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176. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

Racine a donné, dans Andromaque et dans Iphigénie, deux modèles admirables de la manière dont un épisode doit être lié à l’action. […] Ce n’est point à Racine, comme poète, que l’on fait le procès dans son récit : c’est à Racine faisant parler Théramène ; c’est à Théramène lui-même, qui ne peut pas plus jouir des privilèges accordés aux poètes, qu’aucun personnage de tragédie. […] Racine en avait trois devant les yeux : celui d’Euripide, celui d’Ovide et celui de Sénèque. […] Racine semble s’être proposé cette espèce de beauté pour modèle dans Andromaque. […] On désirerait que Racine eût quelquefois imité le dialogue vif et coupé de Corneille.

177. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XIII] »

« C’est Racine qui est véritablement grand, et d’autant plus grand, qu’il ne paraît jamais chercher à l’être. […] « J’avais cru que Racine serait ma consolation, mais il est mon désespoir. […] « Je ne peux me plaindre de la bonté avec laquelle vous parlez d’un Brutus et d’un Orphelin ; j’avouerai même qu’il y a quelques beautés dans ces deux ouvrages ; mais encore une fois, vive Jean (Racine) ! […] Nos mauvais livres sont moins mauvais que les mauvais que l’on faisait du temps de Boileau, de Racine et de Molière, parce que dans ces plats ouvrages d’aujourd’hui, il y a toujours quelques morceaux tirés visiblement des auteurs du règne du bon goût. […] Il eut l’attention de placer trois enfants de Pierre Corneille, deux dans les troupes, et l’autre dans l’Église ; il excita le mérite naissant de Racine, par un présent considérable pour un jeune homme inconnu et sans bien ; et quand ce génie se fut perfectionné, ces talents, qui souvent sont l’exclusion de la fortune, firent la sienne.

178. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Racine lui demande des conseils et reçoit des preuves de sa générosité. […] Il engage Racine à traiter le sujet de La Thébaïde. […] Sa société habituelle : Racine, Boileau, La Fontaine et Chapelle. […] M. Racine, la troupe ne crut pas devoir les parts d’auteur audit M.  […] Racine, fort dépité, fut du nombre de ceux qui la crurent de lui.

179. (1874) Premiers lundis. Tome I « Alexandre Duval de l’Académie Française : Charles II, ou le Labyrinthe de Woodstock »

Duval : « Un jeune homme, dès sa sortie du collège, où il avait déjà pris le goût du théâtre, qu’il y avait étudié, plein d’admiration pour ses auteurs anciens, et pour les chefs-d’œuvre des Racine, des Corneille, des Molière, s’empressait de composer, d’après leurs principes, une tragédie ou une comédie. […] La pleine décadence du Théâtre-Français, le décri absolu où est tombé surtout l’ancien genre tragique, l’ennui profond que causent à la scène, non pas seulement tant de plates amplifications de notre temps, non pas même ces tragédies de Voltaire décorées du nom de chefs-d’œuvre, mais jusqu’aux pièces si belles et si accomplies de Racine, tout cela peut se déplorer avec plus ou moins d’affliction et d’amertume, mais à coup sûr ne saurait plus se nier. […] Si nous n’avions pas les deux Chambres, et si nous en étions encore à la monarchie de Louis XIV ou de Louis XV, qu’aurions-nous à réclamer de mieux, je le demande, que les admirables analyses sentimentales de Racine ou les drames philosophiques de Voltaire ?

180. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Préface de la seconde édition » pp. 3-24

Le plus parfait de nos poètes, Racine, est celui dont les expressions hardies ont excité le plus de censures ; et le plus éloquent de nos écrivains, l’auteur d’Émile et d’Héloïse, est celui de tous sur lequel un esprit insensible au charme de l’éloquence pourrait exercer le plus facilement sa critique. […] » Je pourrais récuser une objection tirée de Virgile, puisque je l’ai cité comme le poète le plus sensible ; mais en acceptant même cette objection, je dirai que, lorsque Racine a voulu mettre Andromaque sur la scène, il a cru que la délicatesse des sentiments exigeait qu’il lui attribuât la résolution de se tuer, si elle se voyait contrainte à épouser Pirrhus ; et Virgile donne à son Andromaque deux maris depuis la mort d’Hector, Pirrhus et Hélénus, sans penser que cette circonstance puisse nuire en rien à l’intérêt qu’elle doit inspirer. Si l’on joint à ces deux exemples ceux que l’on trouvera cités dans ce livre, si l’on examine avec soin tous les ouvrages de l’antiquité, l’on verra qu’il n’en est pas un qui ne confirme la supériorité des Romains sur les Grecs, de Tibulle sur Anacréon, de Virgile sur Homère dans tout ce qui tient à la sensibilité ; et l’on verra de même que Racine, Voltaire, Pope, Rousseau, Goethe, etc. ont peint l’amour avec une sorte de délicatesse, de culte, de mélancolie et de dévouement qui devait être tout à fait étrangère aux mœurs, aux lois et au caractère des anciens.

181. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VII. La littérature française et les étrangers »

Corneille et Racine donnent des modèles à Zeno ; et, malgré ses fureurs de misogallo, Alfieri leur doit, ainsi qu’à Voltaire, plus qu’aux Grecs. […] Racine). […] Racine.

182. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — La déclamation. » pp. 421-441

On peut donner Racine & M. de Voltaire pour chefs aux partisans de la déclamation noble & soutenue. Racine exigeoit qu’elle fût outrée, & la sienne l’étoit. […] Les meilleurs lecteurs que nous ayons eus sont Despréaux, Racine, La Mothe, & l’abbé Grécourt.

183. (1760) Réflexions sur la poésie

Voilà pourquoi, sans passer ici en revue tous nos grands poètes, Racine et La Fontaine plairont toujours dans tous les temps et tous les âges. […] La Fontaine surtout, qu’on regarde assez mal à propos comme le poète des enfants, qui ne l’entendent guère, est à bien plus juste titre le poète chéri des vieillards : il l’est même plus que Racine. […] Dans Racine au contraire, toute négligence serait un défaut ; et cependant l’exactitude et l’élégance continue de ce grand poète, deviennent à la longue un peu fatigantes par l’uniformité ; il a, selon l’expression d’un homme de beaucoup d’esprit, la monotonie de la perfection.

184. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Achille du Clésieux »

La langue de Racine a presque disparu, et fait l’effet maintenant de ce spectre charmant de Francesca, dans un des poèmes de Byron, à travers la main pâle de laquelle passe un clair rayon de la lune… Et ce n’est pas dire pour cela que la langue de Racine dût être l’idéal — éternel et immobile — de la langue poétique. Je constate seulement que cette langue n’est plus dans la préoccupation littéraire, et que s’il y a un contemporain qui la rappelle encore, mais en la faisant vibrer plus fort que Racine, c’est Lamartine, le souverain des poètes français du xixe  siècle, et peut-être de tous les temps.

185. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Delille »

Ainsi les deux plus grands poëtes que nous ayons encore sont, avec un seul intermédiaire, de l’école de Racine et de Boileau. […] C’est comme si on lisait Racine traduit dans la langue de Louis XV. […] Son vers voisin de la prose, et qui en était si distinct pour Racine et pour lui, ressemble, j’oserai dire, à ces digues de Hollande qui paraissent au niveau de la mer et qui pourtant n’en sont pas inondées. […] Ce qui est vrai à mon sens, c’est que le genre de style poétique de Boileau et même de Racine avait besoin d’être modifié après eux pour être vraiment continué. […] Il en prit à l’abbé Du Resnel de fort beaux pour l’Homme des Champs46, à Racine fils pour le Paradis perdu.

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