu l’amener à changer de façons et à devenir bonne fille pour lui, seulement une fois ! […] Je ne l’y trouve pas changé du tout, ni agrandi, ni engraissé, ni plus fort en esprit, ni plus fort en âme qu’il n’était, comme l’affirme et le soutient une Critique un peu trop forte en gueule, elle !

407. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Macaulay »

Mais s’il n’avait pas les maladies ou les affectations de l’esprit anglais, Macaulay dut en avoir les préoccupations de bonne heure, et ces préoccupations n’entravèrent pas seulement, mais changèrent entièrement le développement de son génie. […] tout ce que j’ai exposé dans ce chapitre n’a pas changé l’opinion que j’exprimais en le commençant. […] Notre admiration pour les grandes et quelquefois charmantes qualités du critique de la Revue d’Édimbourg se changeait en colère, parce qu’il ne restait pas toujours dans le jour seyant à son talent, parce qu’il semblait faire défection à ses propres facultés en faisant défection à la littérature, et qu’il troublait, en introduisant la politique dans son œuvre, le jugement qu’on devait en porter.

408. (1900) La province dans le roman pp. 113-140

Elle essaye de donner le change, parce qu’elle sait qu’une femme d’esprit qui s’ennuie n’a pas tout à fait assez d’esprit. […] Je pourrais prendre l’un après l’autre les différents rôles classiques du provincial : le petit marchand des villes, le gros marchand enrichi, le châtelain ignorant et vaniteux, le châtelain pauvre, le châtelain grand seigneur, les femmes surtout qui se ressemblent presque toutes dans les romans dits provinciaux, mal habillées, sentimentales, courtes d’intelligence, de dévotion étroite, intimidées et hypnotisées à la seule vue d’une Parisienne ; je pourrais prendre ces personnages et montrer que, sauf de bien légères nuances, ils n’ont pas changé en passant de livre en livre, qu’ils sont au fond les mêmes et comme immuables dans la littérature depuis trois siècles. […] Ô reine Berthe qui filiez avec vos demoiselles d’atours, que les temps sont changés !

409. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — VI. Le canari merveilleux. »

Or ces petits canaris blancs n’étaient autres que des aigrettes qui, à chaque jour de marché, se changeaient en canaris pour vivre un peu au milieu des hommes.

410. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

Tant que la guerre étrangère est allumée contre un État qui change sa constitution, l’intérêt commun réunit toute l’activité des passions populaires dans la défense du territoire. […] La Grèce et Rome, en passant de l’empire des rois sous celui des archontes et des consuls, ne virent changer ni leurs différents cultes, ni le fond de leurs usages et de leurs mœurs. […] Leur pouvoir est établi sur le cœur de l’homme, qui ne change point. […] Les notions du juste et de l’injuste sont-elles changées depuis Socrate, comme le système d’Anaxagore, de Thalès et de Démocrite ? […] Les Dieux exaucent sa prière ; ils le changent en fleuve, et, sous cette nouvelle forme, ses eaux versent encore l’abondance au pays dont ses vertus avaient fait le bonheur.

411. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Ô Monseigneur, depuis vous, la comédie est bien changée ! […] Molina enseigne que les religieux peuvent changer d’habit sans pécher, quand ils veulent aller à la comédie ou autre part. […] Comme il est changé, le malheureux ! […] En effet, toutes les puissances ont changé de place. […] Mais soudain, et par une péripétie très naturelle, très vraisemblable et très inattendue, la scène change.

412. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 48-49

Une vanité mal éclairée a donc pu seule le porter à changer son nom en celui de Delisle, & Moliere a eu raison de tourner en ridicule cette foiblesse.

413. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 294-295

Pour mieux oublier Egerie, J’y courus hier vainement ; A force de changer d’Amant, L’infidelle l’avoit tarie.

414. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre II. — De la poésie comique. Pensées d’un humoriste ou Mosaïque extraite de la Poétique de Jean-Paul » pp. 97-110

. — Moins une nation ou une époque est poétique, plus elle change facilement la comédie en satire. Moins une nation ou une époque est morale, plus elle change facilement la satire en comédie157. — À la base de quelques-unes de leurs œuvres comiques les Français ont mis le sérieux du vice, et dans les autres ils ont supprimé la vertu et le vice, en faisant passer sur le vice, la vertu et toutes choses, l’esprit, ce niveleur universel158.

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