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97. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre VI : Règles relatives à l’administration de la preuve »

Pour la peine, au contraire, si l’on a cru qu’elle s’expliquait également bien par des causes différentes, c’est que l’on n’a pas aperçu l’élément commun qui se retrouve dans tous ces antécédents et en vertu duquel ils produisent leur effet commun 84. […] Cependant, quoique l’élimination absolue de tout élément adventice soit une limite idéale qui ne peut être réellement atteinte, en fait, les sciences physico-chimiques et même les sciences biologiques s’en rapprochent assez pour que, dans un grand nombre de cas, la démonstration puisse être regardée comme pratiquement suffisante. […] Ainsi, les éléments nouveaux que nous avons introduits dans le droit domestique, le droit de propriété, la morale, depuis le commencement de notre histoire, sont relativement peu nombreux et peu importants, comparés à ceux que le passé nous a légués. […] Pour pouvoir expliquer l’état actuel de la famille, du mariage, de la propriété, etc., il faudrait connaître quelles en sont les origines, quels sont les éléments simples dont ces institutions sont composées et, sur ces points, l’histoire comparée des grandes sociétés européennes ne saurait nous apporter de grandes lumières. […] Car, d’une part, elle nous montrerait à l’état dissocié les éléments qui le composent, par cela seul qu’elle nous les ferait voir se surajoutant successivement les uns aux autres et, en même temps, grâce à ce large champ de comparaison, elle serait beaucoup mieux en état de déterminer les conditions dont dépendent leur formation et leur association.

98. (1903) La pensée et le mouvant

La difficulté doit être résolue, et le problème analysé en ses éléments. […] Mais ces éléments sont-ils des parties ? […] Ce n’est pas une partie, mais un élément. […] On reconnaît l’élément à ce qu’il est invariable. […] Quels sont les éléments impliqués dans la pensée ou dans l’existence ?

99. (1882) Qu’est-ce qu’une nation ? « I »

Loin de fondre les éléments divers de ses domaines, la maison de Habsbourg les a tenus distincts et souvent opposés les uns aux autres. En Bohême, l’élément tchèque et l’élément allemand sont superposés comme l’huile et l’eau dans un verre.

100. (1915) La philosophie française « II »

Le besoin de résoudre les idées et même les sentiments en éléments clairs et distincts, qui trouvent leurs moyens d’expression dans la langue commune, est caractéristique de la philosophie française depuis ses origines. […] Remarquons qu’une idée est un élément de notre intelligence, et que notre intelligence elle-même est un élément de la réalité : comment donc une idée, qui n’est qu’une partie d’une partie, embrasserait-elle le Tout ?

101. (1890) L’avenir de la science « X » pp. 225-238

Il y a, je le sais, des éléments communs que l’examen de tous les peuples et de tous les pays rendra à l’analyse. […] Sans doute il y a de l’universel et des éléments communs dans la nature humaine. […] Tel élément, principal dans telle race, n’apparaît dans telle autre que rudimentaire. […] On chercherait en vain dans cet éternel devenir l’élément stable, auquel pourrait s’appliquer l’anatomie. […] Ce travail de la foule est un élément trop négligé dans l’histoire de la philosophie.

102. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre quatrième. Les émotions proprement dites. L’appétit comme origine des émotions et de leurs signes expressifs. »

Maintenant, au point de vue psychologique, quel est l’élément primitif des émotions ? […] Quelque part de vérité que renferme cette analyse psychologique, elle ne nous paraît point encore aboutir aux éléments véritables et primordiaux de l’émotion. […] Ces mouvements se sont associés ensuite avec ceux de l’effort en général, et, de là, avec les émotions où la peine entre comme élément. […] Or, dans toute passion, il y a d’abord un élément intellectuel, — perception ou idée, — puis un élément sensible, — plaisir et douleur, — enfin un élément volitif, — désir et aversion. […] La solidarité sociale des éléments dont nous sommes composés n’est pas seulement sympathique, elle est défensive et active.

103. (1856) Cours familier de littérature. II « XIe entretien. Job lu dans le désert » pp. 329-408

Des éléments rivaux les luttes intestines, Le temps qui flétrit tout, assis sur les ruines             Qu’entassèrent ses mains, Attendant sur le seuil tes œuvres éphémères, Et la mort étouffant, dès le sein de leurs mères,             Les germes des humains ! […] Chaque élément semble ainsi avoir son poète. […] Il y peint sur une toile sans fond et sans fin la bataille de Dieu et des esprits rebelles, corps aériens qui succombent sans mourir et qui roulent du sommet des cieux dans les abîmes des enfers sans jamais se heurter aux aspérités impalpables de l’élément ambiant des mondes. […] … C’est que l’espace, cet élément de grandeur et de vérité, cette optique même des idées, était entré dans une certaine proportion en nous. […] Il a promis à l’homme hébété de chiffres que l’association transformerait jusqu’à sa nature physique et jusqu’aux éléments immuables de la création : la terre, l’océan, l’air, l’eau, le feu, les planètes mêmes, ces écrins éclatants de Dieu.

104. (1890) L’avenir de la science « XII »

L’humanité ne s’assimile définitivement qu’un bien petit nombre des éléments dont elle fait sa nourriture. […] Ce jour-là, j’éprouvai le sentiment de l’immensité de l’oubli et du vaste silence où s’engloutit la vie humaine avec un effroi que je ressens encore, et qui est resté un des éléments de ma vie morale. […] Ces pauvres femmes, séparées, eussent été vulgaires et n’eussent fait presque aucune figure dans l’humanité ; réunies, elles représentent avec énergie un de ses éléments les plus essentiels du monde, la douce, timide et pensive piété. […] Il n’est pas bien sûr qu’un tel travail amenât aucun résultat sérieux ; n’importe ; la simple possibilité d’y trouver quelque fine induction, qui, entrant comme élément dans un ensemble plus vaste, révélât un trait du système des choses, suffirait pour hasarder cette dépense. […] Notre immortalité consiste à insérer dans le mouvement de l’esprit un élément qui ne périra pas, et en ce sens nous pouvons dire comme autrefois : Exegi monumentum aere perennius, puisqu’un résultat, un acte dans l’humanité est immortel, par la modification qu’il introduit à tout jamais dans la série des choses.

105. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre II : L’intelligence »

On peut dire que l’enfant sent tout ce qui entre dans ses yeux ou ses oreilles, qu’il en a conscience ; mais pour faire de tous ces éléments une connaissance, il faut un choix, une classification, une spécialisation. Ce que nous appelons attention, observation, concentration de l’esprit, doit s’ajouter à l’acte de la discrimination pour que la connaissance commence. « Le processus de la connaissance est essentiellement un processus de sélection. » Les éléments essentiels de la connaissance peuvent se résumer ainsi : Connaître une chose c’est savoir qu’elle ressemble à quelques-unes et diffère de quelques autres. […] La perception d’un objet externe n’est nullement un acte aussi simple qu’il semble au vulgaire ; pour qu’elle se produise, il faut qu’un grand nombre d’éléments, d’abord distincts, se soient associés par une répétition constante et uniforme. […] Enfin, si, en décrivant une tempête, vous dites « le combat des éléments », vous associez par ressemblance, car il y a combat et lutte dans une tempête ; et par contiguïté, car cette métaphore est si usitée que les deux idées se tiennent. […] Grote, par exemple : « On ne peut comprendre, dit-il, la terreur des Athéniens apprenant la mutilation des Hermès, qu’en se rappelant qu’à leurs yeux c’était un gage de sécurité d’avoir les dieux habitant leur sol. » L’association constructive dans les beaux-arts, ou imagination proprement dite, présente une particularité : c’est la présence d’un élément émotionnel dans les combinaisons.

106. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre troisième. L’idée-force du moi et son influence »

La synthèse psychique, qui est l’élément irréductible de la conscience, et dont l’idée d’un moi simple et identique est la personnification plus ou moins symbolique, a sa contre-partie dans la synthèse cérébrale. […] Ce rôle de l’idée du moi, comme facteur de l’évolution, ressortira davantage encore d’une analyse des éléments qui composent cette idée. […] L’idée-force du moi éternel n’est-elle pas un des éléments les plus importants de la religion ? […] Sans cette intégration, les idées de Patrie ou d’Humanité n’agiraient plus en moi comme elles agissent ; elles demeureraient des entités abstraites, de simples signes logiques, tandis qu’elles deviennent des éléments et des facteurs réels de ma volonté par leur pénétration dans mon moi. […] Cette tendance est encore augmentée par la nécessité de se nourrir, commune à tous les êtres vivants, et qui est une intusception, une absorption en soi des éléments extérieurs, une sorte de faim perpétuelle et d’aspiration à se remplir.

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