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300. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « À M. le directeur gérant du Moniteur » pp. 345-355

Mon cher directeur, Vous me permettez de parler de Catherine d’Overmeire que vient de publier notre ami et ancien collaborateur Ernest Feydeau, et vous me dites de le faire sans crainte. […] Le grand Gœthe, le maître de la critique, a établi ce principe souverain qu’il faut surtout s’attacher à l’exécution dans les œuvres de l’artiste, et voir s’il a fait, et comment il a fait, ce qu’il a voulu : « Il en est beaucoup, disait-il, qui se méprennent, en ce qu’ils rapportent la notion du beau à la conception, beaucoup plus qu’à l’exécution des œuvres d’art ; ils doivent ainsi, sans nul doute, se trouver embarrassés quand l’Apollon du Vatican et d’autres figures semblables, déjà belles par elles-mêmes, sont placés sous une même catégorie de beauté avec le Laocoon, avec un faune ou d’autres représentations douloureuses ou ignobles. » Il y a donc, selon lui, une part essentielle de vérité, qui entrait dans les ouvrages des anciens, dans ceux qu’on admire et qu’on invoque le plus, et c’est cette part de vérité, cette nature souvent crue, hideuse ou basse, moins négligée des anciens eux-mêmes qu’on ne l’a dit, qu’il ne faut point interdire aux modernes d’étudier et de reproduire : « Puisse, s’écriait Gœthe, puisse quelqu’un avoir enfin le courage de retirer de la circulation l’idée et même le mot de beauté (il entend la beauté abstraite, une pure idole), auquel, une fois adopté, se rattachent indissolublement toutes ces fausses conceptions, et mettre à sa place, comme c’est justice, la vérité dans son sens général !  […] Salons affamés de nouvelles, de sujets à l’ordre du jour, auxquels l’ancien régime parlementaire, avec ses joutes et tournois, fournissait, toutes les quinzaines à peu près, un aliment nouveau, un nouveau train de conversation ; qui sont à jeun depuis bien des années et n’ont pour ressource que de se jeter avec rage sur ces pauvres sujets littéraires, drames ou romans, qui n’en peuvent mais ! […] Baudelaire est un des plus anciens parmi ceux que j’appelle mes jeunes amis : il sait le cas que je fais de son esprit fin, de son talent habile et curieux.

301. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Préface de la seconde édition » pp. 3-24

Il est impossible d’être un bon littérateur, sans avoir étudié les auteurs anciens, sans connaître parfaitement les ouvrages classiques du siècle de Louis XIV. […] L’on m’a reproché de n’avoir pas rendu un juste hommage aux anciens. […] J’ai soutenu que, dans les bons ouvrages modernes, l’expression de l’amour avait acquis plus de délicatesse et de profondeur que chez les anciens, parce qu’il est un certain genre de sensibilité qui s’augmente en proportion des idées. […] Si l’on joint à ces deux exemples ceux que l’on trouvera cités dans ce livre, si l’on examine avec soin tous les ouvrages de l’antiquité, l’on verra qu’il n’en est pas un qui ne confirme la supériorité des Romains sur les Grecs, de Tibulle sur Anacréon, de Virgile sur Homère dans tout ce qui tient à la sensibilité ; et l’on verra de même que Racine, Voltaire, Pope, Rousseau, Goethe, etc. ont peint l’amour avec une sorte de délicatesse, de culte, de mélancolie et de dévouement qui devait être tout à fait étrangère aux mœurs, aux lois et au caractère des anciens. […] Premièrement, en parlant de la perfectibilité de l’esprit humain, je ne prétends pas dire que les modernes aient une puissance d’esprit plus grande que celle des anciens, mais seulement que la masse des idées en tout genre s’augmente avec les siècles.

302. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Plus moderne au commencement de la querelle des anciens et des modernes, il est plus ancien à la fin, l’âge et la raison aidant, et parce que la cour a passé du côté des anciens. […] Les anciens avaient les déférences ; les Espagnols et les Italiens avaient les cœurs. […] Pour les anciens, il en parle sans vrai savoir, raisonnable tant qu’il les loue en gros et par égard pour leurs partisans ; mais en vient-il aux exemples, il fait comme Desmarets de Saint-Sorlin, il donne tête baissée dans les mauvais, ou, s’il admire les bons c’est par de méchantes raisons.

303. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre I. Place de Jésus dans l’histoire du monde. »

L’événement capital de l’histoire du monde est la révolution par laquelle les plus nobles portions de l’humanité ont passé des anciennes religions, comprises sous le nom vague de paganisme, à une religion fondée sur l’unité divine, la trinité, l’incarnation du Fils de Dieu. […] Chez quelques-unes, le sentiment religieux aboutit aux honteuses scènes de boucherie qui forment le caractère de l’ancienne religion du Mexique. […] Défenseurs de l’ancien esprit démocratique, ennemis des riches, opposés à toute organisation politique et à ce qui eût engagé Israël dans les voies des autres nations, ils furent les vrais instruments de la primauté religieuse du peuple juif. […] Leur dispersion sur tout le littoral de la Méditerranée et l’usage de la langue grecque, qu’ils adoptèrent hors de la Palestine, préparèrent les voies à une propagande dont les sociétés anciennes, coupées en petites nationalités, n’avaient encore offert aucun exemple. […] Ce fut comme une renaissance du prophétisme, mais sous une forme très — différente de l’ancienne et avec un sentiment bien plus large des destinées du monde.

304. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVIII. Institutions de Jésus. »

Jésus, qui tenait fort aux bonnes vieilles mœurs, engageait les disciples à ne se faire aucun scrupule de profiter de cet ancien droit public, probablement déjà aboli dans les grandes villes où il y avait des hôtelleries 830. « L’ouvrier, disait-il, est digne de son salaire. » Une fois installés chez quelqu’un, ils devaient y rester, mangeant et buvant ce qu’on leur offrait, tant que durait leur mission. […] Ce fut lui que l’on mangea et que l’on but ; il devint la vraie Pâque, l’ancienne ayant été abrogée par son sang. […] Ancien dieu des Philistins, transformé par les Juifs en démon. […] L’intention de l’anagramme que renferme le mot[Greek : ICHTHUS] se combina probablement avec une tradition plus ancienne sur le rôle du poisson dans les repas évangéliques. […] Canon des Messes grecques et de la Messe latine (fort ancien).

305. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes et la société au temps d’Auguste » pp. 293-307

Pour eux, on peut dire justement que l’Histoire est un art… Mais l’Histoire, comprise par les Modernes, dont les besoins de vérité et de moralité sont bien supérieurs à ceux des Anciens, l’Histoire a la noble ambition d’être une science indépendante de l’historien, et d’arriver à l’objet de toute Science, qui est la Certitude, quel que soit le talent ou l’art de celui qui s’est donné fonction de l’écrire. […] Distinction importante et nécessaire, et qu’il fallait faire, entre l’histoire ancienne et l’histoire moderne, pour culbuter, dès qu’elle se serait montrée, le système historique de Blaze de Bury, si brillamment qu’il l’eût pavoisé ! L’auteur des Femmes au temps d’Auguste a écrit, avec beaucoup de notions de plus, comme on pouvait écrire du temps d’Auguste, et c’est en raison de ces notions de plus que nous le préférons à un ancien de ce temps-là. […] Il ne joue pas à l’ancien, comme tant d’écrivains, parce qu’il écrit une histoire ancienne.

306. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IV. M. Henri Martin. Histoire de France » pp. 97-110

Les anciennes histoires, celles de Mezerai, de Daniel, de Velly et ses continuateurs, auxquelles (qui sait ?) l’Érudition et l’Opinion, ces deux vieilles valseuses, pourront bien, en tournant, revenir, les anciennes histoires avaient été un jour déshonorées avec trop d’éclat par le terrible jeune critique qui fut depuis M.  […] Écrite exclusivement pour le nombre, par un homme du nombre qui n’est pas campé pour en sortir, ni même pour aspirer à cette glorieuse impopularité des grands artistes dont se vantait Goethe, quand il disait avec orgueil : « Raphaël et moi, nous n’avons jamais été populaires », placée sous le patronage et la protection d’un Aréopage littéraire qui a finances et qui est le seul pouvoir de la société ancienne qui soit resté… dans son fauteuil, quand tous les autres se sont écroulés, cette histoire de M.  […] Un savant, ancien élève de l’école des Chartres, aussi meurtrier par sa cruelle politesse contre l’éloquent M.  […] Henri Martin, si druidant qu’il soit, n’a pas été assez hardi pour affronter son propre ridicule en promenant des Druides à travers les temps modernes, quoique pourtant Fénelon, Voltaire, Rousseau, Montesquieu, etc., soient au fond aussi des druides, mais des druides de robe courte comme nous avons des jésuites de robe courte, — d’anciens druides déguisés !

307. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre II. La Nationalisation de la Littérature (1610-1722) » pp. 107-277

Ils ne les admiraient pas du tout d’être les anciens, et ils l’ont dit assez clairement : « Les anciens sont les anciens et nous sommes les gens de maintenant » ; mais ils les admiraient « d’avoir bien attrapé la nature », sans doute comme étant plus près d’elle : Novitas tum florida mundi ! […] Tout justement et uniquement ce qu’y vient ajouter la querelle des anciens et des modernes. […] Rigault, Histoire de la querelle des anciens et des modernes, Paris, 1856 ; — P.  […] I. — Pièces relatives à la biographie de Fontenelle ; —  Dialogues des morts anciens, — Dialogues des morts anciens avec les modernes. […] Rigault, Histoire de la querelle des Anciens et des Modernes]. — Indignation des partisans des anciens : La Fontaine, Boileau, Racine. — Fontenelle vient au secours de.

308. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre IV. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire. » pp. 87-211

Les Anciens comme les Modernes ont eu des Ecrivains qui ont traité l’histoire de toutes les nations de l’univers. […] Histoire ancienne. […] Il y fait voir que la Tactique des anciens peut fournir beaucoup de lumieres pour la Tactique des modernes. […] Cet historien, trop servile imitateur des anciens, leur a dérobé leurs meilleures réfléxions, & leurs plus beaux tours. […] Rollin dans les premieres parties de son histoire ancienne.

309. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 64-81

Quand je dis chez nous, je le prendrai plutôt à côté de chez nous, s’il vous plaît, et s’exerçant sur le compte des hommes politiques d’une époque déjà ancienne. […] Et cet ancien avocat, cet ancien procureur général, cet ancien garde des sceaux, dont l’éloquence vigoureuse et désagréable laissait voir trop de nerfs et de tendons (M.  […] Et cet ancien journaliste, conseiller d’université, député inclinant à gauche : « Cet honorable universitaire ignore l’art de parler avec calme. […] Parler de Çà et Là maintenant, après les Mélanges politiques, c’est revenir en arrière ; car la plupart des pages rassemblées dans ces deux volumes sont d’une date assez ancienne, et laissent trop voir les défauts de l’auteur.

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