/ 1848
183. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

Or, quel est l’acte qui n’a pas pour but son propre achèvement ? […] Le seul but naturel de l’homme est la reproduction. […] Son but est le bonheur. […] Vers quel but ? […] L’art a un but particulier et tout à fait égoïste : il est son but à lui-même.

184. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « M. MIGNET. » pp. 225-256

Malgré les difficultés, que nous connaissons trop bien, de juger du fond en des matières si complexes et d’oser apprécier la forme en des hommes si honorés de nous, cette fois nous nous sentons presque à l’aise vraiment ; nous avons affaire à une destinée droite et simple qui, en se développant de plus en plus et en élargissant ses voies, n’a cessé d’offrir la fidélité et la constance dans la vocation, la fixité dans le but ; il est peu d’exemples d’une pareille unité en notre temps et d’une rectitude si féconde. […] Cette fixité dans les points de départ et dans les buts assignés, cette détermination prompte et précise dès les premiers pas dans la carrière, caractérisent, ce semble, une nature d’esprit et contrastent fortement avec la mobilité de la jeunesse. […] La pureté des motifs a pu illustrer l’obstacle, mais c’est tout ; et cette force jalouse, marchant invariablement à son but, rejette également Charette, Dumouriez et Drouet. » Nous aimerions mieux citer d’autres noms ; mais peu importe, l’idée est la même. […] C’est ainsi qu’il atteignit son but et put livrer aux enfants du lendemain de la révolution une histoire claire, significative, avouable dans ses points décisifs et honorable, grandiose jusqu’en ses excès, peut-être inévitable, hélas ! […] Honneur et respect du moins, quand l’esprit supérieur et le grand caractère qui ne recule devant rien fait entrer dans ses inspirations un sentiment élevé, un dévouement profond à la puissance publique dont il est investi, quand il se propose un but d’accord avec l’utilité ou la grandeur de l’ensemble.

185. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

Les passions seules attachent fortement à l’existence, par l’ardente volonté d’atteindre leur but ; mais cette vie consacrée aux plaisirs, amuse sans captiver ; elle prépare à l’ivresse, au sommeil, à la mort. […] La première partie de cet ouvrage contiendra une analyse morale et philosophique de la littérature grecque et latine ; quelques réflexions sur les conséquences qui sont résultées, pour l’esprit humain, des invasions des peuples du Nord, de l’établissement de la religion chrétienne, et de la renaissance des lettres ; un aperçu rapide des traits distinctifs de la littérature moderne, et des observations plus détaillées sur les chefs-d’œuvre de la littérature italienne, anglaise, allemande et française, considérés selon le but général de cet ouvrage, c’est à dire, d’après les rapports qui existent entre l’état politique d’un pays et l’esprit dominant de la littérature. […] Ce sujet ramène nécessairement quelquefois à la situation politique de la France depuis dix ans ; mais je ne la considère que dans ses rapports avec la littérature et la philosophie, sans me livrer à aucun développement étranger à mon but. […] Les suites quelconques des actions des hommes ne sauraient ni les rendre innocentes, ni les rendre coupables ; l’homme a pour guide des devoirs fixes, et non des combinaisons arbitraires ; et l’expérience même a prouvé qu’on n’atteint point au but moral qu’on se propose, lorsqu’on se permet des moyens coupables pour y parvenir. […] Si tous les efforts devaient être inutiles, si les travaux intellectuels étaient perdus, si les siècles les engloutissaient sans retour, quel but l’homme de bien pourrait-il se proposer dans ses méditations solitaires ?

186. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis »

En effet, mon cher Laurent, quoique vous ayez donné des preuves d’un mérite et d’une vertu qui semblent à peine appartenir à la nature humaine ; quoiqu’il n’y ait point d’entreprise, si importante qu’elle soit, dont on ne puisse espérer de voir triompher cette prudence et ce courage que vous avez développés dès vos plus jeunes années ; et quoique les mouvements de l’ambition, et l’abondance de ces dons de la fortune qui ont si souvent corrompu des hommes dont les talents, l’expérience et les vertus donnaient les plus hautes espérances, n’aient jamais pu vous faire sortir des bornes de la justice et de la modération, vous pouvez néanmoins, pour vous-même et pour cet État dont les rênes vont bientôt vous être confiées, ou plutôt dont la prospérité repose déjà en grande partie sur vos soins, tirer de grands avantages de vos méditations solitaires ou des entretiens de vos amis sur l’origine et la nature de l’esprit humain : car il n’y a point d’homme qui soit en état de conduire avec succès les affaires publiques, s’il n’a commencé par se faire des habitudes vertueuses, et par enrichir son esprit des connaissances propres à lui faire distinguer avec certitude pour quel but il a été appelé à la vie, ce qu’il doit aux autres et ce qu’il se doit à lui-même. » Alors commença entre Laurent et Alberti une conversation dans laquelle ce dernier s’attache à montrer que, comme la raison est le caractère distinctif de l’homme, l’unique moyen pour lui d’atteindre à la perfection de sa nature, c’est de cultiver son esprit, en faisant entièrement abstraction des intérêts et des affaires purement mondaines. […] Il appuie son opinion par une telle variété d’exemples, qu’il est aisé d’apercevoir que, bien que le but de Landino, sous le nom d’Alberti, fût d’établir les purs dogmes du platonisme, c’est-à-dire que la contemplation abstraite de la vérité constitue seule l’essence du vrai bonheur, Laurent avait élevé des objections auxquelles l’ingénuité du philosophe, dans la suite de l’entretien, n’ôte presque rien de leur force. Le jour suivant, Alberti, continuant de traiter le même sujet, explique à fond la doctrine de Platon sur le but et la véritable destination de la vie humaine, et il s’attache à l’éclaircir par les opinions des plus célèbres sectateurs de ce philosophe. […] Le détail de toutes ses qualités brillantes m’entraînerait trop loin du but que je me suis proposé. […] Politien, génie vraiment antique et digne d’Horace ne s’enivra pas de cette faveur ; il était né d’une bonne famille à Montepulciano, petite ville de la Toscane, comme Flaccus, en Calabre ; c’est de là qu’il prit son nom. « Je ne me sens pas plus enorgueilli des flatteries de mes amis, ou humilié des satires de mes ennemis, disait-il, que je ne le suis par l’ombre de mon corps ; car, quoique mon ombre soit plus grande le matin ou le soir qu’elle ne l’est au milieu du jour, je ne me persuaderai point que je sois plus grand moi-même dans l’un ou l’autre de ces moments que je ne le suis à midi. » XI Le pape étant mort en ce temps-là, Laurent de Médicis fit un voyage à Rome, pour recommander Julien, son jeune frère, à Sa Sainteté, dans le but de le faire élire au cardinalat.

187. (1894) Propos de littérature « Chapitre V » pp. 111-140

Par le symbole le poète se recherche dans la vie ; il subjective les images au lieu d’objectiver en elles une pensée, — son but n’est autre que lui-même ; s’il examine les choses c’est pour en découvrir la synthèse, pour en recueillir les divers éléments idéaux, c’est-à-dire, — puisque nous ne connaissons des choses que leurs rapports avec nous-même, — les éléments les plus intimes de son moi qui s’y trouvent contenus. […] Il est vrai qu’à la différence de ses confrères Flamands il restait fort loin du but. […] Et elles se déploient doucement, vêtues de gaze comme d’ailes nacrées, en de vagues paysages aux grandes lignes qui sont de courbes et pensives. » Mais, sinon quant à la parure d’images devenue plus distante, M. de Régnier ne s’est pas assez renouvelé jusqu’ici : ce motif de mélancolie n’a guère changé depuis les poèmes qu’il désigne, sans doute parce qu’il apparut au tournant de la route où le voyageur pressentit enfin son but après des chevauchées trop vainement glorieuses ; au moins s’est-il dégagé avec plus d’évidente force en quelques pièces récentes où le songeur a mis le plus de lui-même et qui s’illuminent telles qu’un miroir propre à refléter peut-être un plus lointain essor. […] La logique est sa raison d’être, la proportion est sa méthode ; son but est la pureté impeccable des formes, — leur objectivité, son aboutissement. […] Il n’est pas de demi Beauté ; et nous ne serons pas assez vils pour rechercher d’autres buts que le seul, parce que nous n’avons pas oublié le passé et parce qu’aux lointains du songe, comme un énorme monolithe d’un bloc inébranlable, l’œuvre future déjà nous apparaît, érigeant haut sa face immobile et polie où les mondes en tournant refléteront sans fin leurs ellipses.

188. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — Y. — article » pp. 529-575

Ces Réflexions ne sauroient être déplacées dans un Ouvrage ; dont le but principal de l'Auteur, en le publiant, a été de ramener aux vrais principes de la Morale & du Goût, les esprits que les déclamations de la Philosophie ont égarés. […] Quel est en effet le but de cette Religion ? […] La raison Philosophique a beau murmurer & se plaindre, la raison Religieuse rend hommage à cette sage contrainte ; elle avoue qu’il n’y avoit qu’un Etre suprême qui pût connoître & le terme où son aveuglement commence, & le but qui doit diriger & affermir ses opérations ; elle le remercie des grandes vérités qu’il lui a apprises, comme s’il eût voulu la dédommager du joug qu’il lui a imposé. […] Ce qui prouve combien cette Foi est supérieure aux idées de l’Homme, c’est le désintéressement qu’elle exige de lui dans toutes ses actions, & la sublimité du but qu’elle lui propose. […] Un Gouvernement éclaire aura bien le même but ; mais il ne maintiendra l’ordre & la subordination de chaque individu, qu’autant que la Religion lui prêtera son secours ; car il faut nécessairement l’action d’une Puissance qui influe sur les cœurs, qui les adoucisse, les réprime, les compose & en écarte les passions tumultueuses, dont l’impétuosité bouleverse les plus solides établissemens.

189. (1888) Études sur le XIXe siècle

Pour les réalistes, la représentation exacte de la nature est un but en soi, les modèles ne sont ni beaux ni laids et n’ont d’autre sens que leur forme, l’artiste a atteint son but lorsqu’il a reproduit cette forme telle que la voit son œil. […] D’ailleurs, on sent si bien que le but qu’il poursuit l’autorise à négliger les détails de la perfection technique ! […] Il a atteint son but, sans aucun doute. […] Non, non, ce n’est pas en fuyant sa patrie, parce qu’elle est malheureuse, qu’on peut atteindre un but glorieux. […] Elle sera le but de ma vie, l’unique objet de mes soins, de mes efforts.

190. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

La littérature a un but sérieux ; sans but elle serait au-dessous des autres arts, et elle doit les primer tous. […] Être à même de traduire les mœurs, les idées, l’aspect de mon époque, selon mon appréciation, en un mot faire de l’art vivant, tel est mon but. » Ceci est net. […] Mais si ce travail avait par hasard pour but de restaurer la versification française, on se tromperait, elle va disparaître. […] Je lui sais particulièrement gré d’avoir élevé ces idées de Justice, de Vérité et de Virilité dans la pratique de la vie, qui sont le but du réalisme. […] Je veux voir poursuivre un but littéraire pour la satisfaction de la conscience et pour le but lui-même, et non pour se faire admirer par les bourgeois et par le public.

191. (1889) Les artistes littéraires : études sur le XIXe siècle

désillusion finale, après laquelle le mysticisme de l’anéantissement devient le seul refuge de l’esprit, et la recherche de la mort le but unique, la préoccupation suprême de l’existence. […] Il croyait y rencontrer l’incarnation aussi parfaite que possible du principe abstrait dont l’amour fut le but, la joie et le tourment de son existence. […] Les idylles, les églogues, les récits amoureux ont moins pour but de décrire l’amour que de peindre les formes harmonieuses de vierges et d’éphèbes, qui passent au milieu de paysages presque divins. […] Ils se rapprocheront encore davantage sur la question du but final de la vie et des destinées qui nous attendent au lendemain de la mort. […] Mais ne perdons pas de vue que le premier terme doit demeurer toujours le but suprême à atteindre, tandis que le second ne sera qu’un moyen, variable à l’infini, tantôt à peu près inutile, tantôt beaucoup plus nécessaire.

192. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre II. Le Roman (suite). Thackeray. »

Balzac se plaît à la peindre sans autre but que de la peindre. […] But the fact is, that in the literary profession There are no Snobs. […] You may, occasionally, it is true, hear one literary man abusing his brother ; but why ? […] But Smith and I are not earls as yet. […] I am the head of the house, dear lady ; but Frank is Viscount of Castlewood still.

/ 1848