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450. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — II »

Dans un très-beau cantique sur la Charité, imité de saint Paul, il dit lui-même, en des termes assez semblables, et dont notre ami paraît s’être souvenu : En vain je parlerais le langage des Anges, En vain, mon Dieu, de tes louanges Je remplirois tout l’univers : Sans amour ma gloire n’égale Que la gloire de la cymbale, Qui d’un vain bruit frappe les airs. […] Duncan arrive avec sa suite au château de Macbeth ; il en trouve le site agréable, et Banco lui fait remarquer qu’il y a des nids de martinets à chaque frise et à chaque créneau : preuve, dit-il, que l’air est salubre en cet endroit. […] C’est une conversation douce et choisie, d’un charme croissant, une confidence pénétrante et pleine d’émotion, comme on se figure qu’en pouvait suggérer au poëte le commerce paisible de cette société où une femme écrivait la Princesse de Clèves ; c’est un sentiment intime, unique, expansif, qui se mêle à tout, s’insinue partout, qu’on retrouve dans chaque soupir, dans chaque larme, et qu’on respire avec l’air.

451. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les deux Tartuffe. » pp. 338-363

Gentilhomme, je ne sais pas bien s’il l’est en effet ; mais il faut croire à présent qu’il en a du moins les airs, puisque Dorine, son ennemie, dans le couplet où elle raille Marianne, admet elle-même qu’il tiendrait bon rang dans sa province : Vous irez par le coche en sa petite ville, etc. Et sans doute, dans son tête-à-tête avec Elmire, il débute assez lourdement par l’emploi du « jargon de la dévotion » ; mais, insensiblement, il sait tourner ce jargon en caresse, et le rapproche enfin de la langue vaguement idéaliste que l’amour devait parler, cent cinquante ans après Molière, dans des poésies et romans romanesques et qui a plu si longtemps aux femmes… Mais, en outre, il a de la finesse et de l’esprit, et des ironies, et des airs détachés qui sentent leur homme supérieur et qui sont d’un véritable artiste en corruption. […] Et, par cela seul qu’il applique à une passion profane le vocabulaire et les images de la « mystique » chrétienne, il se trouve presque composer, sans le savoir, une sorte d’élégie idéaliste aux airs déjà vaguement lamartiniens : Ses attraits réfléchis brillent dans vos pareilles… Il a sur votre face épanché des beautés Dont les yeux sont surpris et les cœurs transportés ; Et je n’ai pu vous voir, parfaite créature, Sans admirer en vous l’auteur de la nature, Et d’une ardente amour sentir mon cœur atteint, Au plus beau des portraits où lui-même il s’est peint.

452. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Oscar Wilde à Paris » pp. 125-145

Le frêle et délicat Henri Degron y susurrait des airs mièvres avec indolence et semblait un jeune prince annamite, privé de soleil, s’étiolant sous la rigueur de nos climats. […] Il fusait alors d’un rire énigmatique et singulier, d’un rire sarcastique et aigu, d’un rire dont les éclats déchiraient l’air avec une persistante et redoutable intensité. […] Une allégresse flottait dans l’air.

453. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « La Religieuse de Toulouse, par M. Jules Janin. (2 vol. in-8º.) » pp. 103-120

Il s’est fait un style qui, dans ses bons jours et quand le soleil rit, est vif, gracieux, enlevé, fait de rien, comme ces étoffes de gaze, transparentes et légères, que les anciens appelaient de l’air tissé. […] Et ne croyez pas que le bon sens manque à travers ces airs habituels de courir les champs et de battre les buissons. […] Ce vœu de stabilité revenait assez aux vœux perpétuels, mais sous un air moins formidable.

454. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Paragraphe sur la composition ou j’espère que j’en parlerai » pp. 54-69

Un chanteur que l’exécution d’un air di bravura met à la gêne, un violon qui se démène et se tourmente, m’angoisse et me chagrine. […] Si c’est Robbé qui lit, il aura l’air d’un énergumène, il ne regardera pas son papier, ses yeux seront égarés dans l’air. […] Le mélange des êtres allégoriques et réels donne à l’histoire l’air d’un conte, et pour trancher le mot, ce défaut défigure pour moi la plupart des compositions de Rubens.

455. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Du Rameau » pp. 288-298

L’envie et la cruauté sont désignées par le serpent et le loup ; l’envie est renversée la tête en bas et les pieds en l’air et son serpent l’enveloppe dans ses circonvolutions, elle est sur le devant, à gauche, aux pieds des licornes. […] Cette envie envelopée de ses serpens et tombant la tête en bas et les pieds en l’air, est belle, hardie et bien dessinée. […] Il fallait encore éviter la ressemblance trop forte des deux prêtres administrans, à moins que ce ne soient les deux frères, car ils ont cet air de famille qui choque, surtout dans une composition où il y a si peu de figures, lorsqu’il n’est pas historique.

456. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VIII : M. Cousin érudit et philologue »

La philologie est un souterrain obscur, étroit, sans fond, où l’on rampe au lieu de marcher, si éloigné de l’air et de la lumière, qu’on y oublie l’air et la lumière, et qu’on finit par trouver belle et naturelle la clarté fumeuse de la triste lampe qu’on traîne accrochée après soi. […] Guizot : en effet, quand un mineur revient à la surface, l’air pur le suffoque et la vraie lumière l’éblouit.

457. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXII. »

que la confusion s’attache à tes bannières, bien que, sous le vent des ailes rouges de la victoire, elles insultent les airs de leur pompe oiseuse ! […] « Sur un roc, dont le faîte sourcilleux se hérisse au-dessus des flots écumants de Conway, couvert du noir vêtement de la calamité, les yeux hagards, le poëte était debout : sa barbe épandue et sa blanche chevelure flottaient comme un météore, au souffle de l’air agité ; et, d’une main de maître, avec le feu d’un prophète, il éveillait les gémissements profonds de la lyre : — Écoute comme chacun des chênes géants et des antres déserts soupire, à la voix formidable du torrent qui se précipite au-dessous d’eux. […] Quelles cordes harmonieuses ont tressailli dans l’air ?

458. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — V » pp. 123-131

Il fut président du Conseil de la guerre, membre du Conseil de régence, puis du Conseil du roi. « C’était, a dit Saint-Simon à qui je n’emprunte que cette peinture physique, un assez grand homme, brun, bien fait, devenu gros en vieillissant sans en être appesanti, avec une physionomie vive, ouverte, sortante, et véritablement un peu folle, à quoi la contenance et les gestes répondaient. » D’humeur gaie, l’air franc, spirituel et commode à vivre, il n’avait pas de près tout ce qui commande le respect ou ce qui concilie un entier attachement. […] Le portrait de Villars introduit à côté des leurs allait donner à ce glorieux confrère un certain air de protecteur et de tête couronnée.

459. (1874) Premiers lundis. Tome II « Henri Heine. De la France. »

Heine, dans sa fertile et magique exubérance, a des allures bien moins françaises ; sa pensée, au lieu de traverser un peu vite, en s’en colorant, les jets irrésistibles qui naissent à chaque pas, se laisse prendre à cette efflorescence, et s’égare comme à plaisir, et monte dans l’air sur chaque fusée ; elle a peine ensuite à reprendre le fil du chemin, ou du moins on a peine à le reprendre avec elle. […] Il le compare au géant Atlas ; un peu après, il le compare à George Canning, avec lequel Perier n’eut jamais de commun que la taille peut-être et un faux air de visage ; mais comme caractère, comme lumières, comme culture d’esprit, il est difficile de trouver un plus entier contraste.

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