Malgré ces mots du titre, grand schisme d’Occident, qui donnent d’abord l’idée d’une autre date bien postérieure, la scène se rapportait à la fin du xie siècle et à l’époque des démêlés du pape Grégoire VII avec l’empereur. […] Cagliostro, à cette époque, n’avait guère que trente-deux ans : sa physionomie expressive et brillante colorait l’impudence sous des airs inspirés et sous les effusions de la philanthropie à la mode ; il semblait aller fouiller dans le cœur les secrets de chacun, et promettre en retour toutes les félicités et les merveilles. […] Ramond n’a rien de cette mollesse et de cette fadeur de teinte que nous avons souvent remarquée chez quelques écrivains de l’époque finissante de Louis XVI ; il a plutôt quelque chose de l’apprêt et de la roideur qui s’attacheront aux nobles tentatives de l’art régénéré, et auxquels Chateaubriand à sa manière n’échappe pas plus que David. […] Depuis lors, la critique littéraire qui, aux mains des maîtres, ne s’est guère appliquée qu’à des époques plus éloignées, n’a pas daigné regarder ou du moins signaler ce qu’elle n’ignorait pas, ce que pourtant, je crois, elle ne prisait point assez et à sa valeur.
Maxime du Camp, oubliant la chronologie, dit ensuite : « À l’époque où ces hommes sont venus, la France, épuisée, vaincue, conquise, hélas portait des vêtements de deuil et pleurait en silence ; les meilleurs de ses enfants étaient morts, la mère sanglotait comme la Niobé antique ; une grande désolation était répandue sur elle. Les arts rampaient péniblement dans l’ornière « d’une tradition à jamais usée… » Mais est-il donc nécessaire de rappeler que si MM. de Lamartine, Hugo, de Vigny, ont débuté dans les lettres vers 1820, à une époque où la France était encore voisine de 1815, c’est-à-dire du deuil de l’invasion, M. […] — L’art en est arrivé à une époque de décadence manifeste, ceci n’est pas douteux ; un excès ridicule d’ornementation a remplacé la richesse et la pureté des lignes, etc. » Mais, en vérité, il y a bien longtemps déjà (vingt ans au moins) que M. […] Selon lui, en effet, il n’y a plus dans la littérature actuelle que de la forme, la pensée est absente ou sacrifiée : en architecture, en peinture, en sculpture, on ne rencontre, selon lui, que le pastiche, l’imitation du passé, une imitation confuse et entrecroisée des différentes époques, des différentes manières antérieures : « Il en est de même, dit-il, en littérature : on accumule images sur images, hyperboles sur hyperboles, périphrases sur périphrases ; on jongle avec les mots, on saute à travers des cercles de périodes, on danse sur la corde roide des alexandrins, on porte à bras tendu cent kilos d’épithètesa, etc. » Et dans ce style qui n’évite pas les défauts qu’il blâme, l’auteur s’amuse à prouver que tous, plume en main, jouent à la phrase et manquent d’une idée, d’un but, d’une inspiration : « Où sont les écrivains ?
Il a un goût marqué pour l’époque sacerdotale rétrospective de l’art et de la poésie, non pas la véritable époque primitive, que nul n’a vue ni ne connaît, mais cette époque rêvée après coup par les Alexandrins et les Néo-platoniciens. […] Les belles époques de la comédie ont-elles été suivies d’améliorations dans les mœurs ?
L’auteur, il est vrai, ne les écrivit pas de suite et avec continuité ; il y revint à plus d’une reprise et comme par époques, sans se soucier beaucoup des liaisons. […] Tout n’est pas du même ton d’ailleurs, et on distinguerait, jusque dans la manière de dire, la trace des époques différentes. […] L’auteur s’excuse presque de repasser sur les mêmes scènes après Riouffe, qu’il appelle un « maître. » On n’est pas impunément de son époque : cette fausse élégance, ces fausses fleurs gagnaient et envahissaient alors les plus sages talents. […] Beugnot : il observait ce à quoi il était mêlé ; il dessinait les hommes, les prenait sur le fait et se préparait à être un des bons témoins désintéressés de son époque par devant la postérité.
En lui laissant la responsabilité de cette opinion, il reste bien avéré que l’évêque d’Autun se montrait dès le premier jour un des plus éclairés et des plus perspicaces esprits de son époque. […] À voir ce rôle si actif de M. de Talleyrand à l’Assemblée Constituante, le biographe moraliste est amené à se poser une question : le Talleyrand de cette époque, à cet âge de trente-cinq ou trente-six ans, dans toute l’activité et tout l’entrain de sa première ambition, était-il bien le même que celui qu’on a vu plus tard nonchalant, négligent à l’excès, ayant ses faiseurs, se contentant de donner à ce qu’il inspirait le tour et le ton, et à y mettre son cachet ? […] On a besoin de l’éloignement et de ne considérer avec sir Henry Bulwer que les principaux actes de la ligne politique de M. de Talleyrand à cette époque, pour rendre la justice qui est due à sa netteté de vues et à sa clairvoyance. […] Membre des deux clubs fameux de l’époque (les Jacobins et les Feuillants), il les fréquentait de temps à autre, non pour se mêler à leurs débats, mais pour faire la connaissance de ceux qui y prenaient part, et pouvoir les influencer.
On en peut conclure qu’ils étaient en société, comme c’était l’usage pour les artistes de cette époque ; et, malgré la qualification donnée à Scaramouche, il ne semble même pas qu’il y ait eu parmi eux un véritable chef, comme l’était Molière, par exemple, parmi les siens. […] Il faut chercher ailleurs : voici deux canevas qui remontent probablement à cette époque. […] Citons encore un canevas de la même époque : Arlequin, dupe vengée : Arlequin, nouvellement marié avec Diamantine, mange souvent en ville par économie. […] Ces canevas nous paraissent appartenir, au moins pour le fond, à la période où les rôles des deux zanni acquirent une importance exceptionnelle sur le théâtre italien de Paris, grâce au talent supérieur du Trivelin Locatelli et de l’Arlequin Dominique, qui y régnèrent l’un à côté de l’autre de 1662 à 1671, époque où le premier mourut et Dominique resta seul maître de l’emploi.
Nous qui n’y étions pas, nous ne pouvons parler qu’avec une extrême réserve de cette époque comme mythologique de Mme Récamier, où elle nous apparaît de loin telle qu’une jeune déesse sur les nuées ; nous n’en pouvons parler comme il siérait, non pas qu’il y ait rien à cacher sous le nuage, mais parce qu’une telle beauté tendre et naissante avait de ces finesses qui ne se peuvent rendre si on ne les a du moins aperçues. […] Il faut noter deux époques très distinctes dans la vie de Mme Récamier : sa vie de jeunesse, de triomphe et de beauté, sa longue matinée de soleil qui dura bien tard jusqu’au couchant ; puis le soir de sa vie après le soleil couché, je ne me déciderai jamais à dire sa vieillesse. Dans ces deux époques si tranchées de couleur, elle fut la même au fond, mais elle dut paraître bien différente. […] À deux époques, M.
Les Sénèque et les Claudien de cette courte époque n’offrent déjà plus que des titres de livres aux bibliographes, des noms inconnus dans notre chronologie littéraire. […] Nous devons regretter sans doute que nous ayons été si peu habiles à user des trésors de la poésie qui nous étaient offerts, à toutes les époques de notre existence sociale. […] Quelquefois enfin la madone chrétienne, à une époque inconnue, avait remplacé la nymphe du ruisseau. […] Quoiqu’il soit en effet trop tard pour tirer de telles recherches le fruit que nous eussions pu en tirer à une autre époque, néanmoins elles ne seront pas bornées au seul mérite de remplir une lacune importante dans l’histoire littéraire du moyen âge ; elles serviront encore à lier les unes aux autres les traditions des langues.
(les fortes tentatives de Taine et de Sorel pour fixer la psychologie de l’époque révolutionnaire appartiennent à la psychologie comme celles de Balzac et de Stendhal pour fixer celle de l’époque où ils vivaient, et toute la psychologie bien faite d’une époque apporte une lumière sur la nature générale de l’homme.) — Joignez-y même (vous ne serez pas au bout, mais vous atteindrez au moins un chiffre consacré) comme une septième lignée la plus ancienne, la plus obscure, la moins écrite, et, dans les temps modernes, la source vraie des autres : tout l’ordre religieux qui cristallise dans l’église catholique autour de la confession auriculaire et qui pousse encore au XIXe siècle, de Lamennais à l’abbé Bremond, de vigoureux rameaux. […] Quand il veut faire travailler à Pauline La logique de Condillac, lui faire apprendre par coeur L’art poétique de Boileau, dont il dira ensuite pis que pendre, ses conseils partent évidemment d’un fonds moins important, moins vraiment stendhalien que lorsqu’il veut lui faire prendre, en 1805, l’habitude d’analyser les personnes qui l’entourent (« l’étude est désagréable, mais c’est en disséquant des malades que le médecin apprend à sauver cette beauté touchante ») ou lorsqu’il contracte dans ses premières relations montaines l’aptitude à traduire par une algèbre psychologique les valeurs les unes dans les autres (" notre regard d’aigle voit, dans un butor de Paris, de combien de degrés il aurait été plus butor en province, et, dans un esprit de province, de combien de degrés il vaudrait mieux à Paris. " ) c’est à cette époque que Stendhal s’accoutume (héritier ici de Montesquieu qui ne paraît point, je crois, dans ses lectures) à rattacher instantanément un trait sentimental à un état social, à mettre en rapport par une vue rapide le système politique d’un pays avec ses façons de sentir.
Armand Carrel Si Béranger n’était pas l’écrivain le plus populaire de l’époque, ce serait certainement l’un des plus ingénieux, des plus instruits, des plus attachants causeurs que l’on puisse rencontrer dans cette société qui l’a beaucoup recherché et qu’il a beaucoup fuie, lui préférant tantôt la retraite, tantôt l’amitié de quelques jeunes gens bons et généreux, enfants de ce peuple dont il est le peintre fidèle et le poète aimé. […] Béranger a joué le rôle le plus perfide, le plus coupable et le plus vil ; qu’il doit figurer au premier rang de ceux qui ont fait du mal à l’humanité, à leur époque et à leur pays ; que ce mal, il l’a fait sciemment, froidement, non pas par entraînement et par passion… mais avec calcul, en versant la goutte de poison là où il savait qu’elle serait plus corrosive et plus meurtrière et en prenant pour auxiliaire, dans son œuvre criminelle, tout ce que l’esprit de parti a de plus bas, de plus méchant et de plus bête.