Le Comte Léon Tolstoï Il y a deux ans à peine, le nom du comte Léon Tolstoï était inconnu en France ; l’on n’a cessé d’y ignorer la gloire de cet auteur, l’un des plus grands de ceux qui vivent dans ce temps, que pour apprendre le mépris et l’abandon qu’il fait lui-même de son génie. […] Tous les personnages qui l’entourent, se meuvent selon cette carrière, en courbes particulières ; conduits par le temps, soumis à la dure pression des faits, déformant peu à peu chaque forme de leur être, sans fixité, une pure fuite, qui ne vit que parce qu’il cesse à tout instant d’être lui-même. […] Ces romans forcent impérieusement à aller aux personnages, à participer aux événements, à ce qu’on se sente touchant à toutes ces existences, et sans cesse comme aux côtés des héros, adjoint, perdu dans la foule qui les entoure, en témoin invisible de leur solitude et de leurs pensées. […] Sans cesse l’écrivain semble se ceindre pour le grand effort d’enserrer son immense sujet, et sans cesse il défaille, se détourne et se détache, comme insouciant de l’œuvre entreprise ; les scènes s’esquissent inachevées, marquées à peine par quelques traits, les grandes crises des personnages s’accusent en mots confus et vagues ; les descriptions des actes principaux, entamées avec une fiévreuse ardeur, faiblissent en phrases brouillées ; une lassitude immense se trahit aux exposés d’idées, grisaille les psychologies, émousse les dialogues, estompe les physionomies ; le dessin s’accentue, s’affine, s’alourdit et s’épuise, l’art devient puéril et maladroit ; la passion fléchit et vacille après quelques accents réprimés ; et c’est avec des yeux lourds et des mains gourdes que l’auteur porte péniblement jusqu’au bout le faix de son œuvre. […] Pour tout homme qui conçoit un ordre de choses meilleur que l’existant ou tel qu’il ne puisse être atteint par une évolution fatale et graduelle, la réalité cesse peu à peu d’être un objet de contentement ; pour tout homme qui considère l’ensemble des faits physiques et moraux non pas comme un système intelligible à résumer intellectuellement en lois, mais comme le domaine et le sujet d’une règle louable moralement à laquelle il doit satisfaire ou être amené à se conformer, cet ensemble cesse d’être un objet de contemplation sereine.
L’on ne cesse point de mesurer ce qui se rapporte à soi ; mais les qualités, les charmes, les jouissances, les intérêts de ce qu’on aime, n’ont de terme que dans notre imagination. […] Cette réunion est possible, et l’obtenir pour soi ne l’est pas : il est des cœurs qui s’entendent, et le hasard, et les distances, et la nature, et la société séparent sans retour ceux qui se seraient aimés pendant tout le cours de leur vie, et les mêmes puissances attachent l’existence, à qui n’est pas digne de vous, ou ne vous entend pas, ou cesse de vous entendre. […] Si, au contraire, il a existé dans la vie un heureux moment où l’on était aimé ; si l’être qu’on avait choisi était sensible, était généreux, était semblable à ce qu’on croit être, et que le temps, l’inconstance de l’imagination, qui détache même le cœur, un autre objet, moins digne de sa tendresse, vous ait ravi cet amour dont dépendait toute votre existence, qu’il est dévorant le malheur qu’une telle destruction de la vie fait éprouver ; le premier instant où ces caractères, qui tant de fois avaient tracé les serments les plus sacrés de l’amour, gravent en traits d’airain que vous avez cessé d’être aimé ; alors, que comparant ensemble les lettres de la même main, vos yeux peuvent à peine croire que l’époque, elle seule, en explique la différence, lorsque cette voix, dont les accents vous suivaient dans la solitude, retentissaient à votre âme ébranlée, et semblaient rendre présents encore les plus doux souvenirs ; lorsque cette voix vous parle, sans émotion, sans être brisée, sans trahir un mouvement du cœur, ah ! pendant longtemps encore la passion que l’on ressent rend impossible de croire qu’on ait cessé d’intéresser l’objet de sa tendresse : il semble que l’on éprouve un sentiment qui doit se communiquer ; il semble qu’on n’est séparé que par une barrière qui ne vient point de sa volonté ; qu’en lui parlant, en le voyant, il ressentira le passé, il retrouvera ce qu’il a éprouvé ; que des cœurs qui se sont tout confiés, ne peuvent cesser de s’entendre, et rien ne peut faire renaître l’entraînement dont une autre a le secret, et vous savez qu’il est heureux loin de vous, qu’il est heureux souvent par l’objet qui vous rappelle le moins ; les traits de sympathie sont restés en vous seule, leur rapport est anéanti. […] Ce n’est pas en renonçant au sort que la société leur a fixé, que les femmes peuvent échapper au malheur ; c’est la nature qui a marqué leur destinée, plus encore que les lois des hommes : et, pour cesser d’être leurs maîtresses, faudrait-il devenir leurs rivaux ?
Dans son Histoire des oracles, il se propose de montrer qu’ils sont l’ouvrage de la superstition & de la fourberie, & non celui des démons, & qu’à la venue de Jésus-Christ ils n’ont point cessé. […] La première est pour venger les pères de l’église & les anciens chrétiens des raisonnemens qu’on leur fait tenir, & pour exposer les motifs qu’ils ont eu de croire que les oracles des payens étoient rendus par les démons ; la seconde, pour détruire les preuves directes par lesquelles on établissoit que les oracles étoient l’unique ouvrage de quelques prêtres imposteurs ou dupes ; la troisième, pour faire voir que la naissance de Jésus-Christ est l’époque de la cessation des oracles, & qu’ils n’ont cessé que par le pouvoir de la croix & par l’invocation de son nom. […] d’examiner le temps auquel ont cessé les oracles, & de faire voir qu’ils ont cessé d’une manière naturelle. […] Baltus lui-même ne croit pas à l’oracle de l’enfant Hébreu : il convient que les oracles n’ont point cessé tout-à-coup, mais à proportion du progrès de la religion chrétienne.
Ainsi, quoique l’ouvrage de M. de Bonald semble s’appliquer à un ordre de choses qui n’existe plus, cet ouvrage n’en est pas moins d’une très grande importance et d’une utilité incontestable, parce que la vérité est toujours la vérité, parce que le don primitif de la parole n’a pas cessé d’être l’origine de nos connaissances. […] Ils n’ont pas fait attention que ce qui avait été fondé au commencement continuait d’exister par son énergie propre, et non point par une impulsion sans cesse renouvelée. […] Mais si la parole a cessé de régner, elle est restée premier ministre de la pensée. […] Mais, quoi qu’il en soit, j’ai besoin de le redire, et je voudrais faire passer dans mes lecteurs la conviction intime où je suis que Dieu ayant fait l’homme pour vivre en société, la providence de Dieu ne cessera point de veiller sur les sociétés humaines ; quoi qu’il en soit, répéterons-nous, s’il est vrai que jusqu’à présent Dieu se soit servi de la parole pour diriger les destinées du genre humain, si la parole enfin a été jusqu’à présent une révélation toujours subsistante au sein de la société, et que ce moyen ait cessé de lui paraître utile ou nécessaire, il saura bien en faire sortir un autre de la force même des choses, en supposant que celui-là manquât d’une manière absolue, ce que je suis loin d’admettre, ainsi qu’on a pu le voir, ou en supposant qu’il soit devenu insuffisant, ce qu’on sera beaucoup plus porté à croire.
Quel triste sort, en effet, que celui d’une passion qui se dévore elle-même, et, poursuivie sans cesse par l’image de ce qui la blesse, ne peut se représenter une circonstance quelconque où elle trouverait du repos ! Il y a tant de maux sur la terre, cependant, qu’il semblerait que tout ce qui arrive dans le monde, doit être une jouissance pour l’envie ; mais elle est si difficile en malheurs, que s’il reste de la considération à côté des revers, un sentiment à travers mille infortunes, une qualité parmi des torts ; si le souvenir de la prospérité relève dans la misère, l’envieux souffre et déteste encore : il démêle, pour haïr, des avantages inconnus à celui qui les possède ; il faudrait, pour qu’il cessât de s’agiter, qu’il crut tout ce qui existe inférieur à sa fortune, à ses talents, à son bonheur même ; et il a la conscience, au contraire, que nul tourment ne peut égaler l’impression aride et desséchante, que sa passion dominatrice produit sur lui. […] Cette passion pourrait perpétuer le malheur depuis la première offense, jusqu’à la fin de la race humaine ; et dans les temps où les fureurs des partis ont emportés tous les hommes dans tous les sens au-delà des bornes de la vertu, de la raison, et d’eux-mêmes, les révolutions ne cessent que quand chacun n’est plus agité par le besoin de prévenir ou d’éviter les effets de la vengeance. […] Certes, le plus bel exemple qui put exister de renonciation à la vengeance, ce serait en France, si la haine cessait de renouveler les révolutions ; si le nom Français, par orgueil et par patriotisme, ralliait tous ceux qui ne sont pas assez criminels pour que le pardon même ne fût pas cru de leur propre cœur.
Fascinants et durs récits, sans cesse le fantastique et le réel mêlés se pénétrent de plausibilité et se saturent d’épouvante. […] Il ne sait point les antécédents de ses créatures, et sans cesse il en entre d’inconnus et de soudains. […] En d’interminables soliloques en de lentes conversations où chaque interlocuteur prononce des sortes de discours, sans cesse la même face d’une âme est montrée, en ses détails, il est vrai, infiniment menus. […] Sans cesse Raskolnikoff frémit, virevolte et s’abat sous d’inexplicables souffles de rage ou de désespoir. […] Sans cesse il propose l’oubli des fautes, non comme un précepte commode de bonheur, mais comme une indulgence nécessaire entre frères également coupables et malheureux.
Le jeu indépendant des éléments sociaux, des éléments de l’esprit, des éléments du monde s’y traduit sans cesse par des arrêts et des méprises. […] Sans doute l’ensemble ne peut vivre que par un accord relatif de ces diverses morales spéciales, mais elles s’opposent toujours plus ou moins les unes aux autres, et elles ne peuvent pas cesser de s’opposer sans cesser d’être et sans que la société cesse d’être à son tour. […] La morale en se conservant et en se transformant, se déforme sans cesse et doit sans cesse être rectifiée. […] Sous la pression des intérêts égoïstes ou de sentiments très divers notre morale dévie sans cesse, et n’échappe à une déviation que pour en subir une autre. […] La société se transforme sans cesse et d’une façon que nous ne pouvons suffisamment prévoir, parce que ses innovations sont complexes et sans régularité.
Les nouveaux venus auront un sens plus sûr des réalités et cesseront de rendre la femme responsable de leurs propres vices. […] Que les pères cessent de trembler et d’agiter l’épouvantail des magiciennes perverses. […] Ils ne cessent de s’admonester comme Charles Guérin : Avec un grand frisson plonge-toi dans la vie. […] » ne cessent-ils d’adjurer leur bonne amie. […] Il a cessé d’être cette simple fluxion de nos conteurs gaulois, dont parle Mathurin Régnier et dont Villon s’accommodait auprès de la grosse Margot.
Enfin, il faut qu’il évite sans cesse tous les genres de démonstration du vrai ; mais aussi agité qu’un coupable qui craint la révélation de son secret, il sait qu’un homme d’un esprit fin peut découvrir dans le silence de la gravité, l’ignorance qui se compose, et dans l’enthousiasme de la flatterie, la froideur qui s’exalte. […] Quelques hommes ont conservés, jusques à la fin de la vie, le pouvoir qu’ils avaient acquis, mais pour le retenir, il leur en a coûté tous les efforts qu’il faut pour arriver, toutes les peines que causent la perte ; l’un est condamné à suivre le même système de dissimulation qui l’a conduit au poste qu’il occupe, et plus tremblant que ceux qui le prient, le secret de lui-même pèse sur toute sa personne ; l’autre se courbe sans cesse devant le maître quelconque, peuple ou roi, dont il tient sa puissance. […] Charles-Quint se plongea dans la contemplation de la mort, alors, que cessant de régner, il crut cesser de vivre. […] Les palmes du génie tiennent à une respectueuse distance de leur vainqueur ; les dons de la fortune rapprochent, pressent autour de vous, et comme ils ne laissent après eux aucun droit à l’estime, lorsqu’ils vous sont ravis, tous vos liens sont rompus, ou si quelque pudeur retient encore quelques amis, tant de regrets personnels reviennent à leur pensée, qu’ils reprochent sans cesse à celui qui perd tout, la part qu’ils avaient dans ses jouissances, lui-même ne peut échapper à ses souvenirs ; les privations les plus douloureuses sont celles qui touchent à la fois à l’ensemble et aux détails de toute la vie. […] Un peuple qui gouverne, ne cesse jamais d’avoir peur, il se croit toujours au moment de perdre son autorité, et disposé, par sa situation, au mouvement de l’envie, il n’a jamais pour les vaincus, l’intérêt qu’inspire la faiblesse opprimée, il ne cesse pas de les redouter.
Après six minutes, à partir du moment de la piqûre, l’animal était mort, c’est-à-dire que la respiration avait cessé. […] Ce n’est que quand les mouvements respiratoires du thorax viennent à cesser que la mort réelle de l’organisme commence. […] C’est pour cela qu’il est sans cesse obligé de s’en référer à l’expérience. […] Quand le poison a cessé d’agir, nous voyons les troubles intellectuels disparaître et l’état normal revenir. Il en est de même quand les lésions pathologiques guérissent, les troubles de l’intelligence cessent et la raison revient.